Un billet paresseux aujourd’hui, mais le propos que je relaie est clair, très probablement exact, et n’a pas besoin de glose ou de traduction pour être compris. Je renvoie donc à Ouest France, et à l’interview de Pascal Boniface, où figure ceci :
« Mais la victoire la plus spectaculaire est celle de la Russie. Elle remporte la bataille géopolitique jusqu’ici. Il y a eu beaucoup de commentaires moqueurs lorsque Poutine a présenté son vaccin. Son nom, Spoutnik, a donné l’impression d’un retour à l’Union soviétique et d’une grandiloquence stratégique aux yeux du monde. Mais ce vaccin fonctionne ».
« Aujourd’hui, il y a un pays où il n’y a plus de confinement et où ils exportent le vaccin : c’est la Russie. On peut aller au restaurant, en discothèque, dans les bars, les gens ne sont pas confinés. Et ce vaccin, Spoutnik V, va être exporté bien au-delà de la zone traditionnelle ex-soviétique et rapporter 25 milliards de dollars à la Russie cette année ».
C'est vrai, et mieux dit que je n'aurais osé le faire. On peut ajouter que le nombre des nouvelles contaminations recule fortement, il ne s’agit pas d’un plateau, mais bien d’une baisse continue, comme dans d’autres pays. J’y reviendrai dans un autre billet.
Mais on doit aussi relever que la Russie, malgré ce succès, est maintenant en retard dans la vaccination contre le SARS-CoV2, alors qu’elle l’a commencée début décembre. Deux éléments d’explication : la disponibilité du vaccin, et aussi le fait que la demande des russes pour se faire vacciner est moins affirmée que dans d’autres pays. Ce n’est pas seulement du scepticisme vaccinal, c’est plutôt un doute sur l’efficacité de Spoutnik V — qui fonctionne —, mais à tout le temps mentir, il devient difficile d’être cru, surtout quand le récit est miraculeux.
Et il faut encore rappeler le nombre de décès liés à l’épidémie. Il est élevé, supérieur à 300 000, pour un pays de 144 millions d’habitants. Il a fortement augmenté ces trois derniers mois, notamment en décembre, où le surcroit de décès par rapport à la moyenne des années précédentes aurait été de 96 000.
Mettons de côté les débats sur la véracité des statistiques officielles, et indiquons que ces chiffres montrent que le système de santé russe ne sait plus faire face. C’est sans doute tout simplement pour ne pas y avoir mis les moyens nécessaires — la dépense de santé publique représente en Russie 4 % du PIB, un niveau notoirement inférieur à celui des pays de l’OCDE —.
Victoire géopolitique à l’extérieur, oui, chèrement payée à l’intérieur, aussi.
Ouest France (12 février 2021)
En P.S. ce graphique [actualisé au 20 mars 2021 ce 22 mars], montrant le retard pris par la Russie dans son « plan de vaccination de masse ».

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