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Billet de blog 16 novembre 2015

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Prendre le terrorisme au sérieux

Veut-on vraiment que ce soit la dernière ? Alors que notre pays a connu la plus grave attaque dirigée contre une population civile depuis cinquante ans, peut-être serait-il temps de prendre enfin la question terroriste au sérieux. En commençant, en tout premier lieu, par refuser de céder à une nouvelle envolée martiale dont toute personne sensée sait qu’elle ne peut avoir pour effet que de renforcer le phénomène que l’on prétend combattre.

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Veut-on vraiment que ce soit la dernière ? Alors que notre pays a connu la plus grave attaque dirigée contre une population civile depuis cinquante ans, peut-être serait-il temps de prendre enfin la question terroriste au sérieux. En commençant, en tout premier lieu, par refuser de céder à une nouvelle envolée martiale dont toute personne sensée sait qu’elle ne peut avoir pour effet que de renforcer le phénomène que l’on prétend combattre.

Alors que l’arsenal répressif supposé l’endiguer n’a cessé de s’aggraver depuis trente ans, que, depuis l’été dernier, les services de renseignement sont officiellement dotés des moyens de surveillance les plus larges qu’on puisse imaginer, faudra-t-il vraiment rejouer indéfiniment cette tragédie pour que l’on comprenne que la surenchère répressive ne fait qu’attiser la violence criminelle des groupes dit terroristes ?

La répression arbitraire et démesurée que le gouvernement s’emploie déjà à mettre en œuvre n’est pas seulement de nature à renforcer la capacité de recrutement des organisations criminelles. En étendant indéfiniment le spectre de la menace terroriste, elle conduit à une dispersion des forces qui, inéluctablement, affecte l’efficacité de la réponse des pouvoirs publics. Faudra-t-il vraiment en passer par d’autres massacres pour comprendre qu’à force de mettre sur le même plan les projets criminels les plus préoccupants et la moindre manifestation d’une « radicalisation » aux contours bien flous, on se prive de réagir en temps utiles aux premiers ?

Faudra-t-il vraiment d’autres bains de sang pour comprendre qu’on alimente indéfiniment le flot des candidats au meurtre et au suicide en entretenant, par une rhétorique anti-terroriste grossièrement belliqueuse, l’amalgame entre ces groupes criminels et la cause dont ils se prétendent les hérauts ? Ou plus encore, en collaborant sans complexe avec des régimes dont l’usage du terrorisme ne sert qu’à justifier la répression féroce de leurs opposants,  ?

Se déclarer en guerre contre des groupes criminels, c’est donner à leurs actes l'impact profond et durable qu'ils souhaitent. C’est établir avec eux un rapport d’équivalence et, du même coup, légitimer leur action et démultiplier leur pouvoir de séduction d’une jeunesse en déshérence. Si l’on veut y mettre un terme, peut-être faudrait-il commencer par ne plus présenter Daech comme une « armée terroriste » prétendant représenter une civilisation mais comme une misérable organisation criminelle mue par la soif de pouvoir et mise au ban de toutes les doctrines musulmanes. Se déclarer en guerre contre des groupes criminels c’est, enfin, s’abaisser à leur niveau en s’estimant, à leur image, fondé à agir hors la loi. La nouvelle embardée sécuritaire annoncée s’avère d’autant plus irresponsable qu’elle ne peut qu’aboutir à cette suspension toujours plus longue et profonde de l’Etat de droit que ces groupuscules meurtriers nous pressent d’adopter.

Tous ceux qui se déclarent en guerre contre les terroristes se trouvent donc, qu’ils le veuillent ou non, leurs complices objectifs. Peut-être serait-il temps de chercher plutôt à mettre véritablement un terme à leurs agissements. En appliquant à un phénomène qu’il ne faut regarder que comme criminel une réponse exclusivement judiciaire, interdisant cette récupération politicienne qui ne fait que l’aggraver. Et en mettant un terme à la surveillance généralisée de la population pour mieux concentrer l’action des services de police sur la prévention de la criminalité organisée. Seuls le droit, la justice et une politique pénale républicaine digne de ce nom pourront venir à bout de la violence terroriste.

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