Ce que les responsables politiques, au premier rang desquels les Verts, ne devraient pas oublier
Ce que la classe politique, au premier rang de laquelle les Verts, semble ignorer, alors que cela devrait constituer la clé de voûte de tout projet politique, c’est que la croissance démographique entraîne mécaniquement la croissance des besoins économiques, plus de nourriture, plus d'énergie, plus d’espaces à aménager pour le logement, le travail, l’éducation, la santé, la culture, le sport... Autant de besoins énergétiques que de terres arables artificialisées, avec des conséquences désastreuses pour la biodiversité.
À cela s’ajoute la raréfaction des ressources en eau, aggravée par le changement climatique, notamment en Afrique, où le taux de fécondité demeure élevé (3,95 enfants par femme en moyenne). Cette situation pousse certaines populations à émigrer vers l’Europe, transformant peu à peu la Méditerranée en un immense cimetière.
Le président et le sens des mots selon le Premier ministre
Alors que Sébastien Lecornu n’avait cessé de parler de rupture dans ses annonces budgétaires, on ne peut pas dire qu’il y ait eu rupture dans la nomination des quatre cinquièmes de ses ministres. Il est donc légitime de s’interroger : quel sens le Premier ministre démissionnaire donnait-il à ce mot ? Et que peut-il désormais faire, en quarante-huit heures, pour rendre la copie que lui a demandée le président Emmanuel Macron, avec des propositions viables pour composer un gouvernement « du possible » ?
Un pays devenu ingouvernable avec trois forces politiques, alors que la Constitution de la Ve République fut conçue pour deux, Gauche et Droite
Lorsqu’en 1958 les fondateurs de la Ve République rédigèrent la Constitution et ses lois d’application, la vie politique française s’articulait autour de deux grandes forces : la gauche et la droite. Aujourd’hui, elles sont trois, et cette configuration risque de durer.
Chacune de ces forces, regroupant des partis souvent éloignés les uns des autres sur les plans national et international, ne s’est constituée qu’en réaction au mode de scrutin majoritaire à deux tours, afin d’obtenir des député(e)s et d’exister sur la scène politique, voire d’espérer gouverner.
À gauche, il existe encore des partis respectueux de la démocratie parlementaire, le PC, les Verts, le PS et ses annexes, les Radicaux de gauche. Mais LFI, le parti de Jean-Luc Mélenchon, pose un réel problème démocratique par l’usage de la violence et les relents antisémites exprimés par certain(e)s de ses député(e)s.
Il est dès lors plus qu’étrange, et même inadmissible, que le PS, par la voix de son premier secrétaire, annonce être disposé à occuper le poste de Premier ministre tout en rejetant la candidature du député européen Raphaël Glucksmann à la présidentielle de 2027, lui préférant une candidature unique de la gauche, donc avec LFI, ce à quoi s’opposent Glucksmann et plusieurs parlementaires socialistes.
Et maintenant ?
Si la mission de Sébastien Lecornu, qui a d’ores et déjà annoncé refuser de redevenir Premier ministre, échoue, ce qui est fort probable, et si Emmanuel Macron rejette la proposition du PS, il ne restera qu’une seule solution : dissoudre l’Assemblée nationale. renommer un nouveau premier ministre ce serait prendre le risque qu'il tombe rapidement sous le coup d'une motion de censure. Le chef de l’État doit, avant toute dissolution, consulter les présidents des deux Chambres. Ce scénario semble se dessiner, puisque Emmanuel Macron a reçu, ce mardi 7 octobre, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher.
Pendant ce temps, conformément à sa mission, Sébastien Lecornu poursuit ses ultimes négociations. Il a reçu cet après-midi Bruno Retailleau, tandis que les Verts, le PCF et Place publique de Raphaël Glucksmann doivent également se rendre à Matignon.
Le PS, dont le secrétaire national Olivier Faure a opéré une pirouette par rapport à ses précédentes déclarations, est désormais disposé à assumer le poste de Premier ministre et à constituer un gouvernement d’union, sans LFI.
Les Verts, quant à eux, donnent l’impression de naviguer à vue : ils ont accepté l’invitation de Sébastien Lecornu pour le mercredi 8 octobre, tout en multipliant les allers-retours avec La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon, dont l’attitude reste un véritable repoussoir pour une partie de la gauche. Marine Tondelier la secrétaire nationale des Verts estime néanmoins que leurs échanges vont « dans le bon sens » pour l’unité. À l’inverse, Raphaël Glucksmann et la majorité des parlementaires socialistes jugent qu’il est hors de question de s’allier avec LFI dans une éventuelle gouvernance de remplacement de l’actuel ex-Premier ministre.
Au vu de la nouvelle configuration politique française, avec trois blocs : la gauche (avec ou sans LFI), la droite (avec les ex-macronistes) et le Rassemblement national, qui a le vent en poupe, il est probable qu’une nouvelle élection reproduise la même impasse, rendant toujours aussi difficile la formation d’un gouvernement stable.
Emmanuel Macron et la tentation du vide
Emmanuel Macron n’est pas tenu de démissionner : il est élu pour cinq ans et son mandat s’achève en mai 2027.
Ceux qui réclament sa démission ou, comme LFI, sa destitution, pour le plus grand plaisir de Vladimir Poutine, ne pensent qu’à leurs ambitions personnelles et se moquent de la situation réelle des Français, aggravée par la crise démographique, pourtant clé de voûte de nos déséquilibres sociétaux.
Nous ne sommes plus au temps du général de Gaulle : lorsqu’il démissionna en 1969, son parti disposait d’une majorité absolue et un gouvernement solide pouvait assurer la transition. À cette époque, la dette publique représentait 13,5 % du PIB. Elle atteint aujourd’hui 114 %.
Une démission du président de la République, alors qu’il n’y a pas de gouvernement stable et que les perspectives économiques sont sombres, serait une catastrophe budgétaire. Après avoir largement puisé dans les réserves financières et emprunté à des taux avoisinant les 5 %, la France s’expose à des conséquences désastreuses sur la vie quotidienne, tandis que l’agrobusiness alimentaire continue de spéculer en toute aisance.
Entre le dire et le faire : promesses et reniements
En 2017, Emmanuel Macron avait promis « une République exemplaire ».
Il exigeait la probité et affirmait que tout ministre mis en examen devrait démissionner. Ce principe fut appliqué au début de son premier quinquennat, mais vite oublié par la suite.
Plus surprenant encore aujourd’hui : la nomination de Mme Rachida Dati au ministère de la Culture, alors qu’elle fait l’objet de plusieurs procédures judiciaires. Certes, il existe la présomption d’innocence, mais tout de même : curieuse conception de la « République exemplaire ».
Oui, il y a bien rupture, mais pas celle que les Français attendaient.
Pour mémoire : la dette publique française
En valeur absolue, la France détient la dette publique la plus élevée de la zone euro : elle s’élève, au premier trimestre 2025, à 3 345 milliards d’euros, devant l’Italie (3 033 milliards) et l’Allemagne (2 698 milliards).
Selon le rapport d’avancement annuel du Plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT), présenté en avril 2025, la charge de la dette, c’est-à-dire les intérêts versés, atteint 53 milliards d’euros, et devrait grimper à 66 milliards en 2026.
Cela signifie que, dans les prochains budgets, chaque euro dépensé ici devra être compensé par une économie ailleurs. Egalement, si un nouveau prélèvement fiscal est créé, un autre devra être supprimé.
Quelles conséquences pour le budget à venir ?
La suspension de la réforme des retraites, afin de reprendre le dossier à zéro et de rouvrir un dialogue avec les partenaires sociaux, les associations et les parlementaires, pourrait permettre d’aboutir à un accord innovant et équitable.
Par ailleurs, une augmentation sensible des salaires et retraites les plus modestes, comme le souhaite la gauche, ainsi qu’un effort particulier en faveur de l’éducation et de la santé, nécessiteront un financement conséquent qui devra être compensé par des mesures d’économies.
À cet effet, plusieurs dispositions devraient être envisagées :
- La suppression de certains avantages accordés à des responsables politiques et à de hauts fonctionnaires ;
- La dissolution de comités consultatifs jugés inutiles ;
- La révision de certains avantages fiscaux, notamment sur l’assurance-vie et les placements boursiers.
Les aides aux entreprises ne sauraient être remises en cause dans leur principe. Celles qui créent ou innovent dans les secteurs de la recherche médicale, de l’intelligence artificielle et, plus largement, des économies d’énergie doivent même être renforcées.
En revanche, un réexamen approfondi des autres dispositifs d’aide s’impose : un sérieux toilettage est nécessaire.
Vers une contribution exceptionnelle sur la très grande richesse
Outre une réforme plus équitable de l’impôt sur le revenu, à l’instar des États-Unis où, depuis 1934, les bénéfices non distribués sont imposés et où le patrimoine des plus riches est taxé, la mise en place d’une contribution exceptionnelle et temporaire sur la très grande richesse devient, en France, une mesure de bon sens.
Cette idée, loin d’être révolutionnaire, est dans l’air du temps : plusieurs milliardaires eux-mêmes l’ont défendue lors du Forum économique mondial de Davos en 2023.
En contrepartie de cette contribution de solidarité sur la richesse (CSR), l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) qui ne taxe pas les plus riches pourrait être supprimé.
(voir le mes propositions faites à plusieurs fois en ce sens, destinées à nourrir un éventuel débat public : https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/3346-milliards-d-euros-de-dette-et-262942
En conclusion
Il semble désormais que nous risquions de connaître une situation inédite sous la Ve République : la survie politique du Premier ministre dépendra à la fois des positions du Parti socialiste et de ses alliés à gauche, ainsi que du Rassemblement national, dans un contexte où un gouvernement de droite et du centre exerce le pouvoir.
Les concessions qu’il acceptera de leur accorder pourraient déterminer son maintien ou sa chute.
L’émergence de cette tripartition politique est susceptible de modifier durablement les équilibres de la Ve République, sans pour autant changer fondamentalement le résultat des prochaines élections législatives, ni permettre un retour à la bipartition politique.