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Billet de blog 18 mars 2020

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Sur leur balcon

C'était le deuxième jour de confinement. Nous formions une file interminable, allongés dans les lits de ce couloir d‘hôpital. Ce n'était que le début, disait la télé au milieu du couloir, dont je pouvais déchiffrer les sous-titres. Nous étions à peine plus nombreux hier devant le drive de l'hypermarché.

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C'était le deuxième jour de confinement. Nous formions une file interminable, allongés dans les lits de ce couloir d‘hôpital. Ce n'était que le début, disait la télé au milieu du couloir, dont je pouvais déchiffrer les sous-titres. Nous étions à peine plus nombreux hier devant le drive de l'hypermarché. A la télé, on nous avait bien dit de ne pas céder à la panique, mais j'avais peur que les autres ne me laissent rien, ni pâtes, ni papier-toilette. Alors je me suis rué comme eux, ajoutant à la fièvre du virus qui me gagnait une fiévreuse et dérisoire quête pour ma survie.

Mais nous étions plus calmes qu'hier ... Non pas que nous soyons devenus plus disciplinés, ou plus fatalistes. Mais tout simplement parce que le virus était passé par là, nous transformant d'acteurs-consommateurs inconscients à spectateurs-patients, inconscients aussi pour certains.
Le personnel se faufilait comme il pouvait entre nous. Comme hier les ambulances sur un périphérique saturé jusqu'à la bande d'arrêt d'urgence où, pas malin, j'avais trouvé moyen de me faire coincer. Aux urgences, j'y étais pour de bon, cette fois, et coincé pour plus longtemps.

Les soignants rassuraient comme ils pouvaient les plus angoissés. J'étais là depuis la fin de la matinée. De longues heures déjà, et mes poumons sifflaient de plus en plus. Une infirmière arrivait vers moi pour contrôler mon état ; j'allais me plaindre, quand je réalisai que c'était la même qui m'avait pris en charge à mon arrivée dans le service. Elle était donc là depuis plus longtemps, son temps de service devait être écoulé depuis plusieurs heures. Je restai silencieux. Ça ira, me dit-elle avec un sourire fatigué, il y a des cas plus grave, tenez bon. Je souris faiblement ; voyant mon regard attiré par la télé, elle tourna elle aussi la tête vers l'écran.

Le JT montrait un journaliste dans les rues désertes du centre-ville. Il était 20 heures, les gens sortaient en masse sur leur balcon, pour applaudir le personnel hospitalier, comme ils allaient le faire tous ces prochains soirs. Je vis alors une larme perler au coin l’œil de mon infirmière. Je lui demandais : émue par ce soutien ? Elle secoua la tête ... Non. Je me demandais juste : ces dernières années, à chaque fois que nous défilions dans leurs rues pour défendre le service public, ils étaient où : sur leur balcon ?

Illustration 1
De la gaze, pas du gaz ! © Cybersorik

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