Invención de la Quena*
En una noche de espanto,
Entre el fragor de los truenos,
A la tumba de su Amada
Llega el Inca en paso lento.
-“Para mi amor y mis penas,
No hay suspiros ni lamentos
En los ayes de los vivos
Ni en la voz del cementerio.
Quiero llorar con un llanto
Que venza rocas y hielos;
Quiero mover con mis quejas
A los vivos y a los muertos...”
Escarba el Inca la tumba;
Y, del fúnebre esqueleto,
A la incierta luz del rayo
Labra músico instrumento.
El Inca vierte su llanto;
Y, a las lágrimas de fuego,
Las duras rocas se ablandan
Y se derriten los hielos.
El Inca toca la Quena;
Y, a los lúgubres acentos,
Lloran lágrimas los vivos
Y se estremecen los muertos.
Invention de la Quena
Lors d'une nuit épouvantable,
A travers le tonnerre effroyable,
L'Inca s'en vient comme d'un pas lesté,
Sur la tombe de sa Bien-aimée.
- « Pour mon amour et ma misère,
Je n'entends nul regret ni soupir
En les complaintes de ceux qui respirent
Ni en la voix du cimetière.
Je veux dans une plainte verser des larmes
Qui puissent défaire la glace et la pierre ;
Je veux toucher de mon triste vacarme
Les dessus et dessous de terre... »
L'Inca creuse ensuite la sépulture ;
Et, usant du squelette horrifique,
Sous la lueur d'éclairs faméliques
Il façonne l'instrument de musique.
L'Inca dans sa plainte verse des larmes ;
Et, par ces gouttes incandescentes,
Perdent les roches leur consistance
Et les grands glaciers fondent.
L'Inca joue enfin de la Quena ;
Et, par les sons lugubres qu'on entend,
Ruissellent les larmes des vivants
Et frissonnent les morts dans leur trépas.
*Quena: Flûte andine.