La Tierra Cuadrada - La Terre Carrée.
Première partie:
El cuadrado de la noche – Le carreau de la nuit
Dios murió hace dos minutos
traigan diarios para taparlo y un café
Gregorio Paredes
Dieu est mort il y a deux minutes
Amenez des journaux pour le recouvrir et un café
Gregorio Paredes
¡Hey! noche de mendigos
¿Has visto alguna vez
el fantasma de Dios
caminar por tus costillas?
Hey! nuit des clochards
As-tu vu une fois
le fantôme de Dieu
marcher sur tes côtes?
I
A veces
me despierto
tiritando como un condenado
No sé quién soy
Entonces
frenéticamente me desnudo
y me lamo de pies a cabeza
Busco el recuerdo de la tierra
Des fois
je me réveille
grelottant comme un condamné
Je ne sais plus qui je suis
Alors
frénétiquement je me déshabille
et me lèche des pieds à la tête
je cherche le souvenir de la terre
II
Perdido en mi propia muchedumbre
me busco incansable
Estos rostros burlones
son el mío - pienso
Extiendo los brazos
pero no me encuentro
Perdu dans ma propre foule
je me cherche inlassablement
Ces visages moqueurs
sont-ils le mien - je pense
Je tends les mains
mais je ne me trouve pas
III
Amo los perros
Lobos que aúllan
en la oquedad de mi cráneo
Como si una carcajada
plana y arenosa
batiera grises paredes
entre las que me deslizo
hacia algún lugar
que no me espera
J'aime les chiens
Loups qui hurlent
dans la cavité de mon crâne
Comme si un éclat de rire
plein et poussiéreux
battait contre ces murs gris
parmi lesquels je me faufile
vers un lieu
qui ne m'attend pas
IV
El viento saltó a las cuatro
T. S. Eliot
Le vent sauta à quatre heures
T. S. Eliot
Atado desatado
Naufrago de patria voy
hacia ninguna parte
Y el reloj dice: las cuatro
y me retuerzo
como si un demonio
acuchillara ardientes
heridas que nos cesan de sangrar
Enchaîné détaché
Naufragé d'une patrie j'avance
vers nulle part
Et la montre indique: quatre heures
et je me tortille
comme si un démon
poignardait d'ardentes
blessures qui ne cessent de saigner
V
Desiertos oscuros
recuerdos
por donde el alma
no deja de caminar
D'obscurs déserts
des souvenirs
par où l'âme
ne cesse de marcher
VI
Alma de soledad
sueño de la soledad
Aciaga sombra
de la piedra negra
sobre la piedra blanca
Alma de las oscuras calles
por las que camino
recordando pasos
que no escucho
Âme de solitude
rêve de solitude
Ombre funeste
de la pierre noire
sur la pierre blanche
Âme des sombres rues
que j'arpente
vous me rappelez des pas
que je n'entends pas
VII
¡Perro!
me grita el Ángel
de ojos llameantes
¿Hasta cuándo
de devoras a ti mismo?
Chien!
Me gueule l'Ange
aux yeux enflammés
Jusque quand
te dévoreras-tu toi-même?
VIII
Ni en el más oscuro diente del infierno
pudo Dante imaginar
un sótano de tristeza mayor
que lo de aquellos hombres solos
extendidos bajo un puente
contemplando las estrellas
en un cielo de cemento
Ni dans le plus obscurs recoins de l'enfer
Dante n'a pu imaginer
une cave avec plus de tristesse
que celle des hommes seuls
étendus sous les ponts
pour y contempler des étoiles
sur un ciel de béton
Deuxième partie:
El cuadrado de los sueños – Le carreau des rêves
Sueños...
Orejas para escuchar
el canto del cielo
Songes...
Oreilles pour écouter
le chant du ciel
I
Negra casa de los sueños
mesa de brumas
tajo por donde el sol se derrama
Me galopo por dentro
Me conquisto
Bebo mi sangre con sed inextinguible
Cabalgo mi potro blanco
mi esqueleto sin bridas
Maison noire des rêves
Table de brume
Tranchées où le soleil s'écoule
Je galope à l'intérieur de moi-même
Je pars à ma conquête
Avec une soif jamais assouvie je bois mon sang
Je chevauche mon poulain blanc
mon squelette sans la bride
II
Los sueños son de piedras
que caen del espacio
Días que no existen
Sueños...
Una monja con su vestido negro
inmóvil
esperando el beso de Dios
Les rêves sont faits des pierres
qui tombent de l'espace
Jours qui n'existent pas
Des rêves
Une nonne dans son habit noir
immobile
attendant le baiser de Dieu
III
A veces me sueño convertido en genio
Y espero milenios a que alguien
retire el tapón de la botella
para salir disparado hacia los cielos
y estallar en miles de estrellas
y satisfacer los sueños de todos los hombres
Des fois je me rêve transformé en génie
Et j'attends des millénaires que quelqu'un
vienne retirer le bouchon de la bouteille
pour en sortir propulsé vers les cieux
et éclater en millier d'étoiles
et combler les rêves de toute l'humanité
IV
Yo soy la sombra de un sueño
Yo soy la milésima parte de un sueño
que se escapa por debajo de la puerta
Y se expande hasta cubrir la ciudad
yo soy un sueño que crece indefinidamente
Un sueño que se cree real
Pero que sólo es la sombra de un sueño
Moi je suis l'ombre d'un rêve
Moi je suis la millième partie d'un rêve
qui s'échappe dessous la porte
Et s'étend jusqu'à couvrir la ville
moi je suis un rêve que grandit indéfiniment
Un rêve qui se croit réel
Mais qui n'est que l'ombre d'un rêve
Troisième partie:
La tierra cuadrada – La terre carrée
Las almas son incomunicables
deja que tu cuerpo se entienda con otro cuerpo
porque los cuerpos se entienden
pero las almas no.
Manuel Bandeira
Les âmes sont incommunicables
laisse que ton corps s'entende avec un autre corps
car les corps s'entendent
mais pas les âmes.
Manuel Bandeira
I
Uno se despierta
en medio de la noche
envuelto en pesadillas y piensa
Así que esto es el mundo
y no hay qué comer
ni qué beber
No queda más que contemplar las sombras
y desear que no se acaben
Y esto es la vida
por la que habría que agradecer a alguien
Hay que levantarse cantando
tropezando con los tachos de basura
con mierdas por todos lados y decir:
¡Qué hermosa es la vida!
Y aquí estamos
Con nuestra orejas
que ya no saben escuchar
Con el ojo-espejo
y este dolor en los huesos
viejos ya para el peso del mundo
Uno piensa...
A Cristo lo crucificaron
y agonizó tres horas
¿Qué decir entonces
de este clavo humano interminable?
Y aquí estamos
Con un cigarillo
en esta pieza oscura
pensando en la chica
más linda de la ciudad
En estos cuartos miserables
Soñamos con la chica
más linda de la ciudad
On se réveille
au milieu de la nuit
enveloppé dans un cauchemar et on pense:
Alors c'est ça le monde
et il n'y a rien à manger
rien à boire
Il ne reste plus qu'à contempler les ombres
et espérer qu'elles ne s'estompent pas
Et c'est ça la vie
pour laquelle on devrait remercier quelqu'un
On devrait se lever en chantant
trébucher sur des tas d'ordures
et avec de la merde de partout dire:
Qu'elle est belle la vie!
Et nous en sommes là
Avec nos oreilles
qui ne savent plus écouter
Avec l’œil-miroir
et cette douleur dans les os
trop vieux pour le poids du monde
On pense...
Le Christ ils l'ont crucifié
et il a agonisé trois heures
Que dire dans ce cas
du pieu interminable de l'humanité?
Et nous en sommes là
Avec une cigarette
dans cette pièce obscure
à penser à la fille
la plus jolie en ville
Dans ces chambres misérables
nous rêvons à la fille
la plus jolie en ville
La mujer más hermosa del mundo - La femme la plus belle du monde
Hay una luz. Ciertamente hay una luz
que nunca, nunca brilló sobre mí.
Janis Joplin
Il y a une lumière. Assurément il y a une lumière
qui jamais, jamais n'a brillé sur moi.
Janis Joplin
II
Tenía veintisiete
cuando se mató
la mujer más hermosa del mundo
¡Qué cosa!
Yo andaba con mis veinticinco
pensando en la vida
Y Manis va y se muere
(¿Escucharon alguna vez su voz
rasgar el cielo?)
Ese pequeño cuerpo quebrado por la muerte
Yo pienso con mis veinticinco
que el mundo es un perro loco
Esa mujer era mi ángel personal
Mi ventana-relámpago
Con una botella de vino triste
contemplo su retrato
y bebo lento
por los años
fuego
Elle avait vingt-sept ans
quand elle s'est tuée
la plus belle femme du monde
Quelle histoire!
Moi j'allais avec mes vingt-cinq années
pensant à la vie
et Janis s'en va et meurt
(Avez-vous déjà entendu une fois sa voix
gratter le ciel?)
Ce petit corps tordu par la mort
Moi je pense avec mes vingt-cinq berges
que le monde est un chien fou
Cette femme était mon ange personnel
Ma fenêtre-foudre
Avec un bouteille de vin triste
je contemple son portrait
et je bois lentement
aux années
feu
III
Un poco de música ayuda
para atravesar el día
con el alma convertida en vidrio
esperamos por un sonido grato
Una melodía
un canto humano
¡Ah perra ilusión que no me dejas!
Un peu de musique peut aider
à traverser la journée
avec l'âme convertie en verre
nous attendons un son gracieux
Une mélodie
un chant humain
Ah chienne d'illusion qui ne me lâche pas!
IV
Caminar
bajo esta luz mortecina
Sin nada sin una mujer
en esta soledad
en esta mierda solitaria
(despoblada de amor)
Andar por las calles
arrastrando este carro de fantasmas
sin nadie que te diga
yo soy la vida
Marcher
sous cette lumière mourante
Sans rien sans une femme
dans cette solitude
dans cette merde solitaire
(vidée de l'amour)
Aller dans les rues
traînant cette voiture de fantômes
sans que personne ne te dise
c'est moi la vie
V
Acariciar una hermosa mujer
Besar su sexoparaíso
Acallar el reloj del mundo
con sus piernas
¿En qué otra parte está el sol?
Caresser une jolie femme
Embrasser son sexeparadis
Faire taire l'horloge du monde
avec ses jambes
Dans quel autre lieu chercher le soleil?
VI
No seas loco - me dijo -
no soy Dios
(sus piernas parecían templos)
No soy Dios - me dijo -
pero yo recuerdo aún
su culo cósmico
Ne sois pas fou - qu'elle m'a dit -
je ne suis pas Dieu
(ses jambes ressemblaient à des temples)
Je ne suis pas Dieu - qu'elle m'a dit -
mais je me rappelle encore
son cul cosmique
VII
Primero la llamaron
abejita de miel
Luego fue
la paloma zurita
del jardín
Hoy es
la garza puta
del Rey Sol
D'abord elle fut nommée
petite abeille de miel
Ensuite ce fut
la colombe
du jardin
Aujourd'hui c'est
la corneille salope
du Roi Soleil
VII
Nada tan solo
como una botella vacía
en un portal oscuro
en una noche oscura
Rien seulement juste
comme une bouteille vide
au portail obscur
d'une nuit obscure
IX
Me voy a veces por las calles
y escucho a la gente gritar
y no sé de qué mierda hablan
Y yo también grito
y no sé de qué mierda hablo
Y así vamos por el mundo
entendiéndonos
Je descends quelques fois dans la rue
et j'écoute les gens crier
et je ne sais pas de quelle connerie ils parlent
Et moi aussi je me mets à crier
et je ne sais pas de quelle connerie je parle
Et on fait comme-ça dans ce monde
pour se comprendre
X
Me levanto
demasiado enfermo por el trago
Pienso en la ciudad humeante
En el trabajo
Pienso en una corrida de toros
pienso en el toro - el toro olé -
Un cuerno definitivo
atravesando mi corazón
Je me lève
trop malade à cause de la boisson
Je pense à la ville odorante
Au travail
Je pense à une corrida de taureaux
Je pense au taureau - le taureau olé -
Une corne fatale
traversant mon cœur
XI
Yo soy la imagen de Dios
Me lanzó aquí
en medio del camino
y me entregó una escobilla y un trapo
Desde entonces doy tumbos
por un mundo incomprensible
Pero aunque no lo quiera soy su imagen
El recuerdo de este limpiabotas
no lo deja dormir
Moi je suis l'image de Dieu
il m'a jeté ici
au milieu du chemin
et m'a donné une brosse et un chiffon
Depuis ce jour que j'avance par étape
dans un monde incompréhensible
Mais même si lui ne veut plus je suis son image
Le souvenir du cireur de chaussures
lui ôte le sommeil
XII
El día amanece patas arriba
recuerdos cosas viejas
vienen a caminar por mis paredes
Medio litro de ginebra
apenas hace un minuto de sol
abro la puerta
La calle bostezando
afila su cuchillo
Andemos
Le jour se lève les pattes en l'air
souvenirs vielles choses
s'en viennent marcher sur mes murs
Un demi-litre de gin
il n'y a pas une minute de soleil
j'ouvre la porte
La rue qui baille
aiguise son couteau
Marchons
XIII
Devorado por mis propios dientes
alzo mis huesos blancos
Yo soy el mundo - digo -
Entre las calles malolientes
voy y vengo
Recibo un tiro
muerto
pero renazco
eterno
Dévoré par mes propres dents
je soulève mes os blancs
Je suis le monde - je dis -
Parmi les rues malodorantes
je passe et repasse
Je reçois une balle
mort
mais je renais
éternel
Epílogo
Viejo hotel
de los amores perdidos
Espíritu de las calles
Espíritu de los bares solitarios
Ya no me hables del dolor
Abre las puertas
Abre las tapiadas ventanas
Deja que la vida viajera
desempolve su maleta
Derriba el muro
de los lamentos inútiles
Dile a la hermosa mujer:
MUJER PASA ADELANTE
Épilogue
Vieil hôtel
des amours perdus
Esprit des rues
Esprits des bars solitaires
Ne me parle plus de la douleur
Ouvre tes portes
Ouvre tes fenêtres condamnées
Laisse que la vie voyageuse
dépoussière sa valise
Fais tomber ton mur
des lamentations inutiles
Dis-lui à la jolie femme
FEMME APRÈS-VOUS