Apparemment Facebook n’arrive pas à trouver « Avanzà », le dernier livre de Jean-Guy TALAMONI qui est paru en octobre 2016. Vous apprendre que je l’ai lu n’étant pas la nouvelle de l’année, du mois ou de la semaine, nous allons tous y survivre, mais c’est agaçant. Agaçant car j’aurai bien aimé avoir l’occasion d’en dire un mot.

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Jean-Guy TALAMONI est en tant qu’auteur quelqu’un d’intéressant. Il l’était déjà, il y a bien des années maintenant lors de la sortie de son premier ouvrage : « Cio che no simu ». C’était au début du XXIe siècle, il y a une quinzaine d’années.
A l’époque il n’était pas Président de l’Assemblée de Corse. C’était – déjà – un élu nationaliste, mais ni le plus connu ni le plus considéré. L’époque était à la « sbacca » plus qu’à l’étude des dossiers. L’époque était aussi à la violence, aux morts et aux explosions, et dans ce contexte, écrire était un exercice d’intellectuel assez peu apprécié, pour ne pas dire méprisé.
Il y a un certain nombre de choses que j’ai partagées avec Jean-Guy TALAMONI, et la légalité républicaine, le rejet de l’assassinat comme mode d’expression politique, auquel il est venu, sont des points qui nous mettent d’accord. Même si cette évolution a été lente, elle a eu lieu. Il l’a faite, en son âme et conscience, en dépit des pressions, des menaces physiques sur lui et sur sa famille.
On voit actuellement le Président de l’Assemblée de Corse, membre d’une coalition électorale qui a démocratiquement gagné sa place au soleil. L’oubli s’étend sur les injures et le mépris, sur le colis piégé… On lui avait même reproché de ne pas aller assez souvent… à la chasse au sanglier. Il a fallu qu’il s’exprime là-dessus à l’époque. Outre les menaces en Corse, il a été trainé dans la boue sur le continent au-delà de toute mesure. On renverra les oublieux à un article – toujours en ligne – de « L’Humanité » du 15 juillet 2000 « Jean-Guy TALAMONI Le choix des armes » signé de Dominique BEGLES :
- Dans la famille du terrorisme, dont il est l'un des éléments ripolinés juste suffisamment pour être fréquentables…
- … il n'est qu'illusionniste pour le compte de gros poissons zonant dans un marigot où se frôlent, jusqu'à se confondre, des silhouettes floues de mafieux, d'affairistes, de trafiquants et d'idéalistes du tiroir-caisse.
- Derrière lui, dans l'ombre, se tiennent des gens dont les accointances avec l'extrême droite sont préoccupantes…
- comme avocat, il ne vaut pas deux mandarines. « La carrière politicienne est certainement pour lui un moyen d'échapper à une certaine obscurité au niveau professionnel ».
http://www.humanite.fr/node/230729
Ces allégations, c’est sans doute la partie la plus aimable des attaques le concernant. Elles ont fait long feu. Elle étaient infâmes. Elles le sont toujours.
Ajoutons qu’arrivé au « pouvoir » il ne s’est pas précipité pour subventionner des gîtes ruraux… Il ne s’est pas non plus transformé en notable. Il est resté dans la ligne qui a toujours été la sienne.
C’est une pitié pour son tailleur, mais il ne change pas d’avis comme de chemise, il ne retourne pas sa veste pour un oui pour un non.
Son dernier livre a une dimension pédagogique, le premier l’avait tout autant. La seconde partie (plus de cent pages) nous annonçait il y a quinze ans le titre. « Ce que nous voulons » est devenu « La Corse que nous voulons », mais ce n’est pas une simple mise à jour, même si les deux ouvrages ont un « parallélisme des formes » assez frappant.
Jean-Guy TALAMONI plaide son dossier en pyramide.
Il démarre toujours du même socle, un très bon socle car il a des bases Corses solides : L’histoire, les traditions, la langue, la culture… Ensuite, invariablement, quand il juge l’auditoire convaincu de ce qui est - du reste – incontestable, il lance son projet politique et porte l’estocade. C’est là que nous avons le droit de le suivre ou de ne pas le suivre.
En démocratie c’est un choix normal.
Avec beaucoup de talent, Jean-Guy TALAMONI veille à ce que sa démonstration soit assez radicale pour emporter le soutien des indépendantistes et assez policée pour avoir la bienveillante neutralité de ses amis autonomistes, voire l’attention de ses adversaires.
Le dernier mot de son dernier livre est le mot « amical ». Il persiste et signe à vouloir « écrire les pages les plus radieuses de nos futurs livres d’histoire ».
Officiellement c’est un incorrigible optimiste, en vérité c’est un plaideur qui vaut plus que deux mandarines.
Les portes de l’indépendance il n’est pas près de les pousser car elles sont trop lourdes. Il le sait, et il l’écrit. Pour autant il ne renonce pas.
Je crois qu’il ne renoncera jamais.
Son serment sur la « Giustificazione » ce n’est pas une astuce de communicant ; son premier discours « in lingua nustrale » ce n’est pas une provocation ; et même « la France est un pays ami » ce n’est pas une blague. C’est une conviction politique profonde.
On est pour ou on est contre, mais c’est la sienne et il l’affirme depuis des années.
A Paris, dans son cours sur le terrorisme au CNAM, le Professeur Alain BAUER indique dès les premières heures : « Les terroristes annoncent toujours ce qu’ils vont faire ». Jean-Guy TALAMONI n’est pas un terroriste, loin de là. Mais il annonce clairement ce que lui et son parti veulent faire.
Amicalement.
Didier CODANI
P.S. : Ce matin, j’ai reçu une invitation Facebook de… Jean-Guy TALAMONI. Connaissant son positionnement politique et le mien, puisque je suis maintenant délégué Corse du général Didier TAUZIN pour la prochaine élection du Président de la République, j’ai d’abord souri. Et puis, j’ai ressorti « Cio che no simu » de la bibliothèque. J’ai relu la dédicace, où j’ai l’insigne honneur d’avoir un mot (un seul, "Pour") rédigé en Français ; et je me suis souvenu de tout ce qui avait précédé cette dédicace, et de toute l’aide que cet obscur Avocat à qui « l’Humanité » n’aurait pas payé deux mandarines, m’avait en son temps – et sans rien demander en échange – apportée pour mon Diplôme d’Etudes Supérieures Spécialisées (aujourd’hui on dirait un « Master ») puis pour aider à soutenir ma thèse de Doctorat en Droit Public.
« Incù Amicizia » c’était autre chose, à une époque où le sang coulait de part et d’autre, qu’un clic sur Facebook. Sans concession politique, il faut savoir se souvenir de ce que l’on a vécu, en Corse durant ces années-là.

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J’ai bien des défauts, mais pour l’instant la mauvaise mémoire n’est pas du nombre.