La fondation Rylkov (Фонд имени Андрея Рылькова (ФАР), Andrey Rylkov Foundation for Health and Social Justice) a été créée en juin 2009 à Moscou, et enregistrée officiellement le 27 août. Elle s’est donnée pour but de promouvoir et de développer des politiques en matière de drogues qui soient humaines, tolérantes, et protectrices de la santé, des droits humains et de la dignité humaine. Elle a une activité de plaidoyer, de veille, d’accompagnement des toxicomanes et oeuvre à leur autonomisation. Elle est inscrite par le ministère de la justice russe sur la liste des agents de l’étranger.
C’est une des rares associations russes à défendre ouvertement l’introduction des traitements de substitutions aux opiacés, à laquelle les autorités se refusent toujours obstinément. Elle promeut également et a mis en oeuvre, comme d’autres associations, et comme cela se fait maintenant dans plusieurs régions russes, des programmes d’échanges de seringues. Leur pertinence est d’autant plus évidente que la transmission par la voie parentérale a été à l’origine de l’épidémie de VIH en Russie, qui touche maintenant 1,5 millions de personnes, et de l’hépatite C.
La fondation Rylkov lutte aussi, dans la mesure de ses moyens, pour le respect des droits des personnes toxicomanes et contre leur stigmatisation.
Le 14 avril, elle a annoncé avoir suspendu ses activités hors les murs et fermé ses locaux, compte tenu du confinement, et dans l’impossibilité de garantir la sécurité de ses intervenants et de ses usagers face à la diffusion du Covid-19. Elle disposait notamment d’un minibus qui permettait aux toxicomanes et à d’autres personnes vulnérables d’obtenir des seringues stériles, des préservatifs, de la naloxone, de faire un test pour le VIH et l’hépatite C, et d’être conseillées.
Rylkov continue de répondre aux demandes faites par téléphone et par SMS.
Le 17 avril, la fondation Rylkov a également annoncé la fermeture de son site internet russe — celui en langue anglaise reste accessible, allez-y : en.rylkov-fond.org. Cette seconde décision fait suite à la diffusion d’un reportage sur la chaîne de télévision Russia 24, qui accusait Rylkov de « semer le mal », de « recevoir de l’argent de Soros » et d’inciter à l’usage de drogues. Selon sa présidente, Anna Sarang, le site rouvrira, mais elle craint des investigations et des poursuites des services de l’État.
C’est bien le cas : le 17 avril également, le président du comite pour la sécurité et la lutte contre la corruption de la Douma d’État, Vassili Piskarev a indiqué que selon l’enquête de la commission, la fondation avait reçu des financements venant des États-Unis et de la Lituanie en vue de persuader les russes d’utiliser des substances illégales. Il considère que les recommandations données sur le site de la fondation visent à permettre aux utilisateurs de drogues d’éviter des poursuites pour trafic, et s’étrangle que l’information de l’innocuité de la méthadone pour la femme enceinte y ait été donnée. Elle est pourtant exacte, sous réserve de nouveaux éléments qu’apporterait la médecine probante.
Les conclusions de la commission ont été transmises au parquet, qui, selon Vassili Piskarev, a ouvert une procédure.
Il est bien sûr nécessaire qu’une société se donne des règles, et qu’elle réprime les infractions à ces régles. Mais là, ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Ces gens-là aiment réprimer. Ces gens-là méprisent ceux qui sont vulnérables. Ces gens-là sont incapables de compassion, sauf pour leurs semblables. Il y en a dans tous les pays, en Russie ils ont derrière eux deux siècles d’absolutisme et de totalitarisme. Ce sont des ordures. Et quand ils osent mêler à cela leur vision de la femme et leurs fantasmes sur la grossesse, ils montrent qu’ils sont malades, et qu’il faudrait les soigner, les sevrer de leur méchanceté. Avec bienveillance. Ils s’y refusent.
Takie dela (14 avril 2020) - Meduza (17 avril 2020) - Tass (17 avril 2020)