à Louise Michel,
Alors que nous apprêtons à célébrer les 150 ans de la commune de Paris il m’a paru opportun d’évoquer la mémoire de Louise Michel surnommée par Verlaine « la vierge rouge »
Louise Michel est née en 1830 en Haute Marne. Elle commence comme institutrice en 1852. Elle montre un engouement particulier pour l’enseignement et pour une pédagogie émancipatrice. Elle est aussi sensible aux idées défendues par Auguste Blanqui et refuse de prêter serment à Napoléon III. Elle créée donc une école libre en Haute Marne. Elle s’installe en 1856 à Paris. Dans le même temps elle publie des poèmes sous le pseudo « Enjolras » et entretient une correspondance suivie avec Victor Hugo jusqu’en 1879.
Peu à peu elle s’introduit dans les milieux révolutionnaires, ce qui lui permet de rencontrer Jules Vallès, Eugène Varlin et collabore aussi à des journaux comme le « Cri du peuple ».
Au moment de la guerre franco-prusienne (19/07/1870-28/01/1871) elle manifeste contre l’arrestation des blanquistes. Elle rencontre et tombe passionnément amoureuse de Théophile Ferré. Elle s’implique très activement dans la Commune de Paris, particulièrement dans le 18ème arrondissement et prend part aux combats contre les troupes du général Vinoy.
Lors de la semaine sanglante du 21 au 28 mai 1871 où les troupes du gouvernement dirigé par Adolphe Thiers écrasent dans le sang cette révolte populaire, elle est emprisonnée au camp de Satory près de Versailles et assiste aux exécutions de ses frères de combat. Elle est traduite devant un tribunal militaire, revendique les crimes dont on l’accuse et réclame la mort « si vous n’êtes pas des lâches tuez-moi ! » dit-elle à ses juges.
Victor Hugo lui dédie un poème « Viro Major ». (voir à la fin)
A la suite du procès, elle est condamnée à la déportation et envoyée en Nouvelle Calédonie le 9 août 1873 où elle fait connaissance avec d’anciens communards. Elle apprend la langue kanak et les soutient contre la répression qui s’abat sur eux. En 1879 elle est autorisée à s’installer à Nouméa et à reprendre son métier d’institutrice.
Fin novembre 1880 elle revient en France, arrive à Dieppe où une foule immense l’accueille. Elle reprend ses activités militantes et se réclame du mouvement anarchiste. Elle donne des dizaines de conférences qui connaissent un vif succès. Militante féministe elle combat avec virulence la prostitution et défend l’égalité homme/femmes. « Si l’égalité entre les deux sexes était reconnue, ce serait une fameuse brèche dans la bêtise humaine » dit-elle avec passion lors d’une conférence. Lors de son initiation maçonnique le 14 septembre 1904 en même temps que sa compagne Charlotte Vauvelle, elle tient une conférence et déclare : « le pouvoir abêtit les hommes ; devons-nous non point le conquérir et nous l’arracher entre hommes et femmes, mais l’éliminer de la société, en faisant de celle-ci une grande famille libre, égalitaire et fraternelle. »
Elle meurt le 9 janvier 1905. Rappelons qu’une station de métro (ligne 3) et des centaines d’écoles, collègues et lycées portent son nom.
Daniel ROME
Victor Hugo lui dédie un poème « Viro Major ».
Ayant vu le massacre immense, le combat
Le peuple sur sa croix, Paris sur son grabat,
La pitié formidable était dans tes paroles.
Tu faisais ce que font les grandes âmes folles
Et, lasse de lutter, de rêver de souffrir,
Tu disais : " j’ai tué ! " car tu voulais mourir.
Tu mentais contre toi, terrible et surhumaine.
Judith la sombre juive, Aria la romaine
Eussent battu des mains pendant que tu parlais.
Tu disais aux greniers : " J’ai brûlé les palais !"
Tu glorifiais ceux qu’on écrase et qu’on foule.
Tu criais : " J’ai tué ! Qu’on me tue ! - Et la foule
Ecoutait cette femme altière s’accuser.
Tu semblais envoyer au sépulcre un baiser ;
Ton oeil fixe pesait sur les juges livides ;
Et tu songeais pareille aux graves Euménides.
La pâle mort était debout derrière toi.
Toute la vaste salle était pleine d’effroi.
Car le peuple saignant hait la guerre civile.
Dehors on entendait la rumeur de la ville.
Cette femme écoutait la vie aux bruits confus
D’en haut, dans l’attitude austère du refus.
Elle n’avait pas l’air de comprendre autre chose
Qu’un pilori dressé pour une apothéose ;
Et, trouvant l’affront noble et le supplice beau
Sinistre, elle hatait le pas vers le tombeau
Les juges murmuraient : " Qu’elle meure ! C’est juste
Elle est infâme - A moins qu’elle ne soit Auguste "
Disait leur conscience. Et les jugent, pensifs
Devant oui, devant non, comme entre deux récifs
Hésitaient, regardant la sévère coupable.
Et ceux qui, comme moi, te savent incapable
De tout ce qui n’est pas héroisme et vertu,
Qui savent que si l’on te disait : " D’ou viens tu ? "
Tu répondrais : " Je viens de la nuit où l’on souffre ;
Oui, je sors du devoir dont vous faites un gouffre !
Ceux qui savent tes vers mystérieux et doux,
Tes jours, tes nuits, tes soins, tes pleurs donnés à tous,
Ton oubli de toi-même à secourir les autres,
Ta parole semblable aux flammes des apôtres ;
Ceux qui savent le toit sans feu, sans air, sans pain
Le lit de sangle avec la table de sapin
Ta bonté, ta fierté de femme populaire.
L’âpre attendrissement qui dors sous ta colère
Ton long regard de haine à tous les inhumains
Et les pieds des enfants réchauffés dans tes mains ;
Ceux-la, femme, devant ta majesté farouche
Méditaient, et malgré l’amer pli de ta bouche
Malgré le maudisseur qui, s’acharnant sur toi
Te jetai tout les cris indignés de la loi
Malgré ta voix fatale et haute qui t’accuse
Voyaient resplendir l’ange à travers la méduse.
Tu fus haute, et semblas étrange en ces débats ;
Car, chétifs comme tous les vivants d’ici-bas,
Rien ne les trouble plus que deux âmes mêlées
Que le divin chaos des choses étoilées
Aperçu tout au fond d’un grand coeur inclément
Et qu’un rayonnement vu dans un flamboiement.