Ainsi nos appels à la clémence, sinon à la compassion, voire au pardon, se seront-ils révélés vains au pays des fondamentalistes chrétiens et autres évangélistes de pacotille : Teresa Lewis, une américaine accusée d’avoir commandité le double meurtre de son mari et de son beau-fils, a été finalement exécutée, ce 23 septembre 2010, par injection létale, malgré sa notoire déficience mentale (un quotient intellectuel évalué à 72 alors que le minimum, pour être décrété « irresponsable de ses actes » est situé à 70 aux Etats-Unis), dans le tristement célèbre pénitencier de Greensville, en Virginie, spécialement aménagé pour ce genre, particulièrement barbare malgré son aspect cyniquement « high tech », de mise à mort. De fait : le décès de Teresa Lewis y a été officiellement et macabrement prononcé, par les médecins légistes sur place, à 21h13’ locales (3h13’, heure de Paris).D’où cet étrange et pour le moins paradoxal constat, à faire tressaillir d’indignation les plus démocrates d’entre nous : il vaut mieux être, telle Sakineh, pourtant accusée elle aussi de complicité dans le meurtre de son mari, une condamnée à mort, par lapidation, en République islamique d’Iran, pays très justement réputé « fasciste », qu’une condamnée à mort, par injection létale, aux Etats-Unis d’Amérique, nation très injustement qualifiée de « progressiste ». Car, dans le premier cas, au moins peut-on espérer échapper, lorsque l’opinion publique internationale se mobilise, que les appels à la clémence se multiplient et que les pétitions abondent, à un aussi cruel sort puisque les autorités politico-religieuses iraniennes ont effectivement suspendu, sinon aboli, la lapidation de Sakineh, suite aux pressions morales que nous avons inlassablement exercées à leur encontre, et que son procès sera même révisé, avec, à la clé, une sentence réexaminée. Tant mieux, bien évidemment : c'est exactement ce que nous demandions dans nos diverses pétitions, publiées dans les plus grands journaux d'Europe, en sa faveur!En revanche, aucun de nos appels de par le monde, ni ceux d’Amnesty International ou de Human Rights Watch, n’ont réussi à ébranler, ni même émouvoir un tant soit peu, le Gouverneur républicain de Virginie, un certain Bob Mc Donnell, ou, mieux, la Cour Suprême des Etats-Unis, les seules autorités politico-judiciaires qui étaient encore juridiquement aptes à gracier la pauvre Teresa Lewis. Tout simplement révoltant ! Pis : nous n’avons guère entendu s’exprimer, sur ce douloureux mais important dossier pour le respect des droits de l’homme et de la femme, le Président des Etats-Unis d’Amérique, Barack Obama en personne, pourtant auréolé, il n’y a pas si longtemps, du très prestigieux prix Nobel de la paix. Un silence assourdissant de lâcheté, sinon, en l’occurrence, de complicité par omission ! Non, et au contraire : pas un mot, non plus, de ce même Obama, à propos de Teresa toujours, à l’Assemblée Générale de l’ONU, par exemple, ces tout derniers jours, alors même qu’il aurait peut-être pu ainsi, du haut de semblable tribune, infléchir, vers plus de pitié, la décision des juges américains, ses propres concitoyens. De même n’avons-nous pas plus entendu s’écrier, sur ce même et tout aussi abominable dossier (car les affaires Sakineh-Teresa recouvrent une saisissante similitude dans les termes juridiques, si ce n’est dans les actes mêmes), les pétitionnaires habituels - Bernard-Henri Lévy et autre Bernard Kouchner en tête - par rapport à ce genre d’ignominie : un crime, de surcroît, particulièrement abject et inhumain que celui qui vient d’être ainsi perpétré, dans l’indifférence quasi générale et l’anonymat le plus complet, à l’encontre d’une malade mentale (ce fut, soit dit en passant, aussi là - supprimer les malades mentaux au prix d’un quelconque alibi moral - l’un des objectifs les plus vils et répugnants, de sinistre mémoire, du programme nazi !). Pas même, face à l'incommensurable drame de Teresa Lewis, le moindre regret, fût-ce a posteriori, dans leur bouche : comme si, au prix d'un incroyable et encore plus hypocrite déni de la réalité, elle n'existait pas ! Le silence, face à pareille iniquité (au sens philosophico-éthique d’ « inéquitable »), est, là, carrément fracassant : aussi criminel, serions-nous tentés de dire, pour des consciences sensées pourtant demeurer vigilantes en toutes circonstances et partout dans le monde au regard des injustices qui y sont quotidiennement commises le plus souvent en toute impunité, comme c’est précisément le cas ici. A moins, comme nous en avons encore ici le terrible soupçon, que l’indignation de certains de nos chers intellectuels en col blanc ne s’avère, en matière de droits humains tout autant que de principes universels, aussi sélective qu’arbitraire, à géométries variables ou en fonction de sensibilités purement subjectives et partisanes, selon le pays où ce genre de crime a lieu. Bref : un injuste et injustifiable « deux poids, deux mesures », celui des affaires Sakineh-Teresa, qui n’aura donc de cesse d’interpeler désormais, de la manière la plus tragique qui soit, notre conscience d’homme libre et se voulant doté, du moins idéalement, d’une certaine honnêteté intellectuelle !DANIEL SALVATORE SCHIFFER* * Philosophe, écrivain, promoteur de la « lettre ouverte aux autorités iraniennes » en défense de Sakineh : pétition ayant recueilli jusqu’à présent, en un mois, 150.000 signatures.
Billet de blog 24 septembre 2010
Sakineh-Teresa: l'injuste et injustifiable indignation sélective
Ainsi nos appels à la clémence, sinon à la compassion, voire au pardon, se seront-ils révélés vains au pays des fondamentalistes chrétiens et autres évangélistes de pacotille : Teresa Lewis, une américaine accusée d’avoir commandité le double meurtre de son mari et de son beau-fils, a été finalement exécutée, ce 23 septembre 2010, par injection létale, malgré sa notoire déficience mentale (un quotient intellectuel évalué à 72 alors que le minimum, pour être décrété « irresponsable de ses actes » est situé à 70 aux Etats-Unis), dans le tristement célèbre pénitencier de Greensville, en Virginie, spécialement aménagé pour ce genre, particulièrement barbare malgré son aspect cyniquement « high tech », de mise à mort.
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