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Billet de blog 21 octobre 2025

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Nicolas Sarkozy à La Santé: l’ombre fatale du pouvoir

« La politique, c’est comme les andouillettes. Il faut que ça sente un peu la merde mais pas trop! » Maire de Lyon pendant 46 ans, pilier des IIIème et IVème Républiques, Edouard Herriot s’y connaissait en andouillettes. Et encore plus en cuisine politique. Lorsqu’elle sent trop mauvais, le nez des juges en est attiré. Ainsi, Sarkozy se refait-il une Santé depuis hier.

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Illustration 1
© WEF

Sans doute en ressortira-t-il bientôt puisque ses avocats ont demandé sa mise en liberté provisoire.

En effet, même condamné à 5 ans de prison ferme et reconnu coupable en première instance d’ « association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit de corruption »(1), il reste présumé innocent puisqu’il a interjeté appel.

Le juge d’instruction dispose de deux mois au maximum pour se prononcer sur sa mise en liberté provisoire. Il peut la refuser, l’accepter ou ordonner un contrôle judiciaire, voire le port d’un bracelet électronique.

Apparemment, Nicolas Sarkozy présente les conditions requises pour l’obtenir: pas de risque de fuite, ni de subornation de témoin ni de destruction de preuves puisque tout a déjà été consigné dans le dossier en première instance.

Menaces de mort contre la présidente

Avec un bémol toutefois, compte tenu de la pression exercée sur les juges après sa condamnation par le Tribunal correctionnel de Paris.

La présidente de cette instance a été la cible de menaces de mort avec sa photo publiée sur les réseaux sociaux. Deux enquêtes à ce propos sont en cours. A ces menaces inquiétantes ont succédé une rafale d’invectives anti-juges tirée par des politiciens et médiacrates de la droite.

Ces seuls motifs ne justifieront peut-être pas le maintien de l’ancien président en détention mais les partisans les plus excités de l’Ex lui apportent plus de nuisance que de soutien.

Jadis et naguère, les pressions et les menaces sur les juges faisaient partie du comportement habituel des parrains du crime organisé. Aujourd’hui, voilà que les politiciens les imitent, c’est dire l’avilissement moral dans lequel sombrent ceux qui prétendent gouverner un pays.

Surtout ceux de droite qui ne cessent d’instrumentaliser la justice pour qu’elle s’acharne sur les immigrants, tout en exigeant sa clémence lorsque les siens ont maille à partir avec les juges.

Les frères siamois de la domination

Cette affaire et bien d’autres en France ou ailleurs rappellent cet implacable mécanisme: l’acte corrupteur est indissolublement lié au pouvoir. Ils sont les frères siamois de la domination.

La parabole de l’andouillette d’Edouard Herriot rappelle qu’il y a des degrés dans la corruption. Et parfois la frontière entre la corruption et son absence est bien ténue.

Prenons l’exemple de la Suisse qui figure parmi les dix premiers pays les moins corrompus de la planète. Il arrive souvent que d’anciens membres du gouvernement fédéral soient nommés dans des conseils d’administration. On ne saurait les accuser de corruption pour autant. Rien n’indique non plus qu’ils ont rendu une décision outrageusement favorable à leur future entreprise.

Il n’empêche que cette position suscite la suspicion. La tentation d’utiliser son pouvoir présent pour rendre son futur plus confortable ne saurait être écartée.

Le travail minutieux des juges

La tentation est donc grande de tuer dans l’œuf toute velléité de corruption en étouffant la société dans un corset rigide de lois répressives. La tyrannie ne serait pas loin.

Mais lorsque la corruption – qui semble progresser un peu partout – prend trop d’ampleur, c’est l’arbitraire qui surgit. Et là aussi, la tyrannie pointerait aussitôt son mufle.

Ce travail minutieux, pour démêler ce qui ressortit à la corruption de ce qui n’en relève pas, appartient aux seuls juges. C’est dire s’il est essentiel de protéger leur indépendance mise à mal par des politicards qui ont troqué la bure de leurs scrupules pour le rutilant costume de l’indécence.

Les eaux trop pures comme les eaux trop polluées tuent également toute vie.

Pensez-y lorsque vous dégusterez votre andouillette grillée!

Jean-Noël Cuénod

(1) Dans le dossier du financement libyen de sa campagne électorale pour la présidentielle de 2007

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