On lit beaucoup de chiffres, parfois faux, ou simplement anciens, sur la toxicomanie en Russie. 5 millions, 9 millions, ... Cette étude plus documentée de Sophie Hohmann, qui date de 2013, évoque une fourchette de 2 à 6 millions. Je voudrais la compléter et la préciser par quelques statistiques figurant dans le rapport 2019 du Comité d’État anti-drogue sur la situation de la toxicomanie en Fédération de Russie. Il n’est pas sur qu’ils soient exhaustifs, ni le pays ni le sujet ne se prêtent de toute façon à la certitude statistique. Ils permettent en revanche d’avoir une idée des ordres de grandeur, et de prendre la mesure d’évolutions très probablement à la baisse. Je consacre ce billet au nombre des toxicomanes et à leur prise en charge par le système sanitaire russe, j’espère pouvoir ensuite évoquer d’autres statistiques (nombre des décès par overdose, sanctions pénales, ….).
Commençons par le nombre de toxicomanes, qui fait le titre de ce billet : il est maintenant estimé à 1,9 millions de consommateurs réguliers ou occasionnel de drogues, soit 1,3 % de la population. Ce chiffre est selon le rapport tiré d’enquêtes par sondage faites par les comités anti-drogue régionaux (166 000 personnes de 14 à 60 ans ont été interrogées en 2019 dans ce cadre). Il est stable par rapport à l’année précédente.
401 233 toxicomanes étaient suivis en 2019 par un établissement de santé russe relevant de l’État ou des collectivités publiques pour des troubles mentaux et comportementaux liés à la consommation de drogues. Ce chiffre est en baisse continue, toujours selon le rapport, mais il ne prend pas en compte l’offre privée. Parmi ces patients, 236 214 avaient un syndrome de dépendance, 165 019 un diagnostic d’usage portant atteinte à leur santé.
176 988 (43 %) étaient des consommateurs de drogues injectables, ce qui confirme la part de l’héroïne et des opiacés dans la consommation de stupéfiants en Russie. Notons cependant, c’est un élément de comparaison possible, que ce chiffre est très proche des 180 000 personnes bénéficiant de prescriptions de traitement de substitution aux opiacés en France (le recours à la méthadone et aux traitements de substitution n’est pas autorisé en Russie).
Ces patients sont suivis par 85 établissements spécialisés. Des services de narcologie sont également constitués dans 1 844 établissements de santé multidisciplinaires. 158 de ces services assurent des consultations pour les enfants et les adolescents. En outre, 134 centres de réadaptation, pour 3 198 lits, sont rattachés au ministère de l’intérieur. Le fonctionnement de ces centres est contesté.
Rapport 2019 du Comité d’État anti-drogue sur la situation de la toxicomanie en Fédération de Russie (pages 9 et 10) - Spid.tsentr (1er septembre 2020)