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Billet de blog 28 juillet 2024

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Cérémonie d’ouverture des JO: la nécessaire provocation

Que restera-t-il de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques? La pluie, diront les esprits chagrins. L’émerveillement, répliqueront celles et ceux qui ont gardé adolescent leur regard. Qu’importe, son but est atteint: elle fait causer. En plus, elle provoque l’indignation pontifiante de l’extrême-droite. Spectacle qui met toujours en joie !

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Illustration 1
© Organisation des Jo de Paris 2024

La retransmission télévisuelle terminée, Le Plouc se relevait de son fauteuil, sonné comme le fut Sonny Liston après avoir dégusté les bottes de gnons offertes par Cassius Clay – qui ne s’appelait pas encore Mohamed Ali (à ouïr la magnifique rétrospective consacrée à ce monument de la boxe par France-Culture).

Un chaos bien ordonné

De ce chaos bien ordonné, Le Plouc en sort titubant entre grandiose, vulgarité, poésie, tape-à-l’œil, dérision, m’as-tu-vu franchouillard, beauté éternelle des lumières parisiennes. Et surtout, baigné de cette énergie vibratoire que même les commentaires nunucho-cucul-la-praline des médiacrates ne parvenaient pas à filtrer.

Ce mélange étant bien déposé au fond de la casserole qui sert de tête au Plouc, surnage l’impression d’avoir vécu un moment d’une rare intensité. Même la pluie a ajouté sa bénédiction en rendant encore plus inoubliable l’exploit des artisans de cette cérémonie.

La fausse « affaire » de la Sainte-Cène

La provocation et la transgression sexuelles exhibées ont suscité des éclats de polémiques qui, souvent, ont raté leur cible. A preuve, la fausse « affaire » de la Sainte-Cène.

L’aigre cohorte des culs-bénis s’est indignée que des drags-queens aient mimé le dernier repas du Christ. Même Jean-Luc Mélenchon a ajouté sa louche de réprobation.

Dieu merci, le maire de Tournus, Bertrand Veau, a remis le Temple grec au milieu de l’agora dans un commentaire sur Face-Book:

Il ne s’agit pas d’une référence à « la Cène », mais à la théologie grecque et en particulier au mariage de Thétis et Pélée (les parents d’Achille), avec l’incarnation de Dionysos, le Dieu du vin, qui semblait avoir plus d’humour que certains catholiques d’aujourd’hui.

Et de toute façon, le Christ n'a-t-il pas dit "Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon père"?

Canaliser l’énergie sexuelle

La transgression sexuelle traverse toute l’histoire de l’humanité. Dès qu’ils ont établi la hiérarchie des pouvoirs, les hommes se sont évertués – c’est le mot! – à canaliser la force créatrice par excellence, l’énergie sexuelle. Le sexe débridé, c’est l’anarchie assurée.

Des règles contraignantes furent donc inévitablement prises pour sortir du chaos et mettre en marche le développement le moins irrationnel possible de l’humanité. 

Toutefois, les effets pervers de ces contraintes rendent la vie morose et flasque ce qui n’engage pas à la reproduction, on en conviendra! C’est alors qu’intervient, tout aussi inévitablement, les transgressions sexuelles transmises par l’art et les fêtes, deux modes indissolublement liés, afin de redonner force et vigueur à un corps social trop corseté.

Le coup de talon du noyé?

En ce sens, la cérémonie d’ouverture parisienne a parfaitement rempli son rôle. Qu’elle soit créée dans une nation, la France, traversée par des passions tristes, ne doit rien au hasard. C’est dans l’extrême des contraires que l’art se forme. Et si cette cérémonie folle symbolisait le coup de talon du noyé pour remonter à la surface? Cela ne coûte rien de l’espérer.

Cela dit, à tout mouvement transgressif de grande ampleur, correspond un mouvement inverse par effet de balancier.

L’exemple du Berlin des années 1920

Question provocation sexuelle et artistique, il est difficile d’aller plus loin que le Berlin des années 1920. Sitôt parvenu au pouvoir, les nazis mettent avec violence un terme à ce « dévergondage dégénéré ». Lourd retour du balancier.

L’explosion transgressive de la cérémonie d’ouverture de Paris 2024 annonce-t-elle des lendemains qui pleurent?

Le pire n’est jamais certain mais mieux vaut rester sur ses gardes.

Doit-on renoncer à transgresser? Surtout pas. Cela pourrait donner, au contraire, des ailes au balancier, les censeurs se voyant ainsi confortés dans leur volonté répressive.

Il faudrait plutôt garder à l’esprit le destin du Berlin de l’entre-deux-guerres en ne cédant jamais aux revendications puritaines.

Souvent, elles sont soutenues par une majorité de la population. C’est alors le rôle des avant-gardes de lui tenir tête afin de rappeler que le peuple n’est pas une vache sacrée et qu’il peut devenir le pire ennemi de lui-même.

Jean-Noël Cuénod

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