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Billet de blog 8 février 2021

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Temps de chien (traduction d'un poème de Victor Valera Mora)

Tiempos de perros est un poème de Victor Valera Mora, dit "el Chino", auteur vénézuélien, extrait de son recueil Canción del soldado justo (1961).

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Tiempo de perros

I

De la noche al camino andaba el grito

y se alojó enredado en mi garganta.

Conversando largamente con el mar

se inauguraron mis redes repartiendo peces y veleros

entre la pequeña gente de la calle,

a quien el huracán asesinó el último

rincón que respiraba:

el conuco la playa los caballos.

Si los otros que transitan de rodillas

y almuerzan los platos más aéreos,

saborearan los simples alimentos que regalo:

ácida serían la miel y las aricas

amargo el pan y duro el panadero

negro mi corazón, agitador el grito.

Aletearán las fauces de los perros hambrientos

de sudor y de lengua al escuchar mi canto,

mis veinte años de regreso, mi siglo exasperado.

Sus pálidos colmillos, sus cárceles profundas y agónicas

cambiarían el color de mis hogueras

y la misión de voz entre los hombres,

si pudieran a sol entero desangrar todo crepúsculo,

romper rocío a puñales y noche continuada.

II

Mi  único bautizo es todo esto:

dos alpargatas negras y huecas de tristeza,

vienen desde el regreso

calzando mis latidos,

mis pequeños amores,

atravesando puras los grises paredones

roídos por los golpes de caínes de fuego.

Pero siempre tengo un pequeño jardín

un rojo jardinero riéndole a la lluvia

de pie sobre la tierra en arcoiris

(rosa la madre rosa, rojo clavel el hijo)

Si intentas destrozarlo, si muerdes la mano sembradora

rojas banderas quemarán tu lomo de judas,

puños inexorables romperán tu hocico para siempre.

III

Hoy madrugo alboradas noviembre entre mis sábanas

El sol está bañándose en el río,

su cuerpo de ciudad despierta con el agua.

El único dolor que muelo entre mis brazos

son las horas que lamen los sentidos:

ignoro sus viajes en la noche,

sus fáciles apellidos, los ojos como dientes.

Yo sólo sé de los pasos a la Universidad

a desangrar mis ansias nuevamente

llegaré hasta las aulas para diluir la angustia,

el silencio escondido en los murales,

los ciegos espejuelos del profesor de turno.

IV

Si me vieran peinando tus negros ojos

con mi boca lejana,

cómo nos espiarían, con qué furor clavarían el aire de los parques.

Ay, amor, duro sería el rencor

de los acuartelados de los rincones,

por el que viene a levantar mi ausencia.

V

Cómo me alegra ver en los siete días del mundo

tu leve papagayo sobre los edificios,

tener entre mis brazos tu cuerpo de pequeño naranjo,

tu corazón de bosque y de gacela,

sentir en la mejilla tu aliento de lago y nube.

Longitud de alegría es tu mirada

crepuscular sonido, eres el niño errante,

bestias desnudas cortarían tu hilo de fiesta,

pero estoy a tu lado

hijo de párpados y raíces, elemental poema,

levantando murallas de fuego y agua para protegerte

y perpetuar tu papagayo airado,

constelación precisa del poeta azul marino marinero.

VI

Siempre de pie como un grito boca arriba

golpearé con mis versos la frente de la sombra,

el crimen, la cárcel, la tortura.

Ellos y su aguacero de chacales

escarbarán la tierra

con mil uñas de muertes afiladas,

procurarán ahogarme, callar mi voz,

anegar el mundo de huérfanos y viudas recién hechas.

Pero esto viene rodando, dando tumbos

desde ls hombros de la sangre,

desde los puros carbones populares.

VII

Os doy mi voz erguida

mi sangre de regreso hacia tu edad primera.

Juventud siempre antigua, recomenzada toda,

agonía, irreductible fusil de barricada.

El tiempo pide corazones enarbolados.

¡Uníos! ¡Uníos, fuertes picapedreros!

Implacable tormenta de puños

y metálicas lunas sea la marcha,

porque esta tierra es un río de rodillas,

hay que levantarlo.

Y yo, os aseguro,

la muerte de los lobos será de madrugada.

Temps de chien

I

De la nuit au chemin marchait le cri

et il se glissa pour s'enrouler dans ma gorge.

En parlant longuement avec la mer

j'ai inauguré mes filets en répartissant mes poissons et mes voiliers 

au bas peuple de la rue

assassiné en dernier par l'ouragan

recoin qui respirait:

le conuco* la plage les chevaux.

Si les autres qui voyagent à genoux

et se régalent de plats aériens,

savoureraient mes aliments simples offerts ici:

la terre et le miel en deviendraient acides

amer le pain et dur le boulanger

noir mon cœur, ce cri agitateur.

Les mâchoires des chiens affamés battront des ailes

en sueur tirant la langue au moment d’écouter mon chant,

mes vingt ans de retour, mon siècle exaspéré.

Leurs crocs pâles, leurs geôles abyssales et affreuses

changeraient la couleur de mes bûchers

et la voix en mission parmi les hommes,

s'ils pouvaient en plein soleil saigner tout un crépuscule,

briser la rosée avec des poignards et la nuit persistante.

II

Mon unique baptême c'est tout ça:

une paire d'espadrilles noires et trouées par la tristesse,

qui viennent depuis le retour

chaussant mes pulsations,

mes petits amours,

traversant les purs murets en ruine

rongés par les coups des caïns en feu.

Mais je garde toujours un petit jardin

un jardinier rouge riant à la face de la pluie

debout sur la terre en arc-en-ciel

(rose la mère rose, œillet rouge le fils)

Si tu essaies de le détruire, si tu mords la main qui sème

de rouges drapeaux s'abattront sur ta chair de judas,

des poings inexorables briseront ton museau pour toujours.

III

Aujourd'hui je déjeune des lumières de l'aube novembre sous les couvertures

Le soleil est en train de se baigner dans la rivière,

son corps de ville s'éveille au contact de l'eau.

La seule douleur que je mâche entre mes bras

ce sont les heures qui lèchent les sens:

j'ignore ses voyages dans la nuit,

ses noms faciles, les yeux comme des dents.

Moi je connais juste le chemin qui mène à l'Université

et pour y saigner mes envies à nouveau

j'irai jusque la salle de classe pour y diluer l'angoisse,

le silence terré dans les fresques,

les lunettes aveugles du professeur dans sa tournée.

IV

Si l'on me voyait peindre tes yeux noirs

de ma bouche lointaine,

comme on nous espionnerait, avec quelle fureur on clouerait l'air des parques.

Ay, amour, trop dure serait la rancœur

des retranchés dans les coins,

pour celui qui vient lever mon absence.

V

Comme je suis heureux de voir chacun des sept jours du monde

ton léger papagayo perché sur les édifices,

tenir entre mes bras ton corps de petit oranger,

ton cœur de forêt et de gazelle,

sentir sur la joue ton haleine de nuage et de lac.

Ton sourire est une longitude d'allégresse

son crépusculaire, tu es l'enfant errant,

les bêtes nues couperaient bien le fil de tes fêtes,

mais je suis là,

le fils des racines et des paupières, poème élémentaire,

bâtissant des murailles de feu et d'eau pour te protéger

et préserver ton papagayo courroucé,

constellation précise du poète bleu marin marinier.

VI

Toujours debout comme un cri la tête haute

je frapperai avec mes vers le front de l'obscurité,

le crime, la prison, la torture.

Ceux-là avec leur déluge de chacals

creuseront la terre

avec mille ongles aiguisées mortellement,

ils voudront m'étrangler, me faire taire,

nier le monde d'orphelins et de veuves qu'ils viennent de fabriquer.

Mais cela nous arrive dessus en dévalant, ça fait des tours

depuis les épaules couvertes de sang,

depuis les purs charbons populaires.

VII

Je vous donne ma voix dressée

mon sang de retour vers ton âge premier.

Jeunesse toujours une antiquité, chaque fois recommencée,

agonie, sur la barricade des irréductibles fusils.

L'époque réclame des cœurs brandis.

Unissez-vous! Unissez-vous, valeureux tailleurs de pierre!

Implacable tornade de poings

et qu'une lune d'acier guide notre marche,

car cette terre n'est qu'un fleuve à genoux

qui devra un jour déborder.

Et moi, je vous l'assure,

la mort des loups viendra le matin.

*Conuco: Petit jardin collectif fonctionnant sur le mode de l'agriculture ancestrale. Mot originairement taína, il est utilisé pour désigné ces petites exploitations au Vénézuéla, à Cuba et en République Dominicaine. 

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