La Russie est le pays dont les citoyens se tourneraient le plus à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) : 15 000 des 60 000 recours en instance devant cette juridiction la concerne. Il s’agit du niveau le plus élevé de ces sept derniers années. La Russie a été condamnée 198 fois au cours de l’année écoulée, notamment pour atteinte à la liberté et l’inviolabilité de la personne (90 fois), pour violation du droit à un procès équitable (61 fois) et pour violation de l’interdiction des traitements inhumains et dégradants. Une partie fait suite à des plaintes concernant les conditions de détention.
Selon Tatiana Glouchkova, conseil juridique de l’organisation de défense des droits de l’homme Memorial, ces décisions s’inscrivent dans le cadre de jurisprudences constantes de la CEDH, qui sont connues des autorités russes et qui pourraient être prises en compte par elles et par les tribunaux de la Fédération de Russie. Ils ne le font pas, ce qui pousserait les citoyens russes à considérer la CEDH comme le « seul tribunal équitable ».
Toujours selon Tatiana Glouchkova, la raison de l’absence de mesures visant à résoudre ces problèmes, serait qu’il serait finalement moins couteux pour l’État russe de payer les indemnisations auxquelles il est condamné que de s’attaquer à leurs causes, et de faire évoluer ses systèmes judiciaire et carcéral.
Ne spéculons pas trop sur des intentions. Les prisons russes, parties de très loin, ont d'ailleurs significativement changé ces 20 dernières années, et le nombre de détenus y est passé de 887 000 en 2008 à 523 900 en janvier 2020. C'est beaucoup, entre trois et quatre fois plus que la France, en proportion de la population. Une baisse est cependant une baisse, et vaut mieux dans ce domaine qu'une hausse.
Mais les faits — des traitements inhumains et dégradants, encore ou toujours —, sont là, et aussi les décisions de la juridiction européenne, qui s’imposent à la Russie — comme à la France —. On comprend l’importance pour les citoyens russes de l'adhésion de leur pays au Conseil de l’Europe, qui a failli être remise en cause : la Convention européenne des droits de l’homme s’applique en Fédération de Russie depuis le 5 mai 1998, et c’est elle qui donne compétence à la CEDH.