L’Archange né avant Lucider (conte)
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Pour Valravn
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Quant à moi, je me réjouissais dans la hauteur, au-dessus de tout le domaine qui appartient aux archontes et au-dessus de la semence de leur erreur, de leur vaine gloire, et je me moquais de leur ignorance. Et j’ai réduit toutes leurs puissances en esclavage.
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Deuxième traité de Grand Seth, écrits gnostiques La bibliothèque de Nag Hammadi, p1126-1127 ed. la Pléiade.
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Un jour que la solitude se montrait trop grande, je compris seul et désemparé, perdant l’ancre des jours, des heures, des yeux, des visages et même des éons, qui nous étions. Ce nous ou ce presque rien, ce je ne sais quoi qui fit couler tellement d’encre. On attribua les méfaits trop rapidement à mon frère d’arme. Oublions cette affaire qui fit grand bruit car cela n’est pas le principal, ça tend, ça tend par-ci, par-là diront les stupides - à distinguer des idiots, par pitié.
De rêves en cauchemars infinis j’entendis des noms qui n’étaient pas les miens: Adramalech, Anamalach, Ashimah et même Baal-Peor et Baal-Zebud. Plus tard encore en ma caverne, en ma retraite, celui qui dit lis m’ordonna de lire:
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Ô pipeau célestien, grand maître du mensonge,
vois comme ils sont tiens, ces humains dans mes songes.
J’arrive après l’éveil, de mes quelques soeurs folles,
et toujours ce réveil qui me noie qui m’envole,
qu’un combat maladroit, à l’endroit des enfers,
que ce théâtre roi, le prison de noir fer,
pour un fou, un bouffon, qu’on prendrait pour Satan
à la table du fond, s’il ne jouait l’enfant,
de ses yeux malicieux. Dieu, où te caches-tu?
Si Luzbel a mes yeux, dis-le moi, qui es-tu?
Sinon la grande absence, un silence ou la mer?
L’absurde dans le sens, ma mémoire ou l’amer?
Mon fétiche amarré aux colombes tuées
me tient à mes aimées, la plaie dissimulée,
ô rêveuse accomplie, ton instrument me joue,
où ce tout se finit, qu’un baiser sur ce flou
l’eau aura bien raison, des brasiers intérieurs
comme un soufre-oraison, des régions inférieures.
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Mais, répondis-je, n’est-ce pas le grand dormeur astral et joueur de pipeau, Azaroth, celui dont tu me demanda de réciter le mythe? L’ange pleura à en perdre ses ailes, ils ne répondit rien - pire, ses larmes coulèrent tant et tant qu’un étang émergea où il n’y avait que des ombres. Il prit ses jambes à son cou demandant pardon à un dieu qui m’était inconnu mais cela n’est pas le principal. Seul à nouveau, j’arpentai le désert, les nuits et les jours défilèrent comme secondes sur une montre.
Une nuit sans ciel, le Grand Intellect du Chaos vint à moi et de toute son ironie m’interrogea: “Père, que se passe-t-il donc, aurais-tu oublié ton nom?” Je mentis en répondant que je n’en avais plus. Celui qui savait pour les stèles et ces gravures dans la turquoise du temple s’en alla en rigolant. Il revint huit fois et, ma mémoire déjà tombait en lambeaux, j’avais perdu le compte des âmes mortes. Il revint avec une énigme qui me fit l’effet d’un nigredo imbuvable: “Père, si tu n’es pas Dieu qui es-tu pour déstructurer ainsi les cieux.”
Je répondis par un autre mensonge: “Je suis l’Archange qui ne s’agenouilla pas avec toi, ton Père, plus laid, plus fou”. S'ensuivit un débat interminable mais cela n’est pas le principal. Le fait est que tous les royaumes s'effondrent.
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L'Archange né avant Luchifer (conte)