Ce billet que j’ai écrit sur les démêlés de la Maison à la lanterne, et de Lidia Moniava, avec les services de contrôle de la ville de Moscou, après avoir été accusés de pas avoir respecté les procédures applicables lors de l’administration d’analgésiques ou d’antalgiques à un enfant handicapé, m’a donné l’idée de parler dans ce blog de la question de la prise en charge de la douleur.
C’est une question complexe, que, comme beaucoup d’entre nous, je connais mal. Elle fait partie des sujets pour lesquels peu d’éléments sont à la disposition du grand public et même de ceux qui cherchent à s’informer plus avant. Quelques thématiques sont abordées par les médias, les plans anti-douleurs, le cannabis thérapeutique, la crise des opioïdes aux États-Unis, elles restent très partielles. Pourtant, chacun croit savoir ce qu’est la douleur, et comprend qu’elle peut être insupportable, et que quand c’est le cas, il faut essayer de la diminuer. Nous pourrions donc en parler facilement.
J’ai aussi l’intuition — et c’est cela qui me conduit à vouloir aborder le sujet dans ce blog — que la prise en charge de la douleur évolue, au fur de la transformation de nos sociétés, et de la représentation que nous avons de la place de chacun d’entre nous en leur sein. Et qu'elle est un marqueur de modernité et de l'avancement de la « démocratie sanitaire ». C’est un peu vite dit, et terriblement imprécis, ce pourrait cependant être le cas en Russie comme en France, avec bien sûr des problématiques différentes. Et c’est ces différences que j’ai envie de comprendre, dont j’ai envie de parler, pour que nous en apprenions quelque chose. Vaste programme.
Je me lance et commence par une information factuelle, et un saut dans la République des Komis. C’est une des composantes de la fédération de Russie. Elle est tout au bout de l’Europe, là-bas, au loin, au nord-est, et y abrite ses plus vastes forêts restées à l'état sauvage. Et des gisements de charbon, de pétrole, de gaz naturel, d'or et de diamant. Et il y fait froid l’hiver. La Russie, quoi. Sa superficie est un peu inférieure à celle de la France, elle a juste un peu plus de 800 000 habitants, un quart d’entre eux sont des Komis, un peuple finno-ougrien.
C’est là qu’a été ouvert en novembre 2020, par le ministère de la santé de la République, à Oukhta, la capitale, son premier service mobile de soins palliatifs pour enfants. Il est implanté dans l’hôpital pédiatrique de la ville. Son équipe est pluridisciplinaire, elle comprend un pédiatre, un assistant médical, un anesthésiste-réanimatologue, un neurologue, ainsi qu’un psychologue et un travailleur social. Elle intervient à domicile, non seulement des soins médicaux, mais également pour aider les familles à prendre soin d'un enfant, apporter un soutien psychologique et juridique et faire le lien avec d’autre services, notamment les services sociaux. Elle est dotée d’un budget de 5 millions de roubles (55 000 euros). De novembre à janvier, elle a pris en charge 24 enfants et effectué 44 interventions à domicile.
L’équipe a été formée à Moscou, et son modèle d’organisation est celui, si je comprends bien, celui qui a été mis en place autour du projet de la Maison à la lanterne, à partir de 2016. J’y reviendrais, l’approche, à la fois moderniste et ancrée dans une logique de proximité et de service rendu le justifie. Elle semble faire tache d’huile sur le territoire russe, c'est aussi un vaste programme.