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Billet de blog 25 septembre 2025

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Sarkozy condamné: ces présumés innocents qui nous gouvernent

Le casier judiciaire de l’ex-président Nicolas Sarkozy comprend désormais une ligne de plus après sa condamnation à 5 ans de prison ferme. Ce tour du monde des dirigeants politiques condamnés ou suspectés démontre qu’il est loin d’être solitaire. Ces« gueules de pouvoir » fustigent leurs juges mais tout en réclamant des châtiments exemplaires contre les justiciables situés hors de leur caste.

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Illustration 1
La justice poursuit parfois les gens de pouvoir, étonnant non? (Tableau de Pierre-Paul Prud'hon "La justice et la vengeance divine poursuivant le crime") © Wikimedia Commons

Ce jeudi, le Tribunal correctionnel de Paris a donc condamné Sarkozy pour association de malfaiteurs dans l’affaire des soupçons de financement libyens de sa campagne électorale de 2007. Les juges ont fixé sa peine à 5 ans de prison ferme avec mandat de dépôt différé.

L’ancien président n’est donc pas tout de suite incarcéré mais il sera convoqué dans un mois pour fixer la date de son emprisonnement. Nicolas Sakozy a interjeté appel mais cela ne suspendra pas pour autant l’exécution. Il risque donc de comparaître incarcéré devant la Cour d’appel.

En revanche, l’ancien président a été relaxé (acquitté) des chefs d’accusation de corruption passive, de recel détournement de fonds publics libyens et de financement illégal de campagne électorale.

Ses anciens ministres et co-prévenus, Claude Guéant et Brice Hortefeux, sont condamnés, respectivement, à six ans de prison sans mandat de dépôt et deux ans de port de bracelet électronique.

Tour du monde de la délinquance au pouvoir

Faut-il avoir maille à partir avec la justice pénale pour réussir sa carrière politique? La question peut se poser après avoir dressé la carte de ce petit tour du monde de la délinquance au pouvoir (A lire aussi ce site Pulselive Kenya qui établit la liste de treize anciens chefs d’Etat condamnés. Et à consulter cette infographie).

— ARGENTINE

Présidente de son pays de 2007 à 2015, Cristina Kirchner a été condamnée pour corruption le 11 juin dernier à 6 ans de prison avec inéligibilité à vie. Il n’y a plus de recours possible mais la loi argentine prévoit que les condamnés âgés de 70 ans et plus purgent leur peine par arrêt domiciliaire (l’ancienne président a 72 ans).

— BRESIL

L’ancien président du Brésil Jaïr Bolsonaro a été condamné à 27 ans de prison par la Cour Suprême de son pays pour tentative de cou d’Etat. Il a fait appel, ce qui a suspendu l’exécution de sa peine; en outre, il est hospitalisé pour un cancer de la peau.

— BOSNIE-HERZEGOVINE

Président destitué de l’entité serbe (Republika Srpska) de ce pays ex-Yougoslave, Milorad Dodik a été condamné a un an de prison et interdiction d’activité politique pendant six ans. Sa condamnation a été confirmée, ce qui a conduit à sa destitution récente. Néanmoins sa peine a été commuée en amende.

— CROATIE

Ancien premier ministre, Ivo Sanader a été condamné à 18 ans de prison pour plusieurs affaires de corruption. Il a été libéré au deux-tiers de sa peine après avoir passé onze ans derrière les barreaux.

— ETATS-UNIS

Certains anciens locataires de la Maison-Blanche furent inquiétés par la justice comme Bill Clinton et Richard Nixon. Mais ils n’avaient pas été inculpés. L’actuel président Trump a été maintes fois visé. Pour l’instant, une seule affaire a suivi son chemin. En janvier dernier, Donald Trump a été déclaré coupable par le Tribunal criminel de Manhattan d’avoir voulu acheter le silence d’une actrice de films pornos. Mais cette déclaration de culpabilité n’a entrainé aucune condamnation. Néanmoins, Trump a fait appel. La seconde instance ne s’est pas encore prononcée. 

— FRANCE

Deux anciens présidents de la République ont été condamnés. Tout d’abord, feu Jacques Chirac en 2011 pour prise illégale d’intérêts et emplois fictifs à 2 ans de prison avec sursis. Ensuite, Nicolas Sarkozy pour les faits cités au début de ce papier mais aussi en décembre 2024 après la confirmation en Cassation de sa condamnation à un an de port de bracelet électronique pour corruption et trafic d’influence.

— ISRAEL

  1. Moshe Katsav, ancien président d’Israël, condamné pour viol à 7 ans de prison. Il a été libéré le 21 décembre 2016 après avoir passé cinq ans derrière les barreaux.
  2. Ehud Olmert, ancien premier ministre a été condamné en 2015 à 18 mois de prison ferme pour corruption et en 2016 à un mois supplémentaire pour entraves à la justice. Il a été libéré le 2 juillet 2017.
  3. Benjamin Nétanyahou, actuel premier ministre, n’a pas été (encore?) condamné. En revanche, il est poursuivi pénalement dans le contexte d’une véritable batterie de casseroles, sur le plan israélien. Le Monde, résume: Depuis cinq ans se tient le procès pour corruption, fraude et abus de confiance de Benyamin Nétanyahou, une première en Israël pour un premier ministre en exercice. Dans cette affaire, (il) est soupçonné, d’une part, d’avoir favorisé les intérêts de deux patrons de presse israéliens en échange d’une couverture favorable dans leurs médias, d’autre part, d’avoir reçu avec sa famille des cadeaux de luxe de la part de deux milliardaires, pour un montant de près de 180 000 euros, en échange de faveurs politiques. Le premier ministre est aussi inquiété dans d’autres affaires.
  4. Hors Israël, Benjamin Nétanyahou est visé par un mandat d’arrêt international que la Cour pénale internationale (CPI) a lancé contre lui  le 24 novembre 2024 4. Selon le communiqué de la CPI, le premier ministre israélien est « Suspecté d’être responsable des crimes de guerre consistant à affamer délibérément des civils comme méthode de guerre et à diriger intentionnellement une attaque contre la population civile ; et des crimes contre l'humanité de meurtres, de persécutions et d'autres actes inhumains, du 8 octobre 2023 au moins jusqu'au 20 mai 2024 au moins. » Son ministre de la Défense, Yoav Gallant, est également accusé dans le même contexte.

— LIBERIA

L’ancien président de ce pays a été condamné à la prison à vie le 30 mai 2016 par le Tribunal spécial de la Sierra Leone pour crimes contre l’humanité et de guerre. Il purge actuellement sa peine dans une prison britannique.

— PEROU

Deux anciens présidents de ce pays furent frappés par les foudres de la justice. Feu Alberto Fujimori avait été condamné en 2009 à 25 ans de prison pour crimes contre l’humanité. Sa santé étant très atteinte, il a été libéré en décembre 2023. Fujimori est décédé d’un cancer de la langue le 11 septembre 2024.

L’autre ex-président péruvien Alejandro Toledo purge actuellement 20 ans et 6 mois de prison pour corruption et blanchiment d’argent.

— RUSSIE

Vladimir Poutine fait l’objet d’un mandat d’arrêt international signé par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et déportation illégale.

VENEZUELA

Le président Nicolas Maduro est inculpé par la justice étatsunienne de trafic de stupéfiant, ce que l’accusé conteste. Washington promet une prime de 50 millions de dollars à qui permettra l’arrestation du chef d’Etat vénézuélien.

Des comportements mafieux

Ce petit tour du monde de la délinquance au pouvoir n’est pas exhaustif. Nous avons certainement oublié quelques protagonistes. Les sites cités plus haut combleront les lacunes.

Ajoutons que si certains pays condamnent plus souvent leurs dirigeants politiques, cela ne signifie pas qu’ils soient plus corrompus que d’autres. Pour Israël notamment, la justice est connue pour être moins timides que d’autres dans la poursuites des gens de pouvoir.

Au plus haut niveau, des comportements mafieux peuvent apparaître. L’exemple le plus éclairant est offert par Donald Trump qui vient d’ordonner des sanctions économiques contre le juge brésilien Alexandre de Moraes, chargé du procès qui a abouti à la condamnation de Bolsonaro, grand ami du président étatsuniens. Comme les mafieux, Trump vise aussi les parents du juge, sa femme en l’occurrence, objet elle aussi de sanctions étatsuniennes.

Le temps de l’indécence

Autre comportement typique des délinquants: nombre de gouvernants condamnés s’attaquent avec virulence à leurs juges. Comme la plupart des justiciables condamnés ou poursuivis, certes. Mais les politiciens disposent d’une tribune médiatique incomparable dont ils usent et abusent au détriment de la justice qu’ils avaient pourtant promis de promouvoir en prenant leurs fonctions.

Si nous vivions des temps décents, ces chefs d’Etat et de gouvernement devraient faire profil bas, se cacher de honte dans quelque recoin.

Hélas, l’indécence politique est désormais à son plus haut et nos gouvernants condamnés paradent, plastronnent, pérorent devant micros et caméras.

Hier, ils n’avaient pas de mots assez durs pour fustiger l’inaction de la justice contre les immigrés, ces salauds de pauvre. Aujourd’hui, ils roulent leurs juges coupables de lèse-majesté dans la fange de leurs propos.

Jean-Noël Cuénod

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