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Billet de blog 26 février 2019

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La momie d’Alger dans les starting-blocks

Le roi du silence/ Pas de maison de retraite pour Bouteflika/ La momie d’Alger dans les starting-blocks pour son cinquième mandat présidentiel / La politique du vide / Le président algérien au prochain festival de Cannes ?

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 Les Algériens ont appris le 10 février que leur illustre président, Abdelaziz Bouteflika, briguerait un cinquième mandat en avril prochain. Cette annonce a déclenché la colère du peuple. Chaque vendredi, manifestations et rassemblements se multiplient au Maghreb pour dénoncer la « honte » de cette candidature. À Paris, des centaines d’Algériens se sont réunis ce dimanche. Durant une journée, le drapeau algérien a remplacé le drapeau tricolore qu’arborent les gilets jaunes depuis 15 semaines. D’autres manifestants ont préféré brandir des cadres vides plutôt que des étendards. L’absence d’image dans le cadre symbolisait l’incapacité de gouverner du dirigeant fantoche. Les Algériens s’indignent contre la vieille marionnette et sa politique du vide. La discrétion exceptionnelle de Bouteflika est devenue intolérable pour le peuple arabe. À Alger comme à Paris, la foule réclame du sang neuf.

  Depuis plusieurs années, les proches du dirigeant arabe l’exhibent avec parcimonie sur une chaise sanglée pour attester de son existence et lui éviter la dégringolade de son support. L’homme n’aurait plus la force de tenir un stylo pour signer ses propres lois ! D’ailleurs, on ignore s’il sait encore lire. Ayant subi un grave AVC en 2013, Bouteflika n’a pas parlé à sa population depuis 7 ans ! Imaginer Sarkozy sans parler 7 minutes... C’est plutôt difficile. Or, ce déficit de langage n’a pas empêché le vieil homme d’être réélu aux présidentielles de 2014. Il a réalisé la campagne politique la plus silencieuse de tous les temps. Même la plupart des sourds-muets réussissent à produire des sons dignes d’un marché aux bestiaux. Avec Bouteflika, pas le moindre bruit. C’est une carpe hors catégorie. Accéder à la fonction suprême dans cet état de dégradation, c’était du jamais vu. En poursuivant sur cette lancée, il sera peut-être le premier président d’un pays à gouverner plongé dans le coma. Sa chambre d’hôpital se transformera en QG pour les réunions de crise des ministres. De quoi laisser une marge d’improvisation à son entourage politique...

  On raconte que Spielberg s’est battu pour porter à l’écran l’itinéraire incroyable du petit Abdelaziz : pourquoi se restreindre à E.T. quand on dispose d’un spécimen humain plus énigmatique que n’importe quel extraterrestre. Les proches du président ont décliné la proposition cinématographique, craignant le mélange des genres. La politique est une activité sérieuse où on ne se raconte pas d’histoires. Puis, même bien sanglé dans un fauteuil dernier cri, comment Bouteflika montera-t-il les marches capricieuses du tapis rouge du festival de Cannes ?

  Beaucoup d’Algériens reprochent à leur leader d’être instrumentalisé par une bande de mafieux. Si c’est le cas, il faut se rappeler que la mafia a toujours été réputée pour son sens aigu de la famille. Le vieil homme aura au moins la garantie de ne pas finir dans une maison de retraite tué en batterie et lavé comme une bagnole en moins de cinq minutes, rinçage compris. Ce n’est pas l’esprit de la maison Bouteflika de chercher à se débarrasser des aînés.

  Cet homme invisible a déçu ses concitoyens. Ceux-ci se sont mis à rêver d’une diminution du chômage, d’une hausse du pouvoir d’achat, d’une justice sociale, de meilleurs services publics… Autant de caprices distillés par les récits enjolivés des émigrants ayant traversé la Méditerranée. Les réseaux sociaux ont aggravé ces lubies. Désormais, les Algériens ne supportent plus leur auguste autoritaire assis sur le trône. Ils désirent un candidat capable de communiquer avec eux et le reste du monde.

  Des mauvaises langues affirment que Bouteflika sera incapable de voter aux prochaines élections et encore moins de lire le serment constitutionnel s’il est élu. Et le vote par procuration ? Quant à la constitution, il doit la connaître par cœur avec sa longue expérience du pouvoir...

  L’Algérie a un sage de 81 ans à sa tête tandis que la France a adopté un jeune chien fou de 41 ans. Macron organise de grands débats dans lesquels il peut discuter six heures sans pause. L’ex-banquier s’implique à 100 % pour arracher le dernier mot face à ses interlocuteurs, risquant le délit mépris à chacune de ses interventions improvisées. Cette volonté présidentielle de jouer les démocrates n’empêche pas les gilets jaunes de poursuivre leur mouvement et de défier la République et sa constitution.

  Notre beau bordel démocratique a peu de chance d’engendrer de petits gilets verts en Algérie. Malgré son absence, le président reste intransigeant sur les écarts de conduite. Sa police est très réactive et a la gâchette facile. On pressent Bouteflika à bout de souffle mais cette remarque vaut également pour le président français. On peut même parier que le dirigeant algérien tiendra encore les rênes de son pays quand M. Macron quittera son bail présidentiel et se reconvertira en vendeur d’assurance.

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