Billet de blog 8 septembre 2023

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André Smolarz

Retraité de l'enseignement supérieur

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Témoignage en faveur du droit à l’interruption volontaire de vie (IVV)

Voilà déjà quatre ans, mon épouse a décidé de mettre fin à ce qu’elle considérait comme n’incarnant plus la vie telle qu’elle la concevait. Sur ce plan nous étions raccord et le libre choix de décider sereinement de la fin, dignement et en douceur, nous est toujours apparu comme une évidence.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La conjonction de multiples souffrances, permanentes et sans issue après de multiples, longues et vaines recherches pour y remédier, a peu à peu engendré pour elle un décor dans lequel il lui était impossible de trouver un espace pouvant incarner la moindre trace de sens et d’intérêt à prolonger un processus qui n’a plus rien de commun avec une belle et bonne vie.

De toute évidence également, ce n’est pas par excès de bonheur qu’elle a fait ce choix cruel, mais il est bon de le rappeler à toutes celles et ceux qui s’acharnent à vouloir interdire cette ultime liberté à leurs semblables. 

Avoir une belle et bonne vie devrait constituer un préalable à tout débat sur la fin de vie. À quoi bon en effet être et demeurer ici et maintenant dans un autre contexte ? 

La réalité pour nombre d’humains semble pourtant contredire cet axiome sans pour autant qu’ils en soient responsables et aucune des règles de vie collectives (pour faire simple, les choix politiques) qui nous gouvernent n’œuvrent à y remédier. On peut évoquer la longue cohorte des disparus volontaires, souvent de façon violente pour eux et leurs proches : agriculteurs, salariés de France Télécom, policiers, salariés de PSA, chômeurs, précaires… 

Face à ce sombre tableau, qu’ont à proposer de mieux les gardiens d’une morale à géométrie variable qui évoquent à tout va le caractère sacré de la vie sans qu’ils n’aient jamais eus, pour la majorité d’entre eux, à connaître l’envers du décor qu’on peut qualifier d’enfer pour les mal-comprenants ?

Qui peut croire en effet qu’il est réaliste de conjuguer « vie bonne et belle » et maltraitance sociale, sanitaire et environnementale, les trois étant souvent conjuguées ? 

Afin d’être clair et de lever toute ambiguïté, je ne suis pas en train de dire que le droit au suicide assisté pourrait être une solution aux vies détruites par les violences évoquées ci-dessus. Je dis juste que la volonté d’une vie bonne et belle pour toutes et tous n’est pas à l’ordre du jour des gouvernements qui se sont succédés depuis plusieurs décennies et que donc, quelles que soient la source et la nature de la souffrance, celles et ceux qui mettent fin à leurs jours ne font qu’exprimer, en dernier recours, la revendication de leur souveraineté sur leur vie, comme l'expression ultime du droit et de la liberté de disposer de leur corps et de leur personne.

Quelques voix, comme celle, par exemple, de Madame Roudinesco dans une tribune du 7 novembre 2019 dans le journal Libération en réponse à une tribune publiée dans le même journal quelques jours plus tôt par plusieurs féministes à l’occasion de la journée mondiale pour le droit de mourir dans la dignité, prétendent que celles et ceux qui ne veulent plus vivre sans être condamnés par la maladie ont à leur disposition toute une panoplie d’actes « héroïques » pour y parvenir. Ainsi, selon elle, seules les pathologies dûment reconnues et validées par le corps médical seraient recevables pour accéder à une mort douce et digne. Les autres, les « si je veux quand je veux » comme elle les nomme, peuvent se jeter sous le train, se taillader les veines ou opter pour toute solution radicale et trash et qu’importe l’impact douloureux et traumatisant sur leurs proches. 

À ce titre, le combat pour une fin de vie librement choisie s’inscrit dans le même contexte et la même conception de la vie que celui pour l’interruption volontaire de grossesse (IVG). On peut à cet égard évoquer l’interruption volontaire de vie (IVV) et pour s’en convaincre il suffit de ré-écouter le plaidoyer de Gisèle Alimi le 8 janvier 1974 dans l’émission « Aujourd’hui madame »

Ainsi, voilà donc quatre années que mon épouse a quitté ce monde, de son plein gré, dignement et en douceur et, même si je souffre de son absence et continuerai d’en souffrir tant que j’existerai, je suis heureux qu’elle ait pu partir de cette façon et que nous, ses proches, ayons pu l’accompagner jusqu’aux derniers instants. Son acte n’a engendré aucun effet nocif à l’encontre de la société, alors j’aimerais vraiment que celles et ceux qui prétendent imposer leur vision dogmatique de la vie à l’ensemble de la société parlent un peu moins haut et fort et que leur parole ait moins d’écho et de poids dans l’espace public. 

À la suite de sa disparition, j’ai écrit un texte qui retrace notre histoire au cours de laquelle nous avons cherché à accomplir notre vie et notre parcours amoureux au plus près de nos convictions. Il s’agit aussi d’un témoignage que je conclus par un plaidoyer en faveur d’une fin de vie douce, en pleine conscience et librement choisie. Cette réflexion m’a amené à considérer qu’en pareille situation, le terme de suicide n’était pas le plus approprié, ce que j’ai tenté de développer dans un chapitre et le terme interruption volontaire de vie (IVV) me semble plus indiqué.

Quelques liens vers d'autres lectures sur ce sujet :

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