Fils de France
Ce mardi 19 février, les députés ont voté en faveur de la présence obligatoire des drapeaux tricolores et européens dans les salles de classe. La visibilité des paroles de l’hymne national au sein de la classe sera également requise.
Même si une partie de la gauche s’oppose à cette idée, la majorité des locataires du palais Bourbon approuve l’initiative proposée par le très droitier Eric Ciotti.
Que ce soient en primaire, au collège ou au lycée, les étendards flottent déjà sur les établissements. Cet effort civique est jugé insuffisant. Chaque classe sera désormais équipée du triptyque du parfait citoyen en devenir.
Arrachons les archaïques droits de l’Homme ou de l’enfant qui souillent les murs de nos sanctuaires éducatifs ! Le glas du temps des Lumières a sonné. Il est vital que nos chérubins contractent le virus patriotique dès le plus jeune âge. Les islamo-gauchistes redoutent une dérive nationaliste. Or, les cocos et leur entourage ont déjà été prévenus par un ancien président de la République : la France, on l’aime ou on la quitte. Cela reste d’actualité. Ils ne vont pas nous chier une pendule pour un kit de deux drapeaux accompagné d’une poésie du 18e siècle...
Alors que les écolos prévoient des catastrophes en pagaille, il faut dépasser le stade de la prévision en préparant la jeunesse à la réalité future : la déferlante migratoire ! Le gilet jaune Fly Rider, toujours bien renseigné, m’a annoncé l’arrivée imminente de paquebots remplis de migrants prêts à envahir l’hexagone et à exhiber leurs coutumes sur notre sol. Le temps des radeaux de fortune dans la Méditerranée est révolu.
Il est donc urgent que les chorales de la République s’approprient la Marseillaise et se familiarisent avec ses leitmotivs combatifs. Dès le CP, les gosses doivent comprendre qu’on ne laissera pas des barbares « au sang impur abreuver nos sillons ». Si c’est nécessaire, on étudiera le vocabulaire de notre hymne en lecture. Ensuite, chaque enfant illustrera le chant révolutionnaire avec ses plus beaux crayons. Autant prévenir les parents : ça va saigner ! Encore plus peut-être que dans les jeux vidéos. Mais quand la patrie est en danger, les mômes grandissent plus vite. C’est une constante historique.
La dimension solennelle et tragique de l’hymne ne doit pas pétrifier les élèves à l’extrême.
Pour apporter de la légèreté durant les répétitions des chorales, il sera possible d’alterner la Marseillaise avec « Maréchal, nous voilà ! », une valeur sûre de la variété française.
Des députés sont déçus de la présence du drapeau européen aux côtés du drapeau tricolore dans les classes. Il est vrai que l’Europe est une notion abstraite pour de nombreux adultes et élèves.De toute façon, si l’extrême droite gagne les prochaines présidentielles, il y aura sûrement un concours national de lancers de drapeaux européens et de bolcheviques dans les bennes à ordures.
Grâce à l’idée lumineuse d’Eric Ciotti, les élèves apprendront à défiler avec des drapeaux. Savoir manier un emblème de la République est tout un art. La jeunesse macronienne pourra ainsi parader le 14 juillet avec les militaires sous le regard admiratif du boucher de Damas, un fidèle de notre fête nationale.
Ce sera aussi un moyen de susciter des vocations et d’éviter d’ imprimer des affiches dans toute la France pour signaler que « l’armée recrute ». C’est anormal que la main-d’œuvre militaire soit si difficile à dénicher. Il est urgent de changer la mentalité des jeunes et de leurs aînés. C’est un bon réflexe de sortir le drapeau au cours d’un grand événement sportif. Mais pourquoi le ranger à la fin de la compétition ? On est Français toute l’année, nom de Dieu !
La force des symboles est sous-estimée dans ce pays. Prenez l’exemple des États-Unis : hormis quelques pinailleurs, chaque famille possède son drapeau perché sur sa maison. C’est à ce prix que devient possible, y compris l’arrivée de Trump au pouvoir. En France, en dehors des compétitions sportives, on toise le patriote avec suspicion. Même les gilets jaunes subissent ce traitement. Ils sortent quelques drapeaux tricolores et c’est la fin du monde pour les commentateurs de l’actualité. Imaginer la présence de fachos dans les gilets jaunes, c’est à mourir de rire… Enfin peut-être pas.
Nos patriotes écorchés vifs ont enfin trouvé des politiques qui répondent à leurs idéaux du temps des colonies. Curieux mariage, si ce n’est qu’il ne déroge pas à l’adage « pour le meilleur et pour le pire ». Épiphénomène ou début de peste brune ? Seul l’avenir éclairera cette histoire de surenchère de drapeaux.