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Billet de blog 15 janvier 2015

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Dieudonné, grand blasphémateur ?

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On a beau crier au loup, échafauder les jésuitiques les plus sophistiquées pour établir une division quasi ontologique entre ses propos et les écrits de Charlie Hebdo, la poursuite de Dieudonné pour apologie du terrorisme ne laisse pas d’instiller un certain malaise.

Comment en effet défendre – avec raison – une conception absolutiste de la liberté d’expression dans la démarche du journal satirique tout en refusant de l’appliquer aux provocations à prétention humoristique du second ? La question, du reste, excède largement la situation du sinistre comique croupion qui bénéficie là d’une nouvelle publicité gratuite pour la poursuite de ses différentes activités.

Ces derniers jours, plusieurs personnes ont été condamnées du chef d’apologie du terrorisme à des peines de prison particulièrement lourdes – dix mois à Toulouse, un an à Nice – et pour certains écroués, sanctions pour le moins disproportionnées de pitoyables propos de soutien aux crimes terroristes de la semaine dernière.

La question n’est évidemment pas de savoir si de tels propos doivent être combattus mais de déterminer la meilleure façon de le faire. Or non seulement la voie répressive ne s’avère à cet égard d’aucune efficacité, mais elle se révèle en outre largement contreproductive.

En son principe même, la pénalisation d’une expression publique qui ne porte en elle-même aucune expression xénophobe, injurieuse ou diffamatoire ciblée s’assimile, qu’on le veuille ou non, à un délit d’opinion qui ressemble furieusement au blasphème tel qu’il était puni sous l’ancien régime. En admettant qu’il est certaines opinions taboues, on définit de la façon la plus autoritaire qui soit un espace du socialement et politiquement pensable qui, paradoxalement, ne peut que renforcer leurs auteurs et leurs sympathisants - qui s'imaginent souvent martyr de la pensée - dans la conviction de la justesse de leur conviction. De Voltaire à Noam Chomsky, tous les grands défenseurs de la liberté d’expression n’ont eu de cesse de démontrer que la meilleure façon de combattre la bêtise et l’obscurantisme était de les laisser s’exprimer pour mieux leur porter la contradiction.

La forme particulièrement disproportionnée que prend aujourd’hui cette pénalisation de l’opinion ne peut que nourrir la montée des tensions voulue par les assassins de Charlie. S’ils ne l’étaient pas à  l’entrée, nul doute que tous ces apologues du terrorisme ressortiront de prison dangereusement radicalisés…

Combattre la censure de la violence par la censure d’une répression démesurée ne favorise ni la liberté d’expression, ni le dialogue des cultures. Une telle réponse n’est que la déclinaison de l'idéologie meurtrière de « la guerre contre le terrorisme » avec laquelle, s’il est une leçon à tirer des événements, il est urgent de rompre.

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