Los cuatro horizontes del cielo - Les quatre horizons du ciel (1973) :
III
El pan partido sobre la mesa de mi casa
Los restos de comida en el mantel las ollas y todo aquello
Y mis hermanos reunidos y la tropa entera masticando
Y el sonido de la lluvia en las tejas y después las largas noches
con la lámpara Coleman colgando de la viga
Y las salamanquejas que aterraban a mi madre y el paso secreto en el patio
Y los pequeños lagos en el barro donde echaba mis naves
blancas y largas de papel de cuaderno
III
Le pain rompu sur la table de ma maison
Les restes de nourriture gardés dans la nappe les casseroles et tout ça
Et mes frères réunis et la troupe entière qui mâchouille
Et le son de la pluie sur les tuiles et ensuite les longues nuits
avec la lampe Coleman suspendue à la poutre
Et les salamandres qui terrorisaient tant ma mère et le passage secret dans le jardin
Et les petits lacs sur la boue où je mettais à l'eau mes navires
blancs et longs du papier de mes cahiers
IV
Otra vez los pómulos del abuelo salían a buscarme
cuando sólo me reconfortaban sus cuentos de mar
y sus manos inacabables sobre el tejido del chinchorro y aquel sombrero
que no largaba
Y otra vez la travesía a la minúscula estrella caída
a mis pies de tarde en tarde cuando como un hachazo todo volvía
a ser real.
IV
Une autre fois les pommettes du grand-père venaient me chercher
quand seuls ses contes de la mer pouvaient me réconforter
Et ses mains infatigables sur le filet de pêche ou les cordages et puis ce chapeau
qu'il ne larguait jamais
Et de nouveau la traversée sous l'étoile déchue minuscule
à mes pieds de soir en soir quand pareil à un coup de hache tout redevenait
réel.
IX
Tú poderoso espíritu entre mí rojo pájaro en el plexo
A quien abrí y vi su corazón
Tú entrado en años como el mar
qué haces en mi esqueleto
Qué mueves en mis glándulas que me veo tan triste
No más trenes vacíos a mi estacion cubierta por la niebla
No más barcos rotos a estos muelles doblados por las brisas
No más murallas alrededor de las formas que sangran
Muertos sobre estas calles
No más el sonido del viento entre la noche baldía de mi casa en escombros
sin una voz que apague los quejidos
No más hilos de un hueso a otro no más gargantas rojas
Basta de preguntar cada mañana si antaño te amaba
Basta de caer empezando a subir
No más leprosos labios ante las guitarras
¡No más treces lentísimos lóbregos tumefactos moribundos llorándose!
IX
Toi puissant esprit logé dans l'oiseau rouge de ma poitrine
A qui j'ai ouvert le ventre et vu le cœur
Toi vieillissant avec la mer
que fais-tu de mon squelette
À quoi touches-tu dans mes glandes pour que je me sente si triste
Ça suffit des trains sans passager dans ma gare recouverte par la brume
Ça suffit des navires brisés à ces quais dépassés par la brise
Ça suffit des murailles tout autour des formes qui saignent
Des morts dans cette rue
Ça suffit le bruit du vent dans la nuit stérile de ma maison en ruine
sans une voix pour éteindre les plaintes
Ça suffit des fils allant d'un os à l'autre ça suffit des gorges rouges
S'en est assez de demander chaque matin si jadis t'aimait
S'en est assez de chuter l'ascension à peine entamée
Ça suffit des lèvres de lépreux devant les guitares
Ça suffit des sombres trop lentes tuméfactions moribondes pleurantes au nombre de treize
XVI
En el cielo blanco la lámpara alumbra
sin importarle un bledo qué
A mis pieds las envolturas de los cigarros dicen Eh tú tonto
aplastadas por la mano amarilla de nicotina
Si el alma tiene garganta
debería emplearla para gritar a estos perros
¡Perros!
XVI
Dans le ciel blanc la lampe illumine
sans se soucier le moins du monde
Qu'à mes pieds les mégots de cigarette me disent Hé toi du con
écrabouillés par la main jaune de nicotine
Si l'âme possède une gorge
qu'encore devrait-elle l'employer pour crier à ces chiens
Chiens!
XXII
Yo narro la historia de las pequeñas implicaciones humanas de los pasos
apenas sentidos yo narro las cronicas terrestres de gansos perros y bueyes
y también de hombres y mujeres
y de piedras nubes pájaros peces y naves
Yo cuento apenas una parte de las insignificantes aventuras del ojo
por países de adentro por grietas humedas atravesadas de venas inacabables
Yo narro el balanceo de las conciencias ante los billetes de banco
Yo narro el aullido de los poetas ante la miseria humana
Tengo en mi bolsillo la pluma con la que escarbaré lo hondo del papel
hasta hacerlo reventar de cansancio
Estos torbellinos que me asaltan son también los pelos de mi cabeza
Estos panfletos son mis cantos de amor...
XXII
Moi je narre l'histoire des petites implications humaines des pas
à peine perceptibles moi je narre les chroniques terrestres des chiens, des oies et des bœufs
et aussi des hommes et des femmes
et des pierres nuages oiseaux poissons et navires
Moi je raconte à peine une partie des aventures insignifiantes de l’œil
en des contrées du dedans par des grottes humides traversées par des veines interminables
Moi je narre le chavirement des consciences face aux billets de banque
Moi je narre le hurlement des poètes face à la misère humaine
J'ai dans ma poche la plume avec laquelle je creuserai le fond du papier
jusqu'à le déchirer de fatigue
Ces tourbillons qui m'assaillent sont aussi les cheveux de ma tête
Ces pamphlets sont mes lettres d'amour...
XXVIII
Mis incendios se originaron en las bodegas de mi pecho
Todo yo ardí y no hubo agua para mis llamas
Conocí la miseria interior que otros dejaron en mi puerta
Saludé las prohibiciones que me imponían y las costumbres que me instalaron
Pregunté a todos y no obtuve respuesta Me dieron un palo
para marcar los trozos de calle
Di las amarguras de mi corazón y quedé liberado
Y después bajé por un pozo y fui sólo reflejo de agua.
XXVIII
Mes incendies ont débuté dans les caves de mon ventre
De partout je me suis mis à brûler et aucune eau n’est venue éteindre mes flammes
J'ai connu la misère intérieure que d'autres ont laissé devant ma porte
J'ai salué les interdits qu'on m'imposait et les coutumes auxquelles on m'habituait
J'ai demandé à tous et n'ai obtenu aucune réponse On me donna une planche
pour marquer le coin des rues
J'ai offert les aigreurs de mon cœur et je me suis vu libéré
Et enfin je suis descendu dans un puits et je n'ai été qu'un reflet sur l'eau.
XXXI
He despertado en las piedras y me he visto soñando he masticado hierba
como vaca me he vuelto sereno He besado las puntas del monte he bebido
rocío
He enloquecido entre antigüedades entre maquinaciones a mi espalda
Estoy clavado como una espada en medio de mis vísceras no tengo salidas
He contradicho mis palabras Todo yo soy una contradicción de carne
He vencidos los monstruos de mis fábulas estuve en mis castillos
Las grandes puertas bajan para recibirme con más esplendor que a un rey
Las banderas se agitan como demonios
rojas y puntiagudas
sobre las torres resplandecientes
Me acosté en el lecho de las escogidas me oriné en sus faldas
hice pucheros en sus ojos delicados y grandes
He sido jet invisible por los espacios de mi cuerpo acostumbrado a los vuelos
Manejé injertos de serpientes y de hombres atravesé cuartos de hora
He sido árbol tajado y pájaro herido he sido máquina negra y polvo blanco
Mi mano derecha ha ajustado los movimientos de la izquierda
y me ha permitido ser lo contrario mi acento aldeano me ha deparado burlas
inmisericordes
He salido desnudo a combatir los hielos y me he quedado petrificado
Me bañe en kerosene y me metí entre llamas
y he sido trozo de carbón al que el viento de vez en cuando inflama.
XXXI
Je me suis réveillé parmi les pierres et je me suis pris à rêver j'ai mastiqué de l'herbe
comme une vache je me suis fait serein J'ai embrassé la pointe de la montagne j'ai bu
la rosée
Je suis devenu fou parmi ces antiquités parmi ces machinations dans mon dos
Je suis planté comme une épée dans mes viscères je n'ai aucune sortie
J'ai contredit mes paroles Je suis tout entier une contradiction de chair
J'ai vaincu les monstres de mes fables j'ai été dans mes châteaux
Les ponts-levis descendent pour m'accueillir avec une gloire supérieure à celle d'un roi
Les bannières s'agitent comme des démons
rouges et pointues
en haut des tours resplendissantes
Je me suis couché dans les lits des promises j'ai pissé sur leurs robes
J'ai préparé ma soupe dans leurs yeux délicats et grands ouverts
Je me suis fait jet invisible dans le vide de mon corps
J'ai conduit des essaims d'hommes et de serpents j'ai traversé des quarts d'heure
J'ai été l'arbre coupé et l'oiseau blessé la machine noire et la poussière blanche
Ma main droite lui a réglé ses mouvements à la gauche
et m'a permis d'être le contraire mon accent paysan m'a valu des moqueries
nullement miséricordieuses
Je suis sorti tout seul combattre les glaces et je suis resté pétrifié
Je me suis douché au kérosène et je me suis mis dans les flammes
et j'ai été ces bouts de charbon que le vent parfois enflamme.