Les services du Parquet de la Fédération de Russie ont transmis au gouvernement une proposition de modification de la liste des situations qui font obstacle au recrutement en leur sein. Seraient exclus les personnes atteintes d’une hépatite virale chronique ou séropositives au VIH, de la maladie de Parkinson, de sclérose en plaques, de troubles de la personnalité, de troubles auditifs graves, de maladies chroniques des muscles, des os et des articulations, ou auxquelles il manque un membre. La liste actuellement en vigueur comprend les troubles mentaux, la schizophrénie, le retard mental, les troubles du comportement, l'épilepsie et les formes actives de tuberculose.
L'existence de ce texte a été confirmée par le ministère fédéral de la santé. Les associations de défense des droits des patients ont réagi contre. Le chef du centre fédéral de prévention et de suivi de l’infection par le VIH, Vadim Pokrovski, a surenchéri, en soulignant l’absence de base légale pour de telles dispositions, et la capacité, pour des personnes vivant avec le VIH, d’exercer des fonctions au sein des parquets. Il a considéré que les auteurs du texte étaient « mal informés ».
Fin 2018, il y avait 1 008 000 personnes vivant avec le VIH et connaissant leur statut. Parmi celles-ci, 752 000 étaient enregistrées et suivies par des établissements médicaux, et 443 000 reçoivent une thérapie antivirale. Les associations russes sont engagées dans un difficile combat contre la stigmatisation des personnes vivant avec le VIH, où elles expliquent la réalité des modes de transmissions et l’efficacité des traitements antirétroviraux. Le ministère de la santé, confronté à des groupes qui nient l’existence du sida, a présenté en avril dernier un projet de loi sanctionnant la diffusion de fausses informations sur l’infection par le VIH. Les autorités, au niveau gouvernemental, se sont engagées devant ONUSIDA à lever les discriminations juridiques à l’encontre des personnes séropositives, mais n’arrivent pas à faire avancer les textes législatifs qui le permettraient devant une Douma conservatrice, et la seule avancée récente est celle de l’ouverture d’un droit à l’adoption très encadré, après une décision de la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie de juin 2018 déclarant inconstitutionnelle l’interdiction d’adoption figurant dans le code de la famille pour les personnes infectées par le VIH, le virus de l’hépatite C ou atteintes d’autres maladies graves.
Le problème n’est pas simplement celui de la bêtise ou de l’ignorance, y compris au sein des élites. La question du VIH et celle des discriminations ont été érigés en marqueur politique par les tenants russes de la tradition, et une partie des décideurs, par hostilité à des valeurs occidentales qui sont celles de la charte sociale européennes, ou par mépris pour les marginaux, les handicapés ou les faibles, joue le jeu de la stigmatisation. Jeu dangereux, jeu criminel, en Russie comme dans les autres pays, tout particulièrement quand il s'agit de santé publique.
RBK, Takie Dela et en français : Sida en Russie