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Billet de blog 4 avril 2013

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RETOUR EN REPUBLIQUE ! Des fondements juridiques de la résistance au néolibéralisme

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Que l'on interprète comme un acte de cynisme ou comme un acte d'impuissance, l'inflexion de plus en plus néolibérale imprimée par le gouvernement à son action ne pourrait pas prospérer aussi facilement sans un contexte idéologique particulièrement favorable aux représentations droitières.

L'hégémonie intellectuelle de la droite ne sévit pas seulement en matière économique. En matière pénale, la persistance dans le débat public d'une grille de lecture sécuritaire peut-être plus vindicative encore que sous le gouvernement précédent, explique pour beaucoup l'extrême prudence avec laquelle se met en place une politique pénale plus progressiste.

Si nous voulons avoir quelque chance d'assister au changement promis avant la fin du quinquennat, il nous faut donc poursuivre plus que jamais la bataille des idées. A ce titre, le retour aux combats et aux avancées juridiques portées par la Gauche depuis la Révolution constitue un atout précieux. On l'oublie souvent mais, ainsi que l'incarne Jaurès, l'identité politique de la gauche française est avant tout constitué de l'héritage républicain.

A la faveur d'un affaissement du souvenir du contrat social de la libération d'un travail de sape idéologique et d'un contexte économique favorable à son déploiement, toute une partie de la droite française retrouve sa vraie nature, celle d'une force historiquement opposée à la République et dont elle n'adopta formellement le cadre et les institutions que lorsqu'elle comprit qu'elle pouvait ainsi reproduire, plus facilement encore que sous un régime expressément autoritaire, son modèle de domination sociale d'un groupe sur les autres. Cette droite qui se départit, avec un bonheur évident, de son cache-nez républicain, comment pouvons nous encore lui faire grâce de la pureté de ses intentions ? Comment pouvons nous considérer que la souffrance et l'injustice produite par sa politique ne soient que l'effet d'une mauvaise gestion, quand elles en constituent sinon la finalité, du moins l'effet nécessaire de son entreprise de (re)construction d'une société tendanciellement inégalitaire et autoritaire?

Bien au contraire, c'est en reprenant le sens et la direction du combat républicain pour une société pleinement démocratique, que nous parviendrons à reconstruire les bases d'une nouvelle union de la gauche et d'un nouveau front populaire. Cessons de laisser croire que la République soit neutre, qu'elle se satisfasse de n'importe quelle politique sociale, de n'importe quelle politique économique, qu'elle soit indifférente au démantèlement de l'éducation nationale, de la santé publique et de tous ces services publics institués pour évincer, selon les rédacteurs du programme du Conseil national de la résistance « les grandes féodalités économiques et financières de la direction de l'économie ».

Or, c'est avant tout par la loi que le projet politique républicain a progressivement été mis en œuvre. En plaçant notre combat sous la bannière des grands textes juridiques républicains que nous ont légué les générations précédentes, nous contribuerons à casser l'idéologie néolibérale non seulement en refusant la tyrannie économiste, mais aussi en invoquant une filiation et un horizon politiques autrement plus séduisants que la mise en scène de la rigueur gestionnaire. Se placer sur le terrain juridique permet non seulement de pointer la dimension foncièrement anti-démocratique du néolibéralisme mais également ses accents délictueux.

Quelques exemples, qui démontrent qu'il n'est nul besoin de s'enferrer dans des querelles d'expert pour refuser la régression néolibérale qui s'étend au prétexte de la « crise » :

  • Le simple recours aux articles 2, 5, 7, 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (principes de légalité des délits et des peines, de nécessité des délits et des peines, de proprotionnalité de la répression, de présomption d'innocence) suffit pour disqualifier la logique répressive sécuritaire qui se déploie depuis plus de 15 ans. A ceux qui persistent dans l'hystérie répressive de la dernière décennie, il faut simplement opposer notre volonté de voire advenir l'ordre pénal républicain, rationnel et efficace.

  • L'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose qu'une « contribution commune » est indispensable à l'exercice de la puissance publique et qu'elle doit être « également répartie entre les citoyens en raison de leurs facultés ». Avons nous besoin d'un autre fondement pour défendre l'instauration d'une fiscalité réellement progressive ?

  • Le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 – qui fait partie de ce que l'on appelle le « bloc » de constitutionnalité sensé encadrer l'action des gouvernants – précise que « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ». Est-il besoin d'aller plus loin pour s'opposer au règne délirant de la propriété privée qui s'exerce de nos jours ?

Il ne s'agit là que de quelques illustrations, qui montrent à quel point revendiquer sans complexe l'héritage politique républicain permet de redonner un sens autrement plus percutant au clivage droite/Gauche – et ce tant dans une perspective nationale que européenne, en s'appuyant notamment sur les textes adoptés par le Conseil de l'Europe, au premier rang desquels la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. 

Les outils de la transformation démocratique sont là. A ceux qui sauront les saisir appartient l'avenir de la République.

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