Mayotte est le seul département français qui compte une écrasante majorité de musulmans. Chaque quartier possède sa mosquée, nombre de jeunes filles vont à l’école avec le voile et les fêtes islamiques sont ici fériées. L’île est souvent présentée comme un symbole d’une pratique tolérante et de l’entente avec la République laïque.
Dans les faits, un certain nombre de pratiques prohibées par l’Islam se développent. C’est particulièrement clair pour ce qui est de la consommation d’alcool, mais aussi pour les relations hors mariage, les crédits bancaires, les jeux d’argent ou encore les mariages outranciers. Les influences extérieures sont nombreuses, africaines et occidentales, qui viennent modifier la pratique quotidienne. Ce que certains présentent comme un « islam tolérant » est en fait fortement influencé par la métropole et le besoin de développement de l'île semble gommer les impératifs religieux. Nombre de jeunes sont en perte de repères. De plus en plus de filles portent des tenues légères et la fréquentation de la madrassa1 diminue. Tout cela est entretenu par l’État français qui entend laïciser la société mahoraise, en commençant par l'école et la lutte contre le port du voile. Les élus locaux assurent le relais de cette politique qu'ils assument pleinement.
La pratique de l'Islam tient ici plus de la tradition que de la religion. On le voit avec la célébration de certaines fêtes boudées par le monde arabe comme Maoulida2 et Miraj3. Elles remportent ici – et dans tout l'archipel des Comores – un franc succès et devancent même le jour de l'Aïd. De plus, certaines pratiques ont de quoi surprendre, à l'image de dahira. Cela consiste à un rassemblement d'hommes aux abords de la mosquée qui vont passer des heures à chanter et danser dans un état proche de la transe. Ce n'est pas pour rien que le journal Mayotte Hebdo titrait récemment « pratiques religieuses : entre animisme et Islam »4.
Cette pratique particulière déstabilise les musulmans – principalement nord-africains – qui viennent vivre à Mayotte. Ils doivent s'adapter à cette vision spécifique de la religion et bataillent par exemple pour trouver de la nourriture halal. Ils ont par conséquent tendance à rester entre eux et sont de plus en plus mal vus par les Mahorais qui restent attachés à leurs traditions et n'entendent pas changer leurs pratiques religieuses. C'est ainsi que le 27 février 2015, des habitants du village de Mtsangamouji, dans le nord de l'île, ont saccagé une mosquée récemment construite. Ils reprochaient à cette dernière de ne pas respecter les traditions mahoraises et de prôner des pratiques venues de l'extérieur. Le lieu de culte n'a jamais rouvert.
À cela s'ajoutent les récents résultats électoraux qui consacrent le Front National. Marine Le Pen, candidate ouvertement islamophobe, a récolté 27,3% des suffrages exprimés au premier tour et 42,85% au second, arrivant même en tête dans 7 communes de l'île. Les Mahorais visent particulièrement les immigrés comoriens – pourtant eux aussi musulmans – et vont même jusqu'à leur interdire l'accès à certaines mosquées. L'Islam semble bel et bien menacé dans le dernier né des départements français...
1 École coranique.
2 Anniversaire du Prophète Muhammad.
3 Ascension du Prophète et sa rencontre avec Dieu.
4 Mayotte Hebdo n°794 ; thème déjà abordé dans le numéro 729.

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