Aujourd’hui, le monde est mort. Où peut-être hier, je ne sais pas.
Cela fait plus de deux mois que les urgentistes me cassent les pieds avec leur grève à la noix. Ils disent que je suis sourde à leurs revendications déplacées. C’est bien vrai, c’est le cadet de mes soucis ! Ils savent pourtant que l’état est déterminé à diminuer les dépenses publiques, non ?
De quoi se plaignent-ils d’ailleurs ? Je leur ai donné quelques miettes : 750 millions d’euros, quand mème ! Répartis sur trois ans… Ça aurait dû les calmer… Ahahaha !
Eh bien non ! Voilà que des urgentistes se sont mis en sous-vêtements devant mon ministère en clamant "On nous fout à poil", d'autres se sont allongés sur la chaussée pour un "die in". Non mais, ils se croient où ces gens-là ?
Sur une pancarte, j’ai même lu "Agnès réveille-toi ou remplace-moi", non mais… C’est dingue ! A chacun sa place ! !
Et puis, comme si cela ne suffisait pas, voilà le virus chinois qui menace d’arriver chez nous ! On m’a demandé de faire quelques déclarations pour rassurer la population.
Aujourd’hui, c’est vrai, je ne me souviens pas avoir prononcé ces paroles. A la sortie du conseil des ministres du mois de janvier il paraît que j’aurais déclaré : « Les risques de propagation du virus dans la population sont très faibles. ». C’est impossible !
Deux jours plus tard, sur RTL, j’aurais dit qu’il est inutile de porter un masque quand on n’est pas malade. Quel non-sens !
Dernièrement j’ai réentendu ça : « Quand vous croisez quelqu’un dans la rue, le risque d’attraper le virus est faible. Des dizaines de millions de masques sont en stock, en cas d’urgence, tout cela est parfaitement géré par les autorités. Et si un jour il fallait porter un masque, nous distribuerions le masque, il n’y a absolument aucune raison d’aller en acheter ». Pourquoi les gens ne m’ont-ils pas cru ? Ils ont dévalisé les pharmacies, ces idiots !
Pourtant c’est bien moi qui ai déclaré après ma démission :
« Lorsque j’ai appris l’émergence du coronavirus en Chine, j’ai eu l’intuition qu’une épidémie pouvait se profiler et ne pas se cantonner à la Chine. C’est vrai, j’ai exprimé mon inquiétude depuis le premier jour parce que c’était mon rôle ». Curieusement, personne ne s’en souvient !
J’ai même averti le premier ministre que les élections pourraient ne pas se tenir en cas de pic épidémique. Alors ? Je crois que j’ai fait ce qu’il fallait, non ?
Tout bien réfléchi, j’ai préféré retirer ma candidature à la mairie de Paris, je ne le sentais pas et puis je ne suis pas faite pour la politique. Je suis prête à retourner à l’hôpital s’il y a besoin : "Quand on est médecin, on le reste toute sa vie" !