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Billet de blog 19 février 2021

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Le pont de l'Apurímac (traduction d'un poème de Manuel González Prada)

El puente del Apurímac est un poème de Manuel González Prada (1844 - 1918), auteur péruvien, extrait de son oeuvre de jeunesse Baladas Peruanas.

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El puente del Apurímac

I

Mueve guerra Mayta-Cápac* 

A los hijos de los bosques, 

Y apercibe a los combates 

Los plebeyos y los nobles.

Deja el Cuzco; y, a su paso 

abre trochas en los bosques,

Calza ciénagas y abismos,

Aplana cimas de montes.

Vencedor, jamás vencido,

Lleno de triunfos y honores,

Llega el Rey al Apurímac,

Sienta real a su borde.

II

A la orilla contrapuesta,

Con aullidos y clamores,

En copiosa muchedumbre,

Hierven los hijos del bosque.

-"Ay, si avanzas, Inca ciego!

El mural de nuestros Dioses,

El profundo y largo Río

Dará tumba a tus legiones".

Dicen; y, al último rayo

Del rojo Sol en los montes,

Danzan, ríen y fulminan

Emponzoñados arpones. 

III

Junta el Inca en torno suyo

A curacas y señores;

Y -"Empezad, les dice, presto

Y cumplid al punto mi orden".

Animosos, confundidos,

Príncipes, ricos y pobres,

Todos sudan y trabajan,

Todos velan en la noche.

Al disiparse las sombras,

Al arder el horizonte,

Ya un ancho puente de mimbres

Tiende sus brazos disformes.

IV

Mudas, absortas, las Tribus

Arcos y flechas deponen,

Y a los pies de Mayta-Cápac,

Van con súplicas y dones.

La matrona y la doncella,

El grave anciano y el joven,

Todos juran vasallaje,

Todos murmuran a voces:

-"Mayta-Cápac, tuyos somos

Nada, nada se te opone.

Quien humilla y doma el Río,

¿Qué no hiciera con los hombres?"

Le pont de l'Apurímac

I

Mayta-Cápac emmène la guerre

Jusqu'aux enfants de la forêt,

Et mobilise pour son armée

Noblesse et Plèbe le royaume entier.

Il laisse le Cuzco ; et sur son passage,

Creuse des tranchées dans les bosquets,

Chausse les abîmes et les marécages,

Aplanit la cime des sommets.

Vainqueur, que l'on sait invaincu,

Triomphalement et plein d'honneur,

Le roi s'approche de l'Apurímac ;

Pour à son bord s'asseoir royalement.

II

L'autre rive en face est aux abois,

Au son des clameurs et des cris,

En foule copieuse sont réunis,

Les enfants intrépides des bois.

- "Ay, Inca aveugle, ne vois-tu pas !

Nos dieux ont érigé un mur,

Le fleuve profond et immense sera

Pour tes légions une sépulture ".

Qu'ils clament ; puis, à la dernière lueur

Du soleil rouge sur les hauteurs,

Ils dansent, rient, quand du ciel s'abattaient

Leurs harpons empoisonnés.

III

L'Inca réunit autour de lui

Les seigneurs et chefs de son élite ;

Puis - " Commencez, qu'il leur dit, et vite

Et que mes ordres soient parfaitement remplis".

Pleins d'enthousiasme, tous confondus,

Princes, miséreux et fortunés,

Tous s'investissent, travaillent et suent,

Tous cette nuit-là auront veillé.

Quand toutes les ombres se dissipèrent,

Quand finit par brûler l'horizon,

De grands bras difformes s'élancèrent,

Et tout d'osier jaillissait un pont.

IV

Muettes, absorbées, les Tribus

Arcs et flèches déposent et se rendent,

Au pied de l'Inca invaincu,

Vont de leurs suppliques et offrandes.

La matrone et la jouvencelle,

L'ancien grave et le jeune garçon,

Tout le peuple jure sa soumission,

Tous murmurent d'une voix de fidèle :

- "Mayta-Cápac, à toi nous sommes

Rien ni personne ne te fait obstacle.

Que peuvent-bien face à toi les Hommes,

Toi qui soumettait l'Apurímac?"

*Mayta-Capac. Quatrième souverain inca du royaume du Cuzco dont l’existence est légendaire. On dit de lui qu’il tenta d’incorporer, en vérité vainement, les peuples de la forêt considérés par les incas comme barbares, à la « pax incaïca ».

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