par cvuh · 18/03/2025

“CONGESTION PRICING IS DEAD. Manhattan, and all of New York, is SAVED. LONG LIVE THE KING!” –President Donald J.Trump [“Le péage est mort, Manhattan et New York sont sauvés, Vive le Roi ! » –Président Donald Trump] Publié par la Maison Blanch et sur Truth Social, site de Donald Trump
Certains journalistes états-uniens voient en Trump une version XXIe siècle de Caligula, auteur dit-on d’un « je fais ce que je veux à qui je veux. » D’autres parlent de César, de Néron ou encore de Napoléon, auquel on attribue la citation qui fait titre et utilisée en tout cas par le président états-unien… Tous ils sont à la recherche d’une référence, d’un exemple, d’un possible délire dictatorial de ce genre sans trop y croire, mais non, mais pas possible, rien de pareil aux États-Unis, avec cette constitution, première au monde, antiroyaliste, républicaine !
Et pourtant.
Comme chaque année, la Conservative Political Action Conference s’est tenue du 20 au 23 février 2025 à Washington. L’un de ses ateliers était consacré au Third Term Project – «Projet d’un 3e mandat» – malgré le vingt-deuxième amendement, article 1: Nul ne pourra être élu à la présidence plus de deux fois. Consécutives ou pas.
Ayant refusé sa défaite en 2020 avec un coup de force raté, l’actuel Président a lancé dès son élection de 2024 un avenir interminable, de quoi monter des mythes et légendes en une Tour de Babel – à condition qu’on n’y parle qu’états-unien, qu’il n’y ait que des hommes et des femmes et des enfants genrés strictement masculin-féminin et blancs. Du solide et des armes absolues de chez Starlink, Musk et autres puissances électroniques.
Ainsi de l’Office of Personal Management – Bureau de la gestion de l’emploi. Tous les dossiers de tous les employés y sont digitalisés. L’équipe de Musk (Département pour l’efficacité du Gouvernement, DOGE en anglais), chauffée à blanc par Trump, s’est installée jours nuits, canapés à disposition, dans les bureaux de management du personnel, avec accès à tous les dossiers de tous les fonctionnaires du gouvernement. Même saisie rapace au Ministère du Trésor – tout ce que le gouvernement a payé paie (et ne paiera plus), y compris aux entreprises concurrentes de celles de Trusk[1]. Ils ont écumé également les services du fisc et de la Sécurité sociale, avec accès aux données de la vie et des comptes de chaque citoyen états-unien.
Désormais, le pouvoir exécutif est législatif et judiciaire. Le Congrès a remis aux mains du président le droit de légiférer en quelques domaines de haute importance. Certains juges, peu nombreux, lancent des interdits temporaires, ordonnent des suspensions d’application. D’autres démissionnent ou sont démissionnés. Dans les écoles les universités les hôpitaux, au gouvernement et même dans l’armée, on vire qui gaspille de l’argent en faisant son travail, travail pour lequel il n’a pas été élu et travail nuisible à l’État qui, lui, est élu. On vire qui ne se coulait pas et ne se coule toujours pas dans l’idéologie nouvellement constitutionnelle – anti-diversité, anti-homosexualité, anti-race et anti-genre anti-femme, anti État Providence, anti droit du travail anti syndicalisme, anti aide (y compris privée) à la santé, à l’enfance aux pauvres, aux minorités – et ceux qui dénoncent le tout : les universitaires et les journalistes. Les universitaires qui n’auraient pas renoncé à leur discipline et donc à son vocabulaire seront/sont rayés de l’institution. Les journalistes qui se mettent dans la même situation criminelle sont interdits d’accès aux conférences de presse à la Maison Blanche.
La direction du Washington Post – Jeff Bezos – a même établi en février 2025 une liste de journalistes qui ne seront plus publiés dans ce quotidien puisqu’ils ne partagent pas intégralement sa ligne (par exemple le « Golfe d’Amérique »), résumée en ces quelques mots : « la défense des libertés individuelles et du libre marché. »
La direction du Kennedy Center for the Art a été démise, Trump est devenu le président de la nouvelle équipe qui a promis avec lui qu’il n’y aurait plus de spectacles ni d’évènements « woke ». D’où l’annulation de deux expositions, coupables de DEI (diversité, équité, inclusion) au Art Museum of the Americas, inauguré par Obama en 2016. Surveillance absolue, tous azimuts, silence dans les rangs, les états, les bureaux.
Et chez les Démocrates.
À l’extérieur, l’impérialisme originel ignore désormais le traditionnel discours bienveillant du progrès déposé aux pieds des dépouillés. Depuis la Frontière entre la Civilisation et la Sauvagerie jusqu’à la Nouvelle Frontière spatiale, les États-Unis annonçaient qu’ils établissaient la justice et l’égalité pour tous et pour chacun. Désormais, foin de ce baratin.
Le Président des États-Unis parle « cash » et les choses sont claires.
S’il a décidé de s’approprier le Groënland, c’est pour les hydrocarbures et les minéraux qu’on y trouve à foison. Idem avec le Canada, mitoyen et donc d’autant plus pratique en 51e état qu’il regorge d’hydrocarbures, dont le pétrole de schiste, de nombre de minéraux – cuivre, nickel, cobalt – et de terres rares. Plus de frontières ni taxes ni change, que du dollar états-unien.
Quant au Canal de Panama, il s’agit de le « reprendre »… en dépit de l’histoire séculaire du Panama. Pour faire court : après bien des aléas avant l’arrivée des Espagnols, puis avec eux, Panama a proclamé en 1903, son indépendance de la Colombie, suite à la « guerre des mille jours » menée avec l’aide de troupes états-uniennes. Les États-Unis s’installèrent donc au Panama, en firent un Protectorat et se firent donner la souveraineté sur le canal qu’ils avaient construit, ainsi que quatorze bases militaires. Le Panama a pu récupérer sa souveraineté sur le canal grâce à un traité avec Washington en 1977 et renouvelé en 1999.
Sans doute l’entreprise la plus puissante à Wall Street et classée n°1 du capitalisme des gestionnaires d’actifs (asset manager capitalism), BlackRock, a racheté les ports de l’entrée et de la sortie du Canal de Panama le 3 mars 2025. Ces ports aux œufs d’or ont été achetés à une colossale entreprise chinoise de Hong Kong – avec ou contre l’accord de la Chine. Le contrôle ainsi pris par BlackRock sur la circulation des richesses entre l’Atlantique et le Pacifique marque certes une victoire géopolitique d’importance sur la rivale chinoise. Mais cette mainmise dit par ailleurs combien l’État et le capital financier états-uniens co-participent à l’acquisition des infrastructures de l’expansion. Capital sans frontières.
Aplanir pour monter, défaire pour construire, utiliser le langage de l’ennemi pour le retourner contre lui, Orwell est à peine dépassé, l’enfer c’est le peuple états-unien qui se la joue libre, le paradis de Musk c’est Mars et le trafic du bitcoin.
Le point fort ? Du chiffre, que du chiffre, des chiffres partout, écran, téléphone lunettes connectées, crâne branché…. Ainsi l’annonce de Trump de coller des tarifs douaniers sur chaque passage de moult objets à chaque frontière – faire pression faire dépression faire impression – a fait monter le prix de l’or de 1000 % en un mois (janvier 2025). Et encore et encore, tant que l’inflation ou le crash menacent les affaires du monde, une aubaine… À moins que… ?
En attendant, il s’agit d’expatrier, d’expulser, de déporter, d’ex monder si possible qui ne se soumet pas à cet ordre, qui ne rapporte pas dans la main de ce pouvoir, ou n’accepte pas de racketter pour lui.
Nelcya Delanoë
[1] J’appelle Trusk ce nouveau pouvoir-tandem Trump & Musk et ce qui va avec. À fascisme, je préfère truskisme.