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Billet de blog 3 oct. 2019

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Les sourates de Mao

Le lendemain des obsèques de Jacques Chirac, la République populaire de Chine a fêté ses 70 ans. Show must go on !

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   Le lendemain des obsèques de Chirac, la vie continue avec l’anniversaire de la République populaire de Chine. Show must go on ! Le régime communiste, fondé par Mao, a fêté ses 70 ans ce mardi : un âge où Bouteflika effectuait encore des pompes sans assistance...La Chine devance désormais l’URSS dans l’expérimentation du communisme. Au bout de 64 ans, les Soviétiques ont passé l’arme à gauche. L’abus d’alcool a sans doute influé sur leur espérance de vie. Communiste ou pas, la Russie reste une terre où l’alcool coule à flots. Le pouvoir chinois se méfie davantage de ce qu’absorbe sa population. Le président Xi Jinping surveille le régime de ses 1 milliard et 400 millions compatriotes en leur concoctant lui-même les meilleures salades du pays.

   Et si le secret de la longévité d’un régime communiste était la pratique d’un capitalisme d’État ? Emprunter les armes des adversaires pour mieux digérer la mondialisation. Ce qui n’exclut pas de réciter les sourates du Grand Timonier rassemblées dans le « Petit Livre rouge ». La rivalité entre religion et communisme n’est pas qu’une affaire d’idéologie. Malgré le nombre important d’habitants chinois, le « Petit Livre rouge » ne parvient pas à détrôner la bible, livre le plus vendu de tous les temps. Les aventures de Jésus sont connues sur tous les continents, alors que la poésie de Mao, en dehors de l’Asie, résiste un peu moins au temps. On a constaté beaucoup d’adeptes éphémères dans les années 60 et 70 en France : Bernard-Henri Lévy, Jean-Luc Godard ou Alain Finkielkraut sous LSD...

   En 2013, M. Jinping estimait qu’en URSS, personne n’avait « eu le cran d’être un homme, de se lever et de résister. » Poutine a dû apprécier cette attaque contre ses aïeuls. Le judoka russe a sûrement eu l’envie d’envoyer le numéro 1 chinois au tapis, à défaut du goulag. Mais son self-contrôle l’en a dissuadé.

  Pour célébrer l’événement, 15 000 soldats ont défilé avec des chars et des missiles nucléaires sur la place Tianmen de Pékin, alors que 160 avions de l’armée survolaient la capitale. Contrairement à 1989, aucun Chinois n’a tenté de stopper les chars. Les étudiants d' aujourd’hui ont gagné en maturité et en calcul de rapport de force…

Le carré VIP était surtout occupé par de vieux dragons octogénaires du parti communiste, plus vieux mais plus vivant que nos éléphants socialistes.

   Les demandes pour animer l’anniversaire ont afflué du monde entier. La candidature la plus sérieuse a été celle de maître Gims. Après l’étude de son CV au cours d’une session extraordinaire du parti communiste, sa proposition a été refusée : des sonorités trop occidentales. Le régime a préféré une ambiance solennelle en mélangeant musique militaire et chants révolutionnaires. Toutefois, le parti a accepté la tenue d’une séance collective de TAI-chi en attendant l’arrivée du cortège.

   Xi Jinping, en réaction aux protestations pro-démocratiques de Hong-kong, a affirmé que « rien ne peut ébranler la nation chinoise. » Déclaration uniquement suivie d’effets avec les premiers tirs à balles réelles contre les manifestants depuis le début de leur mouvement. Ceux-ci ont également rendu ce 1er octobre férié en le rebaptisant « journée de la colère ». Plusieurs habitants de la colonie chinoise cachent leur lassitude derrière des masques de théâtre. C’est le 115ème jour d’occupation de la scène urbaine. Le tournage en faveur d’un droit à l’autodétermination s’éternise. Les acteurs perdent patience et s’offensent. L’idée de réclamer un peu de liberté d’expression dans le script initial était peut-être trop ambitieuse sur un terrain aussi miné en matière de Droits de l’Homme.

   À Pékin, la célébration a été préparée en amont. Beaucoup d’habitants ont connu un « septembre vert ». Les quartiers du centre-ville ont été interdits aux véhicules afin que les blindés puissent prendre position. Voilà des mesures écologiques radicales qui ont été peu saluées. Pendant un mois, l’image d’Épinal du Chinois sur son vélo est devenue réalité. Plus surprenantes, les courses de pigeons ont été interdites. Il était hors de question qu’un pigeon arrose un seul Pékinois durant cette période de communion nationale. La distinction était de rigueur.

Enfin, les sites de vente en ligne ont dû retirer les couteaux de cuisine de leur catalogue. Grossière erreur, surtout envers les étrangers ! La plupart ne maîtrisent pas le maniement des baguettes. Cet ordre explique peut-être les rares étrangers présents à la cérémonie d’anniversaire. La veille, le cercueil de Chirac a réuni des dizaines de chefs d’État !

À moins que les cérémonies funéraires ne rassemblent davantage que la bonne santé des dictatures ?

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