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Billet de blog 10 octobre 2023

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Pour un véritable droit à l’IVV (Interruption Volontaire de Vie) démédicalisée

La mort n’est pas un problème d’expert, de médecin, de religion ou de politique ; elle concerne chacun au plus haut point dans l’exercice intime de son libre arbitre et de sa liberté à disposer de son corps. C’est notre dernier acte de vivant.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 Ci-après le communiqué de l'antenne Finistère de l'association Ultime Liberté avec l'accord de tous ses membres.

La vie

Nul ne choisit de naître, nul ne choisit son lieu de naissance, sa famille et son époque. Notre apparition dans la vie est le fruit de causes et de choix extrinsèques sur lequel nous n’avons aucune prise. Nous nous y retrouvons donc enfermés sans avoir exercé le moindre choix, ni en avoir émis la moindre volonté et seule la mort nous offre une porte de sortie et la perspective d’un ailleurs que chacune et chacun peut cette fois librement et personnellement imaginer.

Nous maîtrisons souvent difficilement notre vie, écartelés entre nos besoins matériels, nos aspirations idéalistes, les injonctions de toutes sortes aussi bien économiques, que sociales, politiques, familiales… Ainsi, notre existence ressemble plus à un fétu de paille ballotté sur un océan en furie avec pour objectif : ne pas couler !

Nonobstant ces propos, qui pour certains peuvent paraître très noirs, nous aimons la vie, nous la chérissons pour ses saveurs, ses amours, ses couleurs… Épicuriens dans l’âme, nous ne souhaitons pas la quitter de façon violente (pendaison, coupure des veines…) ou en étant réduits à un corps inerte plus ou moins douloureux. Nous voulons « mourir dans notre jardin [2]» d’une mort douce et apaisée. Comme Sénèque l’a si bien écrit : « [...] ne pas attendre le dernier, l’inévitable terme de la vie, mais de moi-même et quand bon me semblera, partir en toute hâte. Rien ne me paraît plus pitoyable que d’invoquer la mort. Car si tu veux vivre, pourquoi souhaites-tu de mourir ? Si tu ne le veux plus, pourquoi demander aux dieux une faculté que dès ta naissance tu tiens d’eux ? Mourir un jour, quand tu ne le voudrais pas, voilà ton obligation ; mourir dès que tu le voudras, voilà ton droit. Tu ne peux te soustraire à l’une ; tu peux saisir l’autre. »[3].

La vie médicalisée

De la naissance à la mort, notre vie est de plus en plus médicalisée. C’est une bonne chose, direz-vous ! Certes et heureusement, les médicaments, en particulier les antibiotiques, nous protègent et nous guérissent de maladies auparavant mortelles. La médecine moderne permet de réanimer et de maintenir en vie artificiellement des personnes qui, il y a quelques décennies, seraient décédées. Mais cette « pseudo vie » ne ressemble pas à celle de nos aspirations. Notre époque court après l’éternelle jeunesse, invente le terme de « sénior » pour les plus de 55 ans et « grand âge » pour les plus de 80 ans… Rappelons que la mort est la suite logique du vieillissement et que le vieillissement n’est pas une maladie !

Qu’est-ce qu’une vie qui vaut encore le coup d’être vécue ?

Chaque humain à sa définition, en fonction de ses aspirations intimes, de ce qu’il décide, plus ou moins librement, d’être fondamentalement. Pour certains, l’idée de ne plus être autonome est insupportable, car ils se sont battus toute leur vie pour obtenir leur indépendance et la conserver. Pour d’autres, les pertes cognitives sont la pire des choses, leur bien le plus précieux étant leur intellect. Pour d’autres encore, ne plus pouvoir travailler manuellement correspond à la pire des privations. On peut multiplier ainsi les exemples à l’infini. Mais ce qui est commun c’est que la « bonne vie », celle qui vaut le coup d’être vécu, répond à des critères propres à chaque individu. L’amoindrissement lié à la vieillesse, si bien décrit dans la chanson Les vieux[4] de Jacques Brel, ne nous fait pas envie. Nous réclamons une « douce mort », aboutissement d’une « bonne vie ».

Moi seul(e) peux estimer et dire si ma vie vaut encore le coup d’être vécue !

Bien présomptueux sont-ils ! Nous ne prétendons chacun que gouverner notre propre existence, et en aucun cas celle des autres, nous n’avons pas cette tendance outrecuidante à l’universalité.

Les soins palliatifs sont-ils l’alpha et l’oméga de la fin de vie ?

Si les adeptes des soins palliatifs souhaitent en faire l’alpha et l’oméga de la fin de vie, nous pensons qu’ils ont leur utilité pour les patients qui souhaitent explicitement suivre un tel parcours ; d’ailleurs au nom de quoi les empêcherions-nous ?

Il faut noter toutefois que les décès dans ces structures sont très minoritaires : ils représentent, en 2019, 2 % des lits hospitaliers, un quart d’entre eux sont dans des unités de soins palliatifs dédiés et 19% des patients hospitalisés y sont décédés[5] sur les 53% des décès ayant lieu dans les établissements spécialisés[6].  

Donc, en tout état de cause, les soins palliatifs ne sont pas la panacée qu’on veut bien nous promettre. Or le vieillissement de la population s’accélère depuis le milieu des années 2010, avec l’arrivée à ces âges des générations nombreuses du baby‑boom[7] qui pourraient en représenter 1/3 en 2050[8]  (16 % de personnes de 75 ans ou plus en 2052, contre 9 % aujourd’hui[9]). L’espérance de vie à 65 ans, sans limitation sévère perçue dans les activités de la vie quotidienne, s’élève à 17,8 ans pour les femmes et 15,3 ans pour les hommes[10].

Alors que les autres pays d’Europe déréglementent l’euthanasie (comme récemment l’Espagne) ou réglementent l’aide active à mourir (comme en mai 2023 le Portugal), la France reste une société régie par une loi de 2015 aboutissant à une euthanasie passive. La « fille aînée de l’Église » a du mal à s’en affranchir, à telle preuve que les religions ont été entendues dans le cadre de la Convention Citoyenne sur la fin de vie, ce qui constitue, on en conviendra, un comble pour une société qui depuis 1905 applique une loi de séparation des Églises et de L’État. Rappelons que la religion, de moins en moins suivie[11], est de l’ordre de l’intime et de la sphère privée.

La mort comme dernier acte libre du vivant

La mort n’est pas un problème d’expert, de médecin, de religion ou de politique ; elle concerne chacun au plus haut point dans l’exercice intime de son libre arbitre et de sa liberté à disposer de son corps. C’est notre dernier acte de vivant.

La mort, si familière à nos parents jusqu’au milieu du XXe siècle, est maintenant cachée. Fini les rites autour du deuil. Vaille que vaille, il faut être souriant et compétent, productif, même si vous venez de perdre un être cher, ne pas déranger les autres, ne pas leur rappeler leur propre mortalité.

Le suicide, acte compulsif ou réfléchi comme l’ultime liberté de l’individu ?

En fonction des époques, le suicide n’est pas considéré de la même façon par la société. Dans l’Antiquité, il était vu comme un idéal de noblesse, de grandeur d'âme et de liberté (stoïciens et épicuriens). Rappelons-nous Socrate condamné à boire la Ciguë. Les Grecs anciens étaient-ils moins civilisés que nous, eux qui ont tout inventé : la philosophie, la géométrie, la dialectique, l’histoire, la démocratie… ?

Le suicide est dépénalisé en France depuis le code Napoléon (s’il n’est plus interdit, il n’est toutefois pas légal). Il est considéré comme une maladie qu’il faut soigner (Code de la santé, comportement pathologique). La France est le pays d’Europe qui compte le plus de suicides de personnes âgées de plus de 65 ans : 3000 par an (28% des suicidés[12]). Sont-ils tous dépressifs ? Passent-ils à l’acte de façon compulsive ou de façon réfléchie ?

L’exil : la seule alternative légale

Les personnes qui souhaitent mourir, considérant que leur vie n’est plus « une bonne vie », sont donc bien obligées de recourir à des actes illégaux puisqu’aucune assistance légale ne leur est proposée. En France, l’assistance au suicide est illégale : on peut se retrouver accusé de « non-assistance à personne en danger » pour avoir accompagné une personne dans sa démarche personnelle, voire de « meurtre » pour avoir pratiqué l’euthanasie.

À noter que les chiffres, communiqués par nos opposants et véhiculés par la presse, sont déformés. Ils expliquent doctement que les décès par euthanasie et suicidé assisté ont augmenté de façon très inquiétante dans ces pays et donc qu’en France cela occasionnera une explosion de la demande, dans un hôpital exsangue qui ne pourra répondre. À noter que ce type de remarque prouve bien que les soins palliatifs ne répondent pas à toutes les demandes des patients... Nous invitons les lecteurs à se pencher sur les communiqués officiels des statistiques de la Belgique qui font état d’une stabilité des chiffres de 2021 au regard de ceux de 2019[13] et sur ceux de la Suisse qui, certes, augmentent depuis 20 ans (passant de 0,2% des décès à 1,5%) alors qu’en même temps ceux des suicides non assistés baissent[14]. Mais comme l’indique en conclusion une étude réalisée par la Semaine médicale suisse : journal officiel de la Société suisse des maladies infectieuses, Société suisse de médecine interne, Société suisse de pneumologie[15]   « Ces chiffres reflètent un développement social intéressant mais ne semblent toujours pas représenter un phénomène de masse ».

Les votes au sein de la Convention Citoyenne sur la fin de vie montrent qu’une large majorité (76%[16]) se dégage en faveur d’une ouverture de l’accès au suicide assisté et à l’euthanasie volontaire (22% le souhaitent sans condition médicale). L'avis du CESE du 9 mai 2023[17] va dans ce sens. La majorité de nos voisins européens, dont le Portugal récemment, a fait évoluer sa législation. Il est grand temps que la France fasse de même !

Nos propositions

 Nous réclamons et défendons un accès à l’aide active à mourir sans autre condition que la seule volonté du patient et sans que des motivations d’ordre médical soient nécessairement requises.

Sur ce plan, nous considérons que notre revendication s’inscrit dans le même cadre de réflexion que celui du droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Aujourd’hui, les opposants à ce que nous pourrions nommer le droit à l’interruption volontaire de vie (IVV) développent le même argumentaire et évoquent les mêmes périls.

Ne faisons pas reposer cette décision ultime sur les épaules des soignants, mais sur la société par une « reconnaissance juridique du citoyen français, capable et majeur, de la liberté de disposer de sa personne, de sa vie, de son corps et donc de sa mort, de choisir le moment, le lieu et les modalités de sa mort 1». Certes en cas d’euthanasie volontaire, le représentant médical est l’exécutant, mais il n’est alors que la main qui remplace celle de la personne qui souhaite mettre fin à ses jours, mais en est incapable physiquement.

Nombre de pays nous ont ouvert la voie (Belgique, Suisse, Canada, le Portugal très récemment, etc.) et si nous voulons une loi française, alors décrétons l’autodétermination du citoyen français. Prenons l’exemple sur l’IVG où la notion de répétition de la demande la confirme et donne accès à l’acte. Chacun pourra ainsi mourir comme souhaité et répété plusieurs fois, sans en passer par Les Fourches caudines des experts en tout genre.

 Nous pensons qu’en recherchant une voie française de « légalisation de l’aide active à mourir », les frilosités de nos gouvernants nous conduisent à une loi impraticable et inappliquée et détournée de son but essentiel : « une mort douce et apaisée ».

 Octobre 2023

 L’équipe de l’antenne Finistère d’Ultime Liberté

Quelques liens vers d'autres lectures sur ce sujet :

Quelques liens vers d'autres lectures sur ce sujet

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[1] Les deux premiers objectifs des statuts de l’association Ultime Liberté : https://ultimeliberte.net/statuts-de-lassociation/

[2] Pour reprendre le titre du livre Mourir dans son jardin de Jean Guilhot, neuropsychiatre, psychanalyste et anthropologue, co-fondateur de l’association Ultime Liberté avec Claude Hury.

[4] « […] Les vieux ne bougent plus,

Leurs gestes ont trop de rides, leur monde est trop petit,

Du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil,

Et puis du lit au lit […] »

[5] https://www.parlons-fin-de-vie.fr/wp-content/uploads/2020/11/atlas_2020.pdf

[6] https://www.insee.fr/fr/statistiques/4767574?sommaire=4772633#tableau-figure1

[7] https://www.insee.fr/fr/statistiques/6687000

[8] https://www.santepubliquefrance.fr/la-sante-a-tout-age/la-sante-a-tout-age/bien-vieillir

[9] https://medias.vie-publique.fr/data_storage_s3/rapport/pdf/286468.pdf

[10] https://www.cnsa.fr/documentation/chiffres_cles_2020.pdf

[11]https://www.ouest-france.fr/reflexion/editorial/editorial-une-majorite-de-sans-religion-bdd95b6e-fda2-11ed-a1bc-e4cd8688e083

[12] https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/CNBD_Prevention_du_suicide_Propositions_081013.pdf

[13] Communiqué de presse de la Commission fédérale de Contrôle et d’Évaluation de l’Euthanasie – CFCEE du 8 décembre 2022

[14] Observatoire suisse de la santé : https://ind.obsan.admin.ch/fr/indicator/obsan/suicide-et-suicide-assiste

[15] https://www.researchgate.net/publication/369558617_Long-term_development_of_assisted_suicide_in_Switzerland_analysis_of_a_20-year_experience_1999-2018

[16] Synthèse de la convention citoyenne

[17] https://www.lecese.fr/actualites/lavis-du-cese-sur-la-fin-de-vie-ete-adopte

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