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Tu étais devenu si faible, si maigre, si fragile que cette ultime balade ne pouvait être que sans retour. Toi si impérieux quant il s’agissait de garnir tes écuelles, tu refusais de manger depuis quelques jour. Nous avions beau tenter les pâtées les plus tentantes, tu levais la truffe d’un air de rejet, tout en poussant ton fameux miaulement puissant et rauque comme si tu réclamais cette nourriture alors tu n’en avalais pas même une bouchée.
Même la crème, objet naguère de ta passion, tu la dédaignais.
L’issue, hélas, paraissait évidente. Mais nous refusions de l’admettre. Tu avais échappé à tant d’accidents que tu semblais immortel.
7 vies et plus…
Ta force de vie, ta volonté de persévérer dans ton être impressionnaient. Tu étais la vie même avec ta gueule de baroudeur un peu de traviole, souvenir d’une rencontre avec une voiture qui t’avait laissé pour mort.
Il a fallu des semaines d’hospitalisation. Et puis, tu es redevenu tel que tu a toujours été. Tu as encore vécu dix ans en pleine forme après cet accident.
Tu as traversé tellement d’épreuves que tu as confirmé le dicton affirmant que les chats ont 7 vies. Au moins… Sinon plus dans ton cas.
Et puis, il y a eu ces derniers moments où tu semblais souffrir tout en restant plein de sève. Tu t’accrochais. Tu donnais le change. Alors nous n’avons pas eu le coeur à t’emmener chez le vétérinaire pour une dernière piqûre. Tu avais horreur d’être transporté dans son cabinet. Nous avons voulu t’épargner ce stress.
La forêt sans retour
Tu nous a tant donné, mon vieux Virgule en tendresse, en caresse, en présence attentive que tu resteras planté à ta place dans nos mémoires. Ton miaulement si particulier, nous l’entendrons jusqu’au moment où notre tour sera venu d’entrer dans la forêt sans retour.
La forêt… Elle t’a donc accueilli, recueilli et s’est refermée sur toi, emportant vingt ans de joie, de souvenirs, de bonheur, d’amour et de deuil.
Nous t'avions appelé Virgule, car tu avais une queue très longue dont le bout dessinait une virgule. Maintenant, c'est le point final qu'il faudrait poser. Je choisis plutôt les trois points de suspension car la vie n'a jamais dit son dernier mot...
Jean-Noël Cuénod