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Billet de blog 7 avril 2020

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Violences conjugales en Russie : l'opinion publique veut une loi

Une enquête de Levada montre que 79 % des Russes, et 90 % des femmes russes, pensent qu'une loi est nécessaire pour protéger les femmes des violences commises contre elles par leur conjoint ou leur partenaire.

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Le Centre Levada, du nom du sociologue Iouri Levada (1930-2006) est un organisme d’étude russe, à but non lucratif et à caractère non gouvernemental qui procède régulièrement à des études sociologiques auprès de la population russe. L’équipe de recherche du centre a été la première à mener des sondages d’opinion réguliers à travers le pays, à partir de 1988. Il a été inscrit sur la liste des « agents de l’étranger » par le ministère fédéral de la justice russe. 

Levada a publié le 7 avril les résultats d’une enquête portant sur la perception des violences conjugales en Russie et l’opportunité d’une loi sur le sujet. L’enquête a été réalisée du 20 au 26 février, avant que la question du Covid-19 ne prenne la première place dans l’actualité. Comme en France, le risque que le confinement de la population ne provoque un accroissement des violences domestiques est maintenant commenté dans la presse, j’y reviendrai dans un autre billet. Avant, donc, les résultats de cette enquête, qui confirment le bascul de l’opinion en faveur d’une loi.

La première question portait sur la connaissance de cas de violences exercées sur des femmes par leur conjoint ou leur partenaire, dans l’entourage immédiat de la personne interrogée : proches, connaissances, ou personnes de son environnement. 28 % des personnes interrogées ont répondu avoir eu connaissance de tels cas.

Le principal écart qui apparaît dans les réponses est celui entre celles des hommes et celles des femmes. Il revient ensuite pour l’ensemble des questions. Les femmes ont presque deux fois plus souvent connaissance de cas de violences que les hommes (36 % contre 19 %). On peut y trouver des raisons objectives, comme une circulation de l’information plus facile entre femmes, et subjectives, comme un réflexe de déni d’une partie des hommes.

Les auteurs de l’enquête soulignent aussi que la part des réponses positives varie peu en fonction des caractéristiques socio-démographiques − à part le sexe −, ce qu’ils interprètent comme le signe de l’existence de telles violences dans l’ensemble de la société russe, quels que soient l'âge, le revenu, l'éducation ou le lieu de résidence. Le niveau étonnamment bas (1 %) de ceux qui trouvent difficile de répondre à la question montre aussi que la question posée n'a rien d'abstrait pour les Russes.

Les réponses positives montent cependant à 41 % pour les femmes au foyer, ne travaillant pas, signe soit d’une plus grande vulnérabilité, soit d’une plus grande possibilité de communiquer avec d’autres femmes victimes de violences, ou avec leur entourage.

Illustration 1
© Daniel Mathieu / Données Levada

Confirmant d’autres enquêtes récentes, celle de Levada fait apparaître que près des deux tiers des Russes (61%) considèrent la violence conjugale comme un problème social grave, 31 % sont d'avis que l'importance de ce problème est exagéré. Pour cette question aussi les réponses des hommes et des femmes divergent : une large majorité des femmes (74 %) voit dans la violence conjugale un grave problème, c’est, à 2 % près, une minorité chez les hommes (45 % contre 47 % d’un avis opposé).

Une très grande majorité des personnes interrogées (79%) pensent qu'une loi est nécessaire dans notre pays pour pour protéger les femmes des violences de leur conjoint ou de leur partenaire. Cette proportion monte à 90 % pour les femmes, mais reste élevée (65 %) pour les hommes. L’opinion publique russe est donc bien en faveur du loi, et on peut espérer que cela va lever les obstacles à l’adoption de celle qui est indéfiniment en cours d’examen par le Parlement.

Illustration 2
© Daniel Mathieu / Données Levada

Les arguments la petite minorité hostile à la loi (16 % des répondants) sont assez dispersés. La question était ouverte, et Levada a regroupé en 6 blocs les réponses qui ont été faites. Ceux qui nient la réalité du problème des violences conjugales rejettent également parfois une problématique « importée de l’occident ». Le refus d’une intervention de l’État dans la sphère familiale est invoqué par 14 % de ceux qui sont hostiles à la loi, c’est-à-dire 2,24 % des personnes interrogées. 11 %, c’est peut-être une spécificité russe, mais elle est finalement peu invoquée (1,76 % des personnes interrogées) pensent d’une manière ou d’une autre que c’est de la faute à la femme.

Illustration 3
© Daniel Mathieu / Données Levada

 Levada (7 avril 2020)

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