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Billet de blog 14 juillet 2015

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Leçons hellènes

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 Après les grossières saillies démophobes des derniers jours,  « l'accord »signé entre le gouvernement grec et ses usuriers constitue logiquement une déclaration de guerre à l'idée démocratique. Sans même évoquer la négation du vote du peuple grec et une batterie de mesures si grossièrement taillée pour la rente improductive qu'elles n'abusent plus que les chroniqueurs économiques (et encore), une seule ligne du texte suffit à s'en convaincre : en exigeant que tout projet de loi soit dorénavant soumis au véto des prêteurs avant même tout débat public, il s'agit, ni plus, ni moins, que d'abolir la souveraineté de la Nation hellène.

S'il ne sert à rien de se lamenter sur la capitulation du gouvernement d'Alexis Tsipras, que nous faut-il (très provisoirement) en retenir ?

D'abord, qu'il est grand temps de sortir du prisme redoutable dans lequel nous enferrent tant les zélotes néolibéraux que les europhobes et qui consiste à lier le respect des échéances de la dette au maintien dans la zone euro. Pas une virgule des traités européens ne fait du refus de rembourser une dette illégitime un motif d'exclusion de l'union monétaire. Qu'un défaut crée quelques perturbations dans le système monétaire européen, cela va sans dire mais ceux-ci sont-ils au final plus préjudiciable à l'union que la politique commerciale agressive que le gouvernement allemand impose au reste de l'Europe ? Suspendre le remboursement la dette, comme le préconisait Yannis Varoufakis, aurait constitué un geste démocratique autrement plus fort que de s'agripper au fétiche d'une monnaie unique sans remettre en cause les modalités de l'union monétaire.

Ensuite, il apparaît qu'aucun changement durable n'interviendra sans un renouvellement complet et radical des cadres de l'action politique. La reddition sans conditions du gouvernement grec et les louanges qu'elle recueille dans une très large part de la classe politique européenne montrent, s'il en était besoin, que le système représentatif en sa forme actuelle a vécu. Redonner un sens démocratique au vote suppose alors non seulement de renforcer le contrôle des citoyens sur l'activité de leurs mandataires mais, encore et surtout, le niveau d'engagement politique des mandants. Pour le dire autrement, rien ne se fera tant que les citoyens ne se seront pas donnés les moyens de ne plus laisser carte blanche à ceux qui se disent leur représentants.

Enfin, et c'est lié, il est désormais évident que la confrontation avec l'oligarchie suppose au préalable une stratégie d'insurrection démocratique globale, qui dévoile l'imposture mais également l'insignifiance de la classe dirigeante. Une stratégie qui doit se déployer sur un triple plan symbolique, pour déconstruire la rhétorique de la fatalité, juridique, pour mettre en avant une légalité supérieure à celle qu'on nous oppose et technique, pour contrer le pouvoir de nuisance économique et financier du parti de la rente. Or si le gouvernement grec a su imposer son propre récit de la tragédie en cours, il n'a pu opposer à l'intimidation de quelques (mauvais) exégètes des traités européens le droit fondamental des peuple à disposer d'eux même. Il lui manquait également une stratégie d'autonomie économique sinon aboutie, du moins suffisamment partagée.

Jamais l'inexorable fatuité de la classe dirigeante n'a été aussi manifeste. Mais tant que nous n'aurons pas complètement fait le deuil de la représentativité des professionnels de l'élection et autres conteurs de sottises, tant que nous ne serons pas vraiment passé d'une logique de délégation à une logique d'action démocratique et donc de véritable coopération (les leviers sont nombreux, nous y reviendrons), elle pourra continuer de gouverner par la peur et la division. Jusqu'à ce que cette singulière Europe de Weimar n'enfante monstre plus terrifiant encore.

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