Il y avait longtemps que je ne vous avais écrit.
C’est que l’écriture est à mon sens plus intéressante quand on a quelque chose à dire que simplement « pour dire quelque chose ».
La mode actuelle étant à parler pour être noté comme ayant ouvert sa bouche ou son stylo, il ne me paraissait pas utile d’ajouter des lignes à ces entreprises de brassage de vent ou de sculpture de fumée. Bien qu’elles soient d’un intérêt artistique certain et d’un intérêt public quasi nul.
La France, et une bonne partie de l’Europe, est programmée pour s’endormir si possible paisiblement jusqu’à la rentrée scolaire prochaine. Les grèves vont se terminer, avec des syndicats qui sauront crier victoire juste avant les supporters des matches de football.
Ils ont à peu près autant de légitimité que les footballeurs pour prétendre représenter le pays. Il est donc logique que l’arrivée des uns avec toute la puissance commerciale des produits dérivés à nous vendre incite les autres à battre en retraite, même s’ils n’ont pas obtenu tout ce qu’ils voulaient. Déjà qu’ils ne sont plus représentatifs que d’eux-mêmes, plus personne ne les écouterait.

Les yeux vont remplacer les oreilles, et les écrans vont se recouvrir de gazon, jusqu’à ce que le sable doré et une plus grande chaleur ne nous indiquent qu’il est temps d’aller bronzer, pour un ou deux mois, car dans ce sport-là on se relaie souvent pour faire durer le plaisir.
Nos politiciens pourront ainsi tranquillement s’entrainer au seul jeu qui en vaille la peine :
L’élection présidentielle de 2017.
C’est une belle élection que la présidentielle. Si on joue finement on peut gagner sans jamais avoir à tenir une seul promesse, ou alors juste quelques-unes, à la marge. Les idéaux élevés ont ceci d’intéressant qu’ils permettent d’éviter de parler des mesures d’application concrète. En bref, le peu que nous avons pu effleurer de la vie quotidienne des Français va disparaître des médias pendant au moins presque un an. Puis, nous irons d’élections en élections comme d’aventure parisienne en aventure parisienne, en racontant le plus possible et touchant du doigt le moins possible.
Il faut reconnaitre que la soupe est bonne, et que l’on remet le couvert régulièrement.
Certains y reviennent même avec leurs casseroles, pleines de soupe passée, que leurs adversaires conservent pour eux.
Nous ne parlerons donc plus d’un monde du travail avec de moins en moins de travail pour nos compatriotes mais où tout le monde afflue. Nous ne parlerons pas de ceux qui ont réussi par leur seule capacité de nuisance et la mollesse des pouvoirs successifs à s’octroyer des régimes « spéciaux », alors que leurs enfants vont de CDD en CDD, au point d’avoir pour ambition majeure la catégorie C de la fonction publique au lieu de l’excellence à laquelle leurs diplômes les destinaient, ou de l’entreprise pour ceux qui n’ont pas encore décidé de la créer plutôt à l’étranger.
Nous ne parlerons pas non plus du logement en dépit de tous nos compatriotes qui en ont besoin, et surtout pas du squat qui monte inexorablement avec l’arrivée de gens qui ne remplissent rigoureusement aucune condition pour espérer obtenir un logement dans le respect de nos lois.
Nous allons avoir le droit de nous mobiliser, mais uniquement pour soutenir des joueurs millionnaires, quel que soit le pays d’Europe duquel ils sont ressortissants. Surtout pas pour monter la garde avec VIGIPIRATE ou Sentinelle qui auraient pourtant bien besoin que l’on comprenne la différence entre un sprint et une course de fond.
Pendant ce temps, dans notre dos, des gens qui ne sont ni des imbéciles ni des psychopathes – en tous cas certainement pas la majorité d’entre eux – vivent dans le mépris de nos valeurs.

On les appelle des terroristes, et souvent, des islamistes.
Nos vraies valeurs, les vrais principes de notre République, ils les craignent, et s’ils cherchent à les combattre ils les reconnaissent. Mais en revanche ils méprisent maintenant tous ces « éléments de langage » qui ne servent qu’à nous vendre encore un peu plus de biens dont nous n’avons pas besoin, ou à justifier tous les relâchements sexuels et moraux qu’avec une communication pointue l’on veut nous présenter comme la marque d’une civilisation éclairée.
Peu à peu, sans presse, sans radio, sans beaucoup de télévision, mais avec beaucoup de patience, de bouche à oreille et de porte à porte, ils continuent à recruter. Les déçus du système, oui, mais pas seulement. Arrivent maintenant des gens plus réfléchis et mieux organisés, qui utilisent toutes les ressources que nous avons pour notre consommation courante afin de s’armer, de s’équiper.
Nos penseurs politiques les plus éminents sont payés pour élaborer des stratégies afin de diviser tel parti ici, rallier tel autre là et enfin permettre à leur candidat d’être présent au second tour en position éligible. La guerre ? Ils l’ont largement oubliée. Pas intéressant. Elle ne rapporte pas assez.
Nos militaires qui ont compris que le pli n’est pas pris et que c’est encore et toujours la finance qui commande en réalité, essaient d’avoir la part du gâteau la moins petite possible, et pour ceux qui sont honnêtes et qui sont – je crois – la majorité de nos officiers, arriver à trouver le temps de faire prendre du repos puis de l’entrainement au vrai métier. Métier qui n’est pas celui d’un vigile de supermarché surarmé ou d’un acheteur de systèmes d’arme hors de prix, mais bien de faire la guerre avec efficacité, en sachant tuer plus que l’on n’aura de pertes soi-même.
Nos policiers et nos gendarmes ne sont pas loin du même bilan. Ils attendent encore une vision stratégique qui dépasse les barrières des « fan zones ». Ils savent que dès que les lampions de la fête seront éteints, et peut-être même avant, il faudra une réactivité maximale parce que pendant le même temps - dans l’ombre - l’ennemi s’entraine et se prépare. Alors qu’eux ils auront dormi quatre heures par nuit.
Par chance, nos plus fins analystes ont découvert que la plus large part de l’Euro cadre avec le Ramadan. Comme si des terroristes pour qui la fin justifie tous les moyens allaient s’encombrer avec les principes de leur propre religion…
« On » a même développé une application pour prévenir les gens en cas d’attentat. C’est moindre mal, cela peut avoir son utilité. Mais la réalité du chaos que nos adversaires préparent peut-elle se contrer par une application pour téléphone portable ? La vraie vie n’est pas un jeu vidéo.
Que faire ? Entre « bonne nuit les petits » et « on va gagner » il n’y a que des incantations. Tous ceux qui ont eu à endormir un bébé le savent, et les joueurs de foot le savent aussi. Il en faudra plus.
Pendant ce temps aux frontières la pression est là, dans les cités l’intolérance progresse. Peu à peu des comportements déviants se mettent en place. « Par jeu » on interdit aux petits camarades de boire, de manger, de fumer pendant la journée. Si les adultes n’interviennent pas, tant que des adultes n’interviennent pas, ce « jeu » continue. Jusqu’à devenir une règle tacite dans la cité.
« Pour vivre », des marchés parallèles se mettent en place. De plus en plus près des marchés officiels. Au point qu’un jour les marchands « officiels » se demanderont pourquoi – eux – ils paient charges et taxes, si les « autres » ne sont pas poursuivis. Car les « autres » sont souvent du même groupe, de la même communauté. Ce ne sont pas des délits anodins, ce n’est pas mineur.
Face à la dissolution des règles dont ce ne sont que deux exemples, nos « terroristes » ont leurs propres relais d’opinion en col et capuchon blanc. Ils proposent une autre morale, ancestrale, et d’autres valeurs, claires, nettes. Trop nettes à mon goût, mais applicables. Peu à peu.
Il faut lutter contre cette fausse mobilisation « sportive », il faut lutter contre cette torpeur, contre ces habitudes mercantiles, ces rituels rassurants. Il faudrait regarder les choses bien en face.
En cet été qui commence, il ne faut pas baisser la garde. Ne pas se limiter au service d’ordre des stades et des « fan zones » et voir plus loin. Pensons plus loin. Gagnons les cœurs et les esprits de nos concitoyens – et en particulier les plus démunis - à autre chose qu’aux paris sur le score du prochain match ou aux mérites comparés des écrans plats de télévision.
La semaine écoulée, nous avons réuni quelques amis dans la « pire » Zone de Sécurité Prioritaire des Alpes-Maritimes. Pour déjeuner ensemble, pour nous retrouver, pour parler de ce qui se dégrade au quotidien et pour soutenir clairement ceux qui nous défendent. Dans ce cas, c’étaient les policiers, masculins comme féminins, qui étaient à l’honneur. Avec à table ce que nous avons de meilleur. Une petite goutte d’huile sur le beau drapeau noir que certains mettent en place tout doucement sur nos têtes; avec des pouvoirs publics qui aimeraient croire qu’ils pourraient tout maitriser seuls. Ce n’est que tous ensemble, en recréant le lien fort qui doit exister entre nous que l’on maitrise. Le reste n’est – hélas - qu’une illusion. Mais maintenant la goutte d’huile est là, elle ne va pas partir seule.
Les premières critiques, 48 heures après, viennent de m’arriver de la part d’intellectuels qui n’ont apparemment pas compris l’importance symbolique d’un vrai repas entre amis. Non, ce n’était pas pour choquer nos amis Musulmans pendant le Ramadan. Nous n’avons pas à tenir compte de la religion pour cela. J’ai volontairement évité d’inviter des amies Musulmanes, comme elles évitent de m’inviter pendant le Carême. Le but n’était pas là. Le but c’est de prendre conscience de ce que nous sommes et de ce que nous souhaitons devenir. Nous n’avons pas à changer nos goûts, nos horaires, notre mode de vie. Nous sommes chez nous. « En tout temps, en tout lieu » dès lors que nous respectons nos lois nous agissons comme bon nous semble. Ceux qui n’ont plus le courage de l’affirmer, j’en suis désolé pour eux
Je ne suis pas programmé pour m’endormir, pas plus que me cacher pour manger, boire ou fumer en plein midi. Je ne suis pas le seul. Nous ne sommes pas seuls. Bonne sieste pour ceux qui n’ont pas compris. Il est plus que jamais temps de rester en éveil. L’œil vif et l’oreille à l’écoute.

Agrandissement : Illustration 3

Et bien sûr, pour le foot : « On va gagner…. »
Didier CODANI