Lingua (non) grata. Les langues à l’épreuve des politiques migratoires
Colloque international de clôture de l’ANR LIMINAL, 14-15 septembre 2021
Grand Auditorium de l' Inalco, 65 rue des grands moulins 75013 Paris- Entrée libre sur inscription : ici
Retransmission en direct : https://www.youtube.com/c/Inalco_officiel
Coordination scientifique :
Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky & Alexandra Galitzine-Loumpet / Conception graphique : Laura Genz
Contacts: msaglio@inalco.fr – alexandra.galitzine-loumpet@inalco.fr
programme : Livret colloque Liminal 2021-def6-210706
Argumentaire
Que font aux langues les espaces sociaux de la migration ? De quelles façons mettent-elles à l’épreuve les politiques migratoires ? Que deviennent les sujets et les langues sur le qui-vive, suspects comme l’est toute parole exilée face à la langue de souveraineté du pays d’arrivée ? Quelles sont les politiques de traduction, le rôle des « traduisants », bénévoles ou salariés impliqués dans l’acte de traduire sans en avoir ni le statut ni la légitimité ? L’expérience migratoire invente-t-elle des bricolages linguistiques spécifiques – un parler de la migration composé d’acronymes, de mots inventés, détournés ou codés, de schibboleths, utilisés par les exilés mais aussi, parfois, par les solidaires et les administrations de l’asile ? Et si c’est le cas, comment qualifier ce « migralecte », le collecter et l’analyser, restituer sa charge subjective, ses violences – coloniales, racialisées, policières –, et ses puissances – de dérision, de résistance, de subversion ?
Ces questions ont mobilisé les chercheurs du programme multidisciplinaire LIMINAL (Linguistic and Intercultural Mediations in a context of International Migrations, Agence nationale de la recherche / Inalco) pendant quatre intenses années. Aux frontières franco-italiennes et franco-britanniques, dans les campements et structures d’Ile de France, dans des centres d’accueil parfois isolés, à Calais, Paris ou Vintimille, les membres de l’équipe ont repéré ces mots utilisés à l’oral, observé leurs usages et élaboré une méthodologie d’analyse avec les locuteurs exilés et réfugiés. Ce programme résolument et nécessairement collaboratif a appréhendé la place des langues pour ce qu’elle est : une question politique, celle du sens, entre subalternisation et gestion des indésirables. Partir de la langue c’est en effet aborder « la vie souterraine » des exilés selon l’expression d’Erving Goffman, celle qui n’est pas connue des « dominants » de l’asile ; prendre pleine mesure de sa centralité, c’est également interroger sa minoration dans les études des migrations ; évaluer les manques de traduction, c’est enfin s’engager dans la formation de médiateurs pairs, c’est-à-dire dans une professionnalisation des traduisants, tel que le propose le DU Hospitalité, médiations, migrations (Inalco) depuis deux ans maintenant.
Pour présenter les résultats de LIMINAL et réfléchir aux enjeux du cosmolinguisme constitutif des situations de migration, le colloque s’articulera autour de plusieurs ateliers, nommés par quelques-uns des plus de 400 mots du migralecte constitué : welcome, border, violence – en anglais et en français, mais utilisés ou compris dans bien d’autres langues ; tarjuman en farsi, tarjoman en pachto, dalmechar en ourdou – l’interprète au sens large ; shiou'iyin littéralement le « communiste » en arabe soudanais, terme désignant bénévoles et militants ; agent, en anglais, ourdou et persan, muharrib en arabe ou samssari en tigrinya – le passeur, opposé au sens plus neutre du fonctionnaire de police ou de l’agent de sécurité en français; muhajir, l'exilé, le réfugié en arabe mais aussi en dari et pachto ; Yunan – la Grèce, antique terme qui viendrait de Ionie ; yôdegôri en farsi « souvenir de », et enfin boza, migralecte aux sens multiples… Ces table-rondes, avec des communications courtes et des coordonateurs-intervenants, regrouperont différents acteurs de la solidarité et de la recherche, du documentaire et de l’art, dans la droite ligne des ateliers réflexifs du Briançonnais (14-16 mai 2021). Entre lingua franca et persona non grata, la Lingua (non) grata, intitulé du colloque comme de l’ouvrage collectif* à paraitre fin 2021, entend contribuer à « déprovincialiser » – au sens de Dipesh Chakrabarty –, la xenobureaucratie et ainsi à penser les conditions politiques d’une hospibabélité.
*Lingua (non) grata. Langues, violences et résistances dans les espaces de la migration, sous la dir. de Marie-Caroline Saglio Yatzimirsky et Alexandra Galitzine-Loumpet, Presses de l’Inalco, à paraître fin 2021.
Programme
14 septembre 2021
9h Accueil avec galettes, chaï et café
9h15 Session 1 – WELCOME-WILLCOME / Ouverture
- Ouverture : Peter Stockinger (Vice-président chargé de la recherche, Inalco) & Catherine Pellini (Agence Nationale de la recherche)
- Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky (Cessma-Inalco / Liminal) & Alexandra Galitzine-Loumpet (Cessma / Liminal)
10h Session 2 – VIOLENCE / Violence et traduction
Key note – Tiphaine Samoyault (EHESS)
Pause-café
11h30 Session 3 – MIGRALECTE / Langues et migrations
Coordinateur : Shahzaman Haque (Liminal/ Inalco)
- Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky & Alexandra Galitzine-Loumpet (Liminal, Cessma)
- Stefan Lalande & Abdelkrim Beloued (INA)
- Aurélie Veyron-Charlet & Hélène Beauchef (Editrices migralect.org)
- Aman Mohamed Said & Cherif Yakoubi (DU H2M, Liminal)
- Omar Zeroual (artiste, DU H2M)
Buffet
14h Session 4 –TARJUMAN / Le métier de médiateur : reconnaissance et formation
Coordinateur : Amir Moghani (Cerlom-Inalco / Liminal)
- Elisabeth Navarro (DU MISP, U. de Paris)
- Aurélie El Hassak-Marzorati (CASP)
- Emmanuelle Gallienne (Association Kolone)
- Bénédicte Parvaz-Ahmad & Anne-Céline Leh (DU H2M)
- DU Dialogues (Université de Lyon 2)
- Maryam Derakhshan (DU H2M)
16h Session 5 – SHIOU'IYIN / Mobilisations par les langues & bricolages linguistiques
Coordinatrice : Cécile Canut (Cerlis, U. de Paris)
- Anaïk Pian (U. de Strasbourg)
- Pauline Doyen (Watizat, Cessma/ Liminal)
- Mariam Guerey (Secours Catholique Calais)
- Hamad Gamal (Sciences Po Paris, sous réserve)
- Abdul Azam Azizi & Kadija El Goufi (Urgences Covid Migrations / Association H2M)
17h30 Session 6 - AGENT - BOZA / Parlers de la migration
- Isabelle Ingold & Vivianne Perelmuter (réalisatrices) - «Ailleurs, partout » (2020)
- Séverine Sajoux (réalisatrice) – « Boza / Hazara » (court métrage 2020)
- Gadem - « Boza » (vidéo)
18h30 Musique & Cocktail
Yalla Sawa, groupe de musique franco-soudanais
15 septembre 2021
9h30 Session 7 – MUHAJIR / Au vif des frontières - Etat des lieux
Modératrice : Eugénie Barbezat (L'Humanité)
- Afghanistan -: Rohullah Sidiqullah (Liminal)
- Briançon: Marianne Chaud / Isabelle Mahenc (Tous migrants)
- Calais : Juliette Delaplace (Secours Catholique, Calais)
- Vintimille : Manuela van Zonneveld (solidaire, en visio)
Key note – Dipesh Chakrabarty (Université de Chicago), empêché
Pause-café
11h15 Session 8 – YUNAN / Crise des langues, crise de l’Europe
Coordinatrice : Hélène Thiollet (Sciences Po, ANR PACE)
- François Gemenne (U. de Liège)
- Mehdi Alioua (U. internationale de Rabat, co-fondateur du GADEM - en visio)
- Juliette Delaplace (Secours Catholique, Calais)
- Morgan Railane (Directeur de la rédaction d'Aletheia Press, Calais)
- Basil Kamal Bushra (DU H2M) & Etudiants du DU H2M
Buffet
14h Session 9 – BORDER / Saisir la frontière par les langues
Coordinateur : Damien Simonneau (Cessma, INALCO)
- Elise Pestre (U. de Paris, Liminal)
- Daniela Trucco (Ecole française de Rome, Liminal)
- Marianne Chaud & Isabelle Mahenc (réalisatrices / Ateliers du Briançonnais )
- Hayatte Lakraa (King’s College, Liminal)
- Babak Inanlou (H2M, Liminal)
Présentation des photos de Luc Georges – Calais Recto-Verso
16h Session 9 – YÔDEGÔRI / Narrations, traces
Coordinatrice : Alexandra Galitzine-Loumpet (Cessma, Liminal,)
- Nisrine Al Zahre (CéSor, EHESS, Liminal, sous réserve)
- William Berthomière (U.de Bordeaux Montaigne)
- Laura Genz (dessinatrice)
- Myriam Suchet (Thalim, U. de Paris 3)
- Présentation des photos d’Abdul Saboor (photographe)
17h30 Session 10 – HOSPIBABELITE.
Key note – Michel Agier (EHESS, ICM) «Puisqu’il faut parler d’asile»
Conclusion : Alexandra Galitzine-Loumpet & Marie-Caroline Saglio -Yatzimirsky – La langue et les Autres