Un billet paresseux aujourd’hui, mais rassuré, sur le thème « blogueur, tu n’es pas seul ». Je cherche dans ces billets à donner une autre image de la Russie que celle que nous projetons sur ce pays, et qui en montre aussi la diversité et la capacité à se transformer. J’écris pour des Français, je voudrais qu’ils sachent qu’il y a parmi les Russes, que l’on caractérise ou caricature par leur passivité, des hommes et des femmes, des groupement et des institutions qui prennent des initiatives, individuelles ou collectives.
Je partage donc avec contentement dans ce billet deux articles parus dans les médias français qui le font aussi, et invite mes lecteurs à y jeter un œil.
D’abord, ce podcast de Claude Bruillot publié cet été par France Info. Il présente Aleksandra Mitrochina, une jeune journaliste, qui, avec 2 millions de followers, s’engage contre les violences domestiques. Je ne développe pas, je n’en sais pas plus que ce qui est écrit, mais y reconnait un exemple de cet espace d’expression « progressiste » qu’est et que devrait encore être l’internet russe.
Ensuite, cet article du correspondant du Monde à Moscou, Benoit Vitkine. Il est lui aussi un peu ancien, début septembre, mais j'ai l'esprit lent. Il est réservé aux abonnés, je le résume donc ici: l'auteur y aborde la polémique qu’ont suscitée deux entreprises « progressistes », VkusVill et YobiDoyobi, dont les publicités sortaient des canons russes : une famille avec un couple de femmes pour promouvoir les recettes traditionnelles, un homme noir entouré de trois femmes blanches pour vendre des sushis. Dans chacun de ces deux cas, une campagne en ligne, homophobe ou raciste, a provoqué le retrait des publicités. Dans un troisième cas, celui de la chaine de sushis Tanuki, l’entreprise a tenu bon.
J’apprécie que Benoit Viktine parle d’entreprises « progressistes » — le concept est pertinent, et ce sont peut-être d'abord leurs salariés et leurs clients qui le sont — , et qu’il présente — si je comprends bien — ces deux affaires non comme des échecs, mais comme l’engagement ou la poursuite d'un combat contre les stéréotypes et les discriminations, ce qui me semble être le cas, comme il me semble être porté par des acteurs de la société civile.
Au passage, mentionnons que l’internet russe semble être de plus en plus investi par des campagnes dont le principe est la haine ou la bêtise. Ce n’est pas très différent de ce qui se passe chez nous ou dans d’autres pays, mais la régulation qui est faite par les autorités est partiale, et laisse un champ libre aux ultra-conservateurs, alors qu’elles traquent les opposants, les rappeurs, etc, au nom de la protection des valeurs traditionnelles, du respect dû aux autorités ou d’une pseudo-lutte contre la pornographie.
Signalons cependant — il est toujours heureux de pouvoir faire une nuance — que l’organisation L’État masculin [Мужское государство], promouvant le patriarcat, nationaliste, et ouvertement raciste, antiféministe et homophobe, a été déclarée extrémiste et interdite sur le territoire de la Russie le 18 octobre par un tribunal de l’oblast de Nijni-Novgorod. L’État masculin, avec ses 150 000 abonnés, était à l’origine de la campagne menée contre YobiDoyobi.
France Info (23 juillet 2021) - Le Monde (8 septembre 2021) - Mediazona (18 octobre 2021)