El caminante
I
Brota en Oriente la Luna
Y su blanca luz esparce,
Como Sol encanecido
Como Sol agonizante.
Los altos médanos brillan
Como hilera de titanes
Con escamadas corazas
Y blanquecinos plumajes.
No hay rumores en la Tierra
Ni susurros en el aire,
Que el desierto se adormece
Con mutismo de cadáver.
Sólo resuena a lo lejos
La resaca de los mares,
Como la rítmica y ronca
Respiración de un gigante.
A galope del caballo,
Un nocturno caminante
Recorre solo y sin guía
Los dormidos arenales.
II
Resuena lejos, muy lejos,
Una voz tan inefable,
Que suspiran las arenas
Y se estremecen los mares.
A su caballo detiene
El nocturno caminante:
Queda inmóvil, embebido
En la voz de los cantares.
El no ve que sopla el viento,
El no ve que los titanes
Agitan ya sus corazas
Y sacuden sus plumajes...
El no ve que las arenas
Ascienden, giran y caen,
Resplandeciendo a la Luna
Como polvo de brillantes.
La Luna vela su disco,
Se desatan huracanes,
Y queda en tumba de arena
Sepultado el caminante.
Le voyageur
I
La Lune en Orient vient éclore
Et sa lumière blanche s'étale,
Comme un Soleil trop vieux
Comme un Soleil qui agonise.
Les grandes dunes de sables scintillent
Comme une longue file de titans
Arborant leurs cuirasses défaites
Et leurs plumages blanchâtres.
Aucune rumeur ne sort de la Terre
Ni murmure ne trouble l'air,
C'est le désert qui s'assoupit
Dans le silence d'un cadavre.
Résonne seulement au loin
Le remous agité des eaux,
Comme la respiration
Rauque et rythmée d'un géant.
Au galop de son cheval,
Dans la nuit un voyageur
Parcours seul et aveugle
Le désert endormi.
II
Résonne au loin, très loin,
Une voix si ineffable,
Que les sables en soupirent
Et les mers en frémissent.
Il arrête brusquement son cheval
Le voyageur dans la nuit :
Reste immobile, comme enivré
Par la mélodie de ce chant.
Lui ne voit pas que le vent s'éveille,
Lui ne voit pas que les titans
Agitent dorénavant leurs cuirasses
Secouant ainsi tout leur plumage…
Lui ne voit pas comment les sables
S'élèvent, tourbillonnent et retombent,
Resplendissants face à la Lune
Telle une brillante poussière d'étoile.
Alors la Lune cache son disque,
Un ouragan se déchaîne,
Et dans un tombeau de sable finit
Enseveli le voyageur.