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Billet de blog 8 juillet 2023

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Travail et argent : le couple fatal

Venant « gratuitement » au monde, devons-nous nous insurger que l’éthique économique ait réduit notre existence à une valeur marchande ? Dans une civilisation obstinément inhumaine, il nous revient la charge de décider, individuellement et collectivement, le sens que nous pouvons accorder à nos vies.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’argent contribue au bonheur et le travail apporte plus que le salaire…

En tout cas, il s’agit de nous en convaincre !

« Il est important que vous fassiez la différence entre travail et argent. Souvent interconnectées et indissociables, ces deux notions ont pourtant des valeurs respectives différentes.

Le travail d’un salarié ou d’un entrepreneur est une façon de gagner de l’argent. Pourtant, ce n’est pas la seule. Vous pourriez gagner au loto ou recevoir un héritage. Malgré cela, il est possible que vous ayez envie de continuer à travailler. Ce qui va vous motiver à vous lever le matin, ce n’est pas l’argent que vous allez gagner, mais le plaisir d’accomplir quelque chose, de faire un travail de passion, de retrouver vos collègues. Il existe bien des raisons de travailler. »[1]

Celles et ceux qui doivent travailler pour « gagner leur vie » savent que ces belles paroles ne leurs sont malheureusement pas destinées.

L’argent et le travail ne sont pas des valeurs humaines

Il faut, bien sûr, redoubler d’efforts pour tenter vainement de prouver le contraire. Certains allant même jusqu’à affirmer que le travail est « l’essence de l’homme ».

Le travail - et encore moins l’argent – ne figure dans aucune liste, même très large, de valeurs humaines. C’est cela la vérité, implacable !

L’économie moderne, qui prétend exister depuis toujours, a imposé ses lois en lieu et place de celles de la nature et de la morale. Dans cette perspective, l’individu n’a pas de valeur, en soi, aux yeux les autres. Seulement, dans le meilleur des cas, pour ses proches…. Quand l’argent et le travail ne viennent pas désunir les couples, les familles, les (clubs d’) amis !

Par « nature économique », nous sommes seuls à essayer de nous en sortir face à nos besoins, même les plus basiques. Quand revenu suffisant nous met à l’abri des tourments, peut-on vraiment dire que ce soit une source de bonheur ? Ce serait la moindre des choses de pouvoir vivre décemment.

Pourtant ce n’est pas à la portée de tout le monde, loin s’en faut !  La très grande majorité des humains vivent encore aujourd’hui dans la misère matérielle, sociale et psychologique. Sans doute manquent-ils cruellement de valeurs aux yeux des autres ?...

Perdre sa vie à la gagner

« Nous travaillons pour vivre puisque c’est grâce à votre salaire que nous pouvons nous nourrir, nous loger, nous vêtir, etc. Le lien entre le travail et la vie, c'est aussi parce que c'est toute notre vie que nous engagez dans le travail salarié, et c'est d'ailleurs bien là que le bât blesse comme l'a très bien démontré Karl Marx, philosophe allemand du XIXe siècle. »[2]

Un sentiment de bien-être arrive bien tard dans la vie !

Peut-être que l’instauration de la retraite y est pour quelque chose, la pension de retraite étant destinée à  garantir les besoins de subsistance aux personnes âgées, ayant gaspillé le meilleur temps de leur vie à la « gagner » !

Illustration 1

A quoi est destiné l’être humain, si ce n’est pas à trimer ?

Les personnes à la retraite, nous le montre assez bien : prendre soin de notre santé, profiter du « bon temps » quand la santé le permet et prendre soins des autres. Combien de grands parents avouent s’occuper mieux de leurs petits-enfants, qu’ils n’ont pu le faire de leurs propres enfants ?!

Prendre soin de soi et des autres suppose de se consacrer aux tâches domestiques, de réaliser un certain travail. Mais surtout cela requière de l’attention. Peut-être, qu’au crépuscule de notre existence, il est plus facile de voir ce que cela est primordial ?

Peut-être, que le sens de l’existence, qui ne pouvait guère se poser avant, dans le tumulte des contraintes matérielles et sociales omniprésentes, fait finalement surface ?

J’ai de l’argent, un travail, donc j’existe[3]

Voilà ce qu’aurait pu affirmer, trois siècles plus tard, le célère philosophe des Lumières !

Au XVI siècle, sa descendance de petite noblesse lui accordant le privilège d’une certaine oisiveté, René Descartes s’est consacré aux sciences et à la philosophie.

Tout le monde ne devrait-il pas avoir le loisir de le faire ? S’il le souhaite bien évidemment… Apprendre pour le plaisir d’apprendre ; et, non forcément pour appliquer, pour être utile à l’économie. Satisfaire, tout bonnement, une curiosité gratuite… Et, la partager !

Pour ce qui est de s’interroger sur le sens de l’existence, est-ce que cela relève du loisir ?

Comme nous avons de le voir: travailler et gagner de l’argent peinent terriblement à donner un sens à notre existence. Est-ce à dire que cette existence terrestre n’a vraiment aucun sens ?

Dans son bestseller « L’existentialisme est un humanisme », le philosophe contemporain, Jean-Paul Sartre, affirme : « La vie n'a pas de sens, a priori. Avant que vous ne viviez, la vie, elle, n'est rien, mais c'est à vous de lui donner un sens, et la valeur n'est pas autre chose que ce sens que vous choisissez. »

La valeur que nous accordons à notre vie

S’interroger, individuellement et collectivement, sur la valeur de nos existences, de nos partages, peut être déstabilisant au premier abord. Cela peut remettre en cause des choix inconscients, des choix par défaut…

Pour ce qui est de la remise en cause de l’organisation sociale dans laquelle nous vivons, cela s’avère franchement subversif. C’est un acte politique, au plein sens du termes ! Ce sont les personnes les plus pauvres, les plus opprimées qui ont le plus gagner, individuellement et collectivement, à philosopher…

Les contraintes infernales, argent et travail, ne pouvant en aucun cas donner un sens profond à notre vie, qu’avons-nous à perdre ? Nous perdre en vains espoirs ?... Et, si je vous disais que cela ne risque pas d’arriver.

Si je vous disais que toutes les personnes, tous les collectifs qui ont entamé une réflexion de fond ont gagné en bien-être. A condition de ne pas gaspiller nos envies dans de vaines colères, et d’être créatifs et déterminés dans nos réalisations.

Yves Robert, écologue et auteur

https://www.editions-maia.com/livre/prendre-pleinement-part-a-la-vie/

[1] https://plenit-finances.fr/oui-largent-contribue-au-bonheur-et-le-travail-apporte-plus-quun-salaire/

[2] https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-pourquoi-du-comment-les-invite-e-s/pourquoi-perd-on-sa-vie-a-la-gagner-1304977

[3] 3je pense donc je suis » est la phrase mythique de son fameux « Discours de la méthode »

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