Feu
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Si les mots étaient la pluie de météores
la parole accoucherait du grand incendie
ils ressemblent davantage à ce pavé
jeté dans la mare
ils s’usent d’être jetés comme ci
ils ne s’usent pas d’être jetés comme ça
qu’on pratique l’accumulation
qu’on en fasse l’emprunt
qu’on les vende au rabais
s’insinue toujours en eux
comme une coquille dans une coquille
on peut tenter l’hypergamie langagière
ou bricoler des archipels sans foi, sans roi, sans loi
nous avons l’instinct de constellation
l’ancre est en cette région du monde
qui meurt et renaît sans cesse
dire l’humanité est un passe-partout
il y a être humble comme Atlas
et il y a être humble comme Argos
bientôt on oubliera la possibilité des premiers chants
l’histoire s’invente des péripéties dans la glaise
la domestication de la grenouille stagne
nous en verrons d’autres disent les marchés
c’est ainsi par ici
le bruit prend l’odeur de l’essence
on recense assez peu d’accidents
il faut faire avec des jerricans de mots d’ordre
de slogans, de bondieuseries, d’ergotages
comme le brouhaha de Big City
qu’on ne peut pas dire peopolisation
nous sommes des statues dans les yeux du mensonge
guère plus loin un fémur leur sert de flûte
demain se vit là-haut comme la conjuration du même
mêmes tripes de vautours pendues aux réverbères
même soucis sourcilleux de la dynamite
même or sous la terre
on retiendra les devises pour les touristes
qu’au moins dans les cimetières
les os et les mots se mélangent
et pourrissent ensemble
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Feu