Danielle Simonnet (avatar)

Danielle Simonnet

Députée de Paris

Abonné·e de Mediapart

38 Billets

0 Édition

Billet de blog 26 novembre 2014

Danielle Simonnet (avatar)

Danielle Simonnet

Députée de Paris

Abonné·e de Mediapart

Tour Triangle: quand c’est non, c’est non!

Danielle Simonnet (avatar)

Danielle Simonnet

Députée de Paris

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.


www.change.org/TourTriangleNon

« Nous sommes des élus du peuple, pas des investisseurs ! » 

Après la décision de Madame Hidalgo, de faire un recours en annulation devant le tribunal administratif du vote des conseillers de Paris contre la Tour Triangle, j’ai lancé une pétition sur internet que je vous invite toutes et tous à signer ; mais je souhaite dans ce billet revenir sur tous les aspects de ce dossier : anti-écologique, libéral et anti démocratique.

La Tour Triangle, un projet anti-écologique comme tous les Grands Projet inutiles et imposés !

La tour triangle de 180 m de haut qu’Hidalgo voudrait imposer dans le parc des expositions de la Porte de Versailles (Paris 15e), est bien un projet anti-écologique. Toutes les Tours sont énergivores. Elles nécessitent des matériaux qui consomment beaucoup d’énergie pour être fabriqués. Et une tour consomme beaucoup d’énergie pour ses ascenseurs, sa ventilation, son air conditionné. Le Plan climat de Paris déconseille d’ailleurs ces constructions de grande hauteur dépassant les 50m. Le Grenelle de l’environnement préconisait de ne pas dépasser 50kWh/m2 /an, et des études montrent que si un gratte-ciel ancien consomme plus de 1500 kWh/m2/an, le gratte-ciel récent arrive au mieux à descendre à la moitié.

L’innovation écologique n’est pas de tenter de compenser la surconsommation énergétique d’un bâtiment, mais de défendre l’écoconstruction, notamment dans les matériaux, privilégier les bâtiments ne dépassant pas les 6 étages, tant pour la sobriété énergétique, pour des bâtiments autosuffisants, que pour les liens sociaux que cela permet (privilégions le maillage en rue de bâtiment de faible hauteur aux grandes dalles inhumaines entre des tours opressantes) .

C’est un projet inutile. On n'a pas besoin de bureaux dans Paris. De nombreux bureaux sont vides, au moins 730 000m2 à Paris et 3,3 millions en IDF (dont une grande majorité de première main !).  C’est un projet spéculatif de bureaux de plus.  Qui plus est, si tant est que la création de bureaux crée des emplois (mais on reviendra sur cet aspect-là), ce n’est pas à l’ouest de Paris qu’il faudrait les implanter. La prise en compte des enjeux écologiques devrait nous dicter de renforcer l’activité économique là où elle fait le plus défaut en ile de France, dans le 77 et le 93 et à Paris dans le Nord Est. Et par contre, d’accroître le logement social dans l’ouest de Paris. Il est en effet grand temps d’engager une planification écologique du territoire qui puisse contribuer à réduire les distances domicile – travail. Il faut favoriser dans chaque bassin de vie la mixité d’activités entre emploi, logement, services publics (dont espaces verts) et non spécialiser des zones et imposer des temps de transports d'autant plus longs qu'on se situe en bas de l'échelle sociale.

Un projet d’une autre époque, un PPP déguisé.

Comme l’exprime très justement Thierry Paquot dans une tribune publiée dans le Plus de l’Obs, ces tours appartiennent au passé, au 19e siècle, et symbolisent la domination des villes capitalistes. Il n’y a rien de novateur de vouloir au 21ème siècle poursuivre dans l’urbanisme des mises en concurrence entre les villes-monde pour vérifier qui a la plus grande tour…

Cette affaire Tour triangle révèle également une fois de plus que l’austérité conduit aux renoncements libéraux. Plutôt que d’engager des investissements publics dans des projets utiles, on en appelle aux investisseurs privés pour des opérations spéculatives anti-écologiques et inutiles. La tour de bureau censée créer mécaniquement de l’emploi, c’est le pendant de la politique de l’offre appliquée à l’urbanisme : créer des bureaux ne crée pas d’emplois, tout comme créer des supermarchés ne crée pas du pouvoir d’achat, tout comme enrichir les actionnaires ne relance pas l'activité… C’est la privatisation de l’urbanisme parisien qui se joue par le recours aux Partenariats Publics Privés déguisés. 23 autres sites sont prévus pour des projets innovants avec un appel clair aux promoteurs et investisseurs privés que l’on pourrait résumer ainsi : « Investisseurs de tout pays, venez-vous éclater à Paris ! ». Cela révèle aussi leur conception des métropoles : que tous les grands sièges des entreprises du CAC'40 aillent dans le cœur du Grand Paris ! J'ai beau être parisienne, je suis avant tout républicaine et de cette compétition dans la fameuse attractivité pour collecter les recettes fiscales, je ne veux pas.

Ce projet de bail à construction est un Partenariat Public-Privé déguisé.

La parcelle est propriété de la Ville, mais est gérée dans le cadre d’une délégation de Service public par la société Viparis pour l’exploitation du parc des expositions. Le Conseil de Paris devait voter le 17 novembre pour ou contre sortir ce terrain du contrat de délégation, au bénéfice de la SCI Triangle. Mais les 2 sociétés sont contrôlées directement ou indirectement par UNIBAL-RODAMCO. Résultat, Unibail-Rodamco joue sur deux tableaux : d’une part elle exploite le Parc des Expositions de la Porte de Versailles et d’autre part elle porte le projet de Tour Triangle, qui prévoit la destruction d’une partie du parc. M. Guillaume Poitrinal du groupe Unibail avait bien précisé dans un journal les finalités de son groupe : « Notre métier est de distribuer du dividende, donc nous choisissons d’investir sur des actifs qui recèlent un fort potentiel de croissance du cash-flow ».

Deux articles du « Canard enchaîné » ont dénoncé les conditions financières ahurissantes accordées par la Mairie de Paris à Unibail Rodamco pour la Tour Triangle… On y avait appris que comme deux expertises avaient estimé un montant trop élevé du loyer du terrain prévu pour la tour pour 80 ans, la ville avait sorti d’un chapeau une 3ème expertise bien plus basse…. C’est sur cette dernière estimation, que la ville a signé l’accord à Unibail ! La ville a donc fait un « cadeau » à  Unibail, qui avait remporté le chantier des Halles qui s’avère depuis bien plus couteux que prévu. La redevance annuelle demandée par la ville est faible : elle est plafonnée à 6,36 millions d’euros par an, avec une part fixe de 2 millions d’euros. Alors que la valeur de loyer annuel qu’on peut estimer pour ces 90.000m² de bureaux serait d’au moins 50 millions d’euros. Car tout dans le projet donne à penser que ce seront des bureaux à loyers particulièrement élevés, qui seront donc réservés aux plus grands groupes et entreprises. Résultat les loyers demandés par la ville à Unibail sont en deçà des loyers demandés pour des bureaux.  La différence qu’empoche Unibail est un cadeau pris sur les contribuables. C’est un bail pour 80 ans, après cette date, la ville sera propriétaire de la tour et en payera les charges…Ce sera donc aux générations futures d’en payer la facture, pour une utilité qui sera encore plus relative dans 80 ans. Le pire, c’est que le bail à construction permet à Unibail d’être exonéré de taxe foncière !  C'est donc un grand projet inutile et imposé, qui va essentiellement permettre au groupe Unibail -Rodamco de faire des profits avec la spéculation sur l'immobilier d'entreprise !

Un projet anti démocratique !

Avant le lancement du projet, un premier sondage avait exprimé le refus des parisiens. Malgré tout à l’époque, B. Delanoë et son adjointe de l’époque à l’urbanisme A. Hidalgo, s’étaient engagés dans le projet.

Aucune réelle concertation n’a été depuis le début initiée malgré les affichages municipaux de la Maire de Paris en faveur de la démocratie participative. On peut même dire qu’au niveau du conseil de Paris, tout a été fait pour contourner le débat en saucissonnant le projet les années auparavant.

Mais le summum antidémocratique a été atteint à ce Conseil de Paris du mois de novembre ! 

La délibération présentée au vote du conseil de Paris portait sur l’autorisation d’opérer un déclassement de la parcelle inscrite dans le parc des expositions, afin de permettre le permis de construire ultérieur, et d’autoriser la signature d’un bail à construction pour faire le projet de la Tour Triangle.

Le groupe PS a exigé un vote à bulletin secret (ce qui est possible pour les votes sur les délibérations si 1/3 des élus le demandent, mais ce qui ne se fait jamais). Leur objectif était de passer en force en gagnant des voix de la droite. Le MEDEF et Unibail ayant fait du lobbying pour, Jérôme Dubus, conseiller de Paris UMP et patron du MEDEF IDF a essayé de convaincre d’autres élus UMP. Quel déni démocratique que de permettre, sur un sujet qui à ce point engage la ville pour plus d’un siècle, que des élu-e-s n’aient pas à rendre public devant les électrices et les électeurs leur vote !

Les élus opposés au projet, comme moi, ont donc montré publiquement leur bulletin, certains élus PS favorable au projet faisant d’ailleurs également de même.

Après un dépouillement chargé de suspens, où de l’aveu même de certains socialistes, la maire pensait réellement l’emporter, le « Contre » gagnait, A. Hidalgo annonça en tribune sa volonté d’engager un recours devant le Tribunal Administratif pour exiger l’annulation au nom du non-respect du scrutin secret. Depuis, on sait que son intention est de représenter le projet en mars avec quelques modifications pour essayer de le faire approuver par au moins 5 élus de droite de plus pour être majoritaire….

Mais le débat est de fait maintenant lancé à Paris et au-delà, par médias interposés. Ces médias, totalement indépendants des grands lobbyings des bâtisseurs comme le groupe Bouygues (sic !), ont bien tenté de caricaturer l’enjeu entre des conservateurs anti architecture contemporaine condamnant la capitale à la ville musée, et les grands modernistes, les citoyens n’ont pas l’air dupes.

Alors que la maire de Paris soutenait depuis un mois une pétition en faveur de la Tour Triangle initiée par des architectes (totalement indépendant des investisseurs et du lobbying des grands groupes bâtisseurs tel que Bouygues comme chacun s’en doute…) celle-ci piétine toujours dans les 2000 signataires. Par contre, la pétition que j’ai initiée il y a à peine une semaine avec mes réseaux bien plus modestes que ceux de la Maire de Paris va bien franchir son premier millier.

Alors, si vous êtes convaincu sur le sujet, vu qu’il est peu probable que la mairie de Paris organise une réelle votation citoyenne vous demandant votre avis, choisissez votre pétition !

Et si pour vous au sujet de la Tour triangle, « quand c’est NON, c’est NON », signez celle-ci !

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.