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Billet de blog 5 juin 2016

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Aux origines de la violence (policière)

La violence qui, depuis son commencement, traverse le mouvement de contestation initié devant la dernière tentative en date du gouvernement de liquider l'ordre public social procède avant tout de la violence institutionnelle des pouvoirs publics.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La violence qui, depuis son commencement, traverse le mouvement de contestation initié face à la dernière tentative en date du gouvernement de liquider l'ordre public social, n'est pas forcément celle qu'on croit. 

Bien sûr, il y a réalité brute, factuelle, derrière laquelle chacun est tenté de s'abriter pour couper court à toute entreprise de compréhension du phénomène. Violence des forces de l'ordre, d'abord,   qui interpelle nécessairement tout démocrate convaincu par sa récurrence et son intensité. Violences, aussi, commises à l'encontre des agents de police et de gendarmerie par certains manifestants, de conviction ou d'occasion.

Mais prétendre inférer de cette réalité une opposition entre une police subitement érigée en incarnation ultime d'une république assaillie et la figure commode du casseur irresponsable que d'aucun voudraient ériger en terroriste, constitue une grossière erreur d'analyse et une faute politique. Tout comme l'est, dans un autre registre, la dénonciation stéréotypée d'une intervention policière qui serait par nature liberticide.

Car ces représentations sont non seulement factices, mais encore et surtout dangereuses : en nous forçant à prendre partie de façon aussi bêtement caricaturale, elles ne contribuent qu'à perpétuer et radicaliser le conflit qui se noue sous nos yeux.

Or, qu'elle émane des policiers et des gendarmes ou qu'elle les frappe, la violence qui affecte les manifestations n'est que le produit de la violence institutionnelle du gouvernement. Une violence qui tient en premier lieu à la brutalité avec laquelle il voudrait voir adopter son projet de démantèlement du code du travail, affichant avec morgue et mépris une position de refus dogmatique de toute expression de démocratie économique et sociale. 

Une violence qui tient en second lieu à la stratégie de la tension adoptée à l'égard du mouvement social, stratégie qui tient moins du calcul machiavélique que de l'incapacité de nos prétendus gouvernants à refuser quoi que ce soit aux éléments les plus réactionnaires de la hiérarchie policière. Ainsi que l'ont largement documenté manifestants et syndicats, notamment policiers, c'est avant tout les conditions dans lesquelles sont déployées les forces de l'ordre qui, de façon trop récurrente pour être fortuite, poussent à l'affrontement. En paralysant inutilement les cortèges, en laissant les individus désireux d'en découdre s'organiser et en incitant presque explicitement les agents de police et de gendarmerie à ne pas "retenir leurs coups", nos dirigeants provoquent directement les violences dont ils prétendent qu'elles justifient la brutalité de leurs troupes.

C'est pourquoi on ne sortira de cette escalade répressive qu'en pointant la responsabilité spécifique du commandement policier, dont les décisions irresponsables affectent autant les manifestants que les forces de l'ordre. Loin de tout cliché médiatique sur leur supposé divorce, il nous faut au contraire insister sur la solidarité objective qui, dans un tel contexte, devrait unir les manifestants et les policiers qui les encadrent et dont beaucoup ont pour ambition de garder la paix plutôt que de maintenir un ordre factice et inique.

De la même façon que l'essor contemporain de cette répression administrative stérile et ostentatoire dont l'état d'urgence constitue le parangon se fait au détriment de la police judiciaire et de l'investigation, l'approche républicaine du maintien de l'ordre, centrée sur le dialogue et le souci de la paix publique, cède le pas devant une approche belliqueuse et incontrôlée.

C'est cette conception profondément archaïque, qui, reprise à son compte par une classe politicienne et éditocratique proprement confite dans sa fatuité, est à l'origine des violences policières qui ont émaillé les cortèges de nos manifestations des derniers mois. C'est donc à elle que nous devons prioritairement nous attaquer pour en finir enfin avec la spirale de la violence.

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