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Billet de blog 17 octobre 2023

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Le déficit émotionnel général fabrique l’insécurité galopante

« On pourrait très bien structurer nos sociétés de sorte que l’on se sente plus en sécurité, mais il semble qu’on ait choisi de faire le contraire ». Evidence que Bell Hooks trouve bon de rappeler dans le contexte actuel d’égarements collectifs délibérés.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’insécurité exige de l’on parle de sentiments[1]

« L’humiliation que l’on reçoit quand on reçoit l’appel d’un agent de recouvrement de dette, la montée d’adrénaline quand il faut payer le loyer ou le crédit, l’appréhension quand on songe à la retraite… », ces émotions destructives jalonnent notre vie quotidienne, constate amèrement Astra Taylor.

Nous sommes en permanence sur nos gardes, ce qui fait monter inexorablement l’anxiété et nous rend encore plus vulnérables.

Nous passons notre vie à tenter de réparer les dommages causés par la cruauté, la négligence, et plus généralement le déficit de comportement un minimum humains, totalement ancré dans les usages courants. A tel point qu’il n’est pas plus possible de s’en plaindre.

Je ne parle pas du fait d’être entendu…

C’est le monde, pas nous, qui doit changer

Ce n’est pas, à nous, de nous « endurcir » ; car ne l’avons-nous déjà pas trop fait? N'avons-nous déjà pas trop concédé à notre humanité !

Et, c’est bien là le problème : sortir d’une spirale infernale, qui ne peut qu’engloutir, sans apporter la moindre perspective … Nous le savons très bien !

Bell Hooks[2] fait remarquer combien est mis sous silence l'impact du patriarcat. La manière pourtant bien tangible avec laquelle la domination masculine, qui a façonné entièrement notre quotidien et nos modes de vie dans des recoins les plus intimes jusqu’à la vie publique. Et tout spécialement comment cette domination agit sur les femmes et les enfants, en faisant « obstacle à l’amour ».

C’est-à-dire, tout simplement en laissant la cruauté, le manque de respect et de soin se généraliser. Mais également en empêchant l’engagement et la confiance véritables, ainsi que « toute communication honnête et ouverte ».

Une force porteuse de changement

« L’insécurité devient le point de départ d’une compréhension approfondie de soi-même et du monde », affirme Astra Taylor.

On subit le malheur ; mais on peut choisir le bonheur ! Il ne vient généralement pas à nous sans qu’on y aspire… « En quête d’amour, on persiste même face à de grands obstacles » confie de son côté Bell Hooks.

Même si nous avons perdu cet art essentiel qui consiste à prendre le temps de converser avec son cœur », selon la formulation de Jack Kornfield, nous pouvons aisément remarquer, au fur et à mesure que nous nous accordons cette introspection, ce qui est vraiment trop nocif pour nous et notre vie en société.

C’est aussi simple que cela : partir du concret de notre vie de tous les jours, où la malveillance, et des comportements manifestement inhumains se sont ancrés. Bien sûr, le discours dominant tente, avec un succès très mitigé, de rationnaliser une approche totalement absurde, non productive et malsaine.

On ne discute pas beaucoup d’amour en public

Bell Hooks déplore le constat pourtant évident que « l’écrasante majorité d’entre nous provient de familles dysfonctionnelles ».

Elle poursuit : « Si notre société s’accordait sur une manière commune de comprendre le sens de l’amour, l’acte d’aimer ne serait pas si déroutant… En politique, entre croyant.es, en famille ou dans la vie sentimentale, rien n’indique que l’amour éclaire les décisions, renforce le sens de la communauté ou nous lie. Ce sombre tableau n’altère aucunement la nature de notre aspiration. »

De son côté, Valerie Vayer[3] analyse, sous un angle plus que jamais percutant, l'impact de la très jeune enfance sur la construction du Moi. Elle démontre comment, dès l’origine de la construction de la personnalité du tout jeune enfant d’humain, « comment nos sociétés modernes abiment les egos voire les transforment en monstres » !

Elle prend le contre-pied des conceptions, patriarcales, traditionnelles (psychologiques, philosophiques et religieuses) « selon lesquelles l’ego devrait être impérativement réprimé afin de préserver l’ordre social ».

En réalité, nous le voyons de manière de plus en plus paroxystique, cette approche violente engendre la violence généralisée et exponentielle. Qu’elle soit « insidieuse » (violences psychologiques, harcèlements, incestes et viols) ou bien totalement délibérée (coups, crimes, tortures et guerres).

Une perspective politique créative et crédible

Tant que l’on réserve aux questions privées et intimes ou purement abstraites, les débats sur l’Amour, les ténors de la fuite en avant du système mortifère actuel, peuvent dormir sur leurs deux oreilles… Jusqu’à l’anéantissement final, qui ne les épargnera, d’ailleurs, pas !

Comme l’ont montré les effondrements d’Empires, dans le passé.

« Ce qui est privé est public » disait un slogan de Mai 68. Peu de temps avant le tube des Beatles « All you need is love » (Tout ce dont on a besoin c’est d’amour ) était devenu l’hymne de toute une génération.

Aujourd’hui le fait que des femmes montent résolument au créneau avec des propositions si intelligemment concrètes et dépassant allègrement les dualité homme/femme ou encore social/économie est un signe que nous ne rejouerons pas l’histoire.

Mais que nous allons en écrire une nouvelle page !

Avec le retour de l’Amour comme préoccupation principale dans l’organisation de la vie collective…

[1] « The Age of insecurity : Coming together as things Fall Apart » d’ Astra Taylor, 2023 Extrait de l’article du Courrier International d’octobre 2023 sur « l’ère de l’insécurité »

[2] « A propos d’amour » de Bell Hooks, éditions divergences, 2023

[3] "A Moi! Lorsque l'ego parait. Pour une égologie pratique" de Valérie Vayer, Le Hêtre Myriadis,2018

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