En plus du bouche à oreille, les infos circulent sur des groupes facebook d’opposition au loup, car oui, il est apparemment possible de s’opposer à la vie d’une espèce, et les commentaires se réjouissant de la mort par collision ou autre d’un de ces canidés y sont légion.
Alors oui, il y a des loups en France, oui ils peuvent s’attaquer aux troupeaux, et on sait que retrouver des brebis mortes ou blessées est difficile.
Pour éviter cela, il existe différents moyens de protection : clôture électrique, berger-e, autre effarouchement visuel, sonore ou odorant, chien de protection (patou), abris fermés de nuit… et la politique agricole commune (PAC) prévoit des accompagnements financiers et logistiques à leur mise en place. Elle prévoit en premier lieu une analyse de vulnérabilité permettant de connaître les risques et d’adapter les mesures à chaque cas. L’utilisation de plusieurs de ces mesures est plutôt efficace, car le loup s’en prend aux troupeaux avant tout car se sont des proies plus faciles que les animaux sauvages.
Voyant que cela ne suffit pas à calmer les anti-loups et soucieuses de réellement protéger cette espèce “protégée”, certaines associations de protection de la faune sauvage font appel à des bénévoles pour informer le public sur l’espèce, faire de la médiation afin de calmer les craintes attisées, continuer à étudier les moeurs des animaux et veiller sur les troupeaux là où il y a risque avéré.
Utiliser la présence humaine pour effaroucher est une technique éthique à laquelle nous n’aurions pas idée de nous opposer. Sans surprise, ici aussi des associations prennent de leur temps, énergie et argent pour pallier un manque. Mais cette fois-ci, il s’agit même de proposer une alternative à ce qui serait autrement fait par décision du gouvernement : éliminer les individus posant problème. Canis lupus, rappelons-le, est protégé au niveau français et européen et toujours classé “vulnérable” sur la liste rouge des espèces menacées du territoire français de l’UICN. L’état doit faire en sorte de maintenir ses populations, hors, des études montrent que, en plus de nuire à sa conservation, les tirs autorisés seraient inefficaces pour limiter les attaques sur troupeau.
Il est intéressant de prendre un moment pour y penser de façon globale.
Nous utilisons des bénévoles pour protéger les loups des tirs de louvetiers, missionnés et défrayés par l'État. Nous utilisons des bénévoles pour éviter des pertes financières à des éleveurs subventionnés par l'État car leur filière n’est plus rentable.
L’argent public (environ 630 millions par an) maintient la filière ovine, principalement impactée par le libre échange, les choix de la PAC, les zoonoses. La consommation d’agneau diminue, comme le nombre d’éleveurs ovins. La prédation n’est qu’une part, certes difficile, mais infime du problème. En outre, une partie des attaques classées “loup non exclu” ne sont pas à imputer au loup (souvent à des chiens), ce qui fausse les chiffres (11.000 ovins tués par an en France, soit 0.15%). Premièrement, les loups ne sont que boucs émissaires, et j’ose imaginer que même la Coordination rurale 87, qui propose une récompense à ceux qui en tueront, le sait.
Deuxièmement, s’acharner à maintenir, avec l’argent du peuple, une activité non essentielle et coûteuse plutôt que d’accompagner les éleveurs à se reconvertir, est un non sens social.
Enfin, nous utilisons des bénévoles pour protéger d’un carnivore des animaux que l’on a fait naître pour exploiter et tuer sans que cela ne nous soit plus nécessaire. Nous utilisons des bénévoles pour protéger des animaux qui seront bientôt tués par notre espèce, pour notre espèce.
On comprend la peine de découvrir une brebis éventrée, personne ne souhaite que cela arrive. Et peut-être que l’abattoir tue plus vite que le loup. Mais où est cette compassion envers l’animal lorsqu’on le mène à la mort alors qu’il est jeune et en bonne santé ?
Que protègent réellement ces personnes volontaires et altruistes venues donner de leur temps ? Certainement pas le droit à la vie des brebis. On peut se dire que quelques tirs seront évités, et c’est très bien. Mais à l’heure où les associations manquent de volontaires, car beaucoup de citoyen-nes manquent déjà de temps et d’argent pour vivre décemment, c’est assez absurde de devoir faire appel à des berger-es bénévoles pour défendre une espèce de l'État qui est supposé la protéger.
Les cristalines : Effects of Wolf Mortality on Livestock Depredations, Robert B. Wielgus,Kaylie A. Peebles
Crier au loup pour avoir la peau de l’ours, Farid Benhammou
Aide à la protection des exploitations et des troupeaux contre la prédation du loup et de l'ours, PAC 2023-2027