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Billet de blog 20 août 2025

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Pour obtenir la paix en Ukraine, et si la stratégie de Donald Trump était la bonne ?

La première phase de la stratégie de Donald Trump pour aller, selon lui, vers la paix en Ukraine passait par une rencontre en Alaska avec Vladimir Poutine, suivie de celle organisée à Washington le 18 août, en présence du président Volodymyr Zelensky et de plusieurs dirigeants européens, très sceptiques. Pour ces derniers, qui n’accordent aucune confiance à Vladimir Poutine, la paix est lointaine.

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Et si pourtant, contrairement aux interprétations sombres de nombreux observateurs, l’ entretien Trump-Poutine en Alaska, tant décrié, avait pesé plus lourd qu’on ne le croit ?

Les chancelleries européennes n’y ont vu qu’un spectacle vain. Pire : une tribune offerte à Wladimir Poutine pour redorer son prestige, ranimer sa stature sur l’échiquier mondial et rappeler que, sans lui, aucun règlement n’est possible. Les critiques n’ont pas manqué : « rien n’a rapproché la paix », répètent-elles en chœur.

Il faut pourtant rappeler un fait : depuis son premier mandat en 2000, Wladimir Poutine martèle que l’Occident aurait humilié la Russie, nié sa dignité et méprisé ses intérêts après l’effondrement de l’URSS. Mais ce récit victimaire résiste mal aux faits. Aucun autre État issu de l’ex-Union soviétique n’a bénéficié de tant de largesses occidentales. L’Union européenne signa avec Moscou un accord de partenariat dès 1994, puis conclut en 2003-2005, sous la présidence de Poutine, un partenariat stratégique ambitieux : quatre « espaces communs », de l’économie à la sécurité extérieure, en passant par la recherche, l’éducation et la culture.

L’OTAN, de son côté, proposa la coopération dès 1994, puis intégra la Russie au Conseil OTAN-Russie en 2002. Washington et Bruxelles favorisèrent aussi son entrée au FMI, à l’OMC, et dans d’autres institutions multilatérales. Si les Occidentaux avaient voulu « humilier » la Russie, ils disposaient de moyens autrement plus radicaux. Mais le véritable problème réside ailleurs : ce sont les dirigeants russes qui décident de ce qui constitue, à leurs yeux, une offense. Or, dans l’idéologie poutinienne, toute limite à ses ambitions équivaut à une humiliation.

À force de répéter ce mantra, Vladimir Poutine a fini par s’en persuader lui-même. C’est peut-être ce que Trump a saisi : l’idée que flatter cette blessure, l’exorciser sur le sol américain, pourrait rouvrir la voie d’un compromis. Son pari est clair : montrer à Poutine qu’il comprend ses rancunes, lui offrir la possibilité de « sortir la tête haute » d’une guerre qu’il ne peut gagner, mais qui ensanglante déjà l’Ukraine, dizaines de milliers de morts, villes éventrées, millions de réfugiés.

Le Donbass, une identité fracturée

Le Donbass incarne cette fracture. Une jambe en Ukraine, l’autre en Russie. Géographiquement, il réunit trois oblasts : Donetsk et Lougansk côté ukrainien, Rostov côté russe. Région russophile, elle a longtemps été le poumon industriel du pays, mais aussi une terre de contradictions. Avant 2014, plus d’un tiers des habitants se déclaraient Russes ethniques, et le russe dominait largement dans la vie quotidienne : en 2001, 75 % des habitants de Donetsk et 70 % de ceux de Lougansk l’adoptent comme langue principale.

En 1991, pourtant, le Donbass vota massivement pour l’indépendance de l’Ukraine, avec plus de 80 % de « oui ». Mais la crise économique qui suivit relança la nostalgie du grand voisin. En 1993, grèves et révoltes secouèrent la région. Un référendum consultatif fut organisé : à 90 %, les habitants approuvèrent la reconnaissance du russe comme langue officielle et la transformation de l’Ukraine en État fédéral. Kiev n’appliqua jamais ces décisions.

Malgré cette ambiguïté, le Donbass resta longtemps fidèle à l’Ukraine. Ultime symbole de cette double identité, il vota massivement en 2010 pour Viktor Ianoukovytch, président prorusse mais ukrainien. Sa destitution en 2014 fut l’étincelle : le Donbass sombra dans la guerre. Un tiers du territoire est aujourd’hui tenu par des séparatistes soutenus par Moscou.

L’histoire, terrain de bataille privilégié de Wladimir Pourtine

Depuis l’invasion de 2022, le Kremlin n’a cessé de remodeler le récit historique. L’Ukraine, dit-il, serait une invention artificielle, un morceau de « Russie historique » égaré par le destin. Ce révisionnisme, brandi comme une arme, vise à légitimer l’expansion.

C’est pourquoi l’Occident n’a pas d’autre choix que de soutenir sans faille Kiev : pour rappeler à Wladimir PoutinePoutine qu’une nation ne se fabrique pas à coups de chars, et qu’un peuple ne disparaît pas par décret impérial. Seule une résistance ferme permettra d’imposer ce rapport de force dont dépend toute paix durable.

Faut-il encore rappeler à Vladimir Poutine, qui aime tant se poser en lecteur d’histoire, que l’Ukraine n’a pas toujours été russe ? Qu’aux XIIIe et XIVe siècles, elle fut le cœur battant de l’Europe orientale, un État puissant et cosmopolite, nourri de l’arrivée de commerçants juifs et arméniens, d’artisans allemands, et porté par l’éclat de Kiev ? Ce fut l’âge d’or de la langue rutène, berceau des parlers anciens qui donneront plus tard l’ukrainien, le russe et le biélorusse.

Puis vint le temps des déchirements. Galicie et Volhynie, disputées par Pologne et Hongrie, puis morcelées entre Varsovie et Vilnius, furent les témoins d’une Ukraine éclatée, tiraillée entre influences polonaises, lituaniennes et moldaves. Les Ukrainiens d’aujourd’hui y voient les prémices de leur État-nation ; les Russes, une partie de leur héritage ; les historiens, le destin partagé des Slaves orientaux, unis alors par leur foi orthodoxe et leur lutte contre l’Empire ottoman.

L’histoire ne s’arrêta pas là. En 1569, le traité de Lublin fit naître la République des Deux Nations, vaste ensemble polono-lituanien qui domina l’Europe centrale jusqu’au XVIIIe siècle. Puis vinrent les partages : Russie, Prusse et Autriche se jetèrent sur la carcasse, et l’Ukraine disparut à nouveau dans le jeu des puissances. Kiev, comme tant d’autres villes, changea de tutelle au gré des conquêtes. Le sol ukrainien, depuis des siècles, n’est pas celui d’un seul empire : il est celui d’une mosaïque d’influences et de résistances.

Au XVIIe siècle, le traité d’Androussovo (1667) scella le partage de l’Ukraine entre Moscou et Varsovie. La rive gauche du Dniepr, Kiev comprise, revint à la Russie ; la rive droite, à la Pologne ; le sud, à l’Empire ottoman. Déjà, l’Ukraine était une terre fracturée, déchirée, disputée, mais jamais effacée.

Le présent en miroir du passé au Donbass

Aujourd’hui encore, cette histoire ressurgit dans les blessures ouvertes du Donbass et de la Crimée. Le Donbass, avec ses oblasts de Donetsk et de Louhansk, majoritairement russophones, est au cœur d’un conflit sanglant depuis 2014. Comment ignorer que cette région, qui se dit proche de Moscou, ne pourra être durablement pacifiée qu’en trouvant une solution politique claire, qu’il s’agisse d’une autonomie réelle ou d’une rétrocession assumée ? Volodymyr Zelensky lui-même, un temps, l’avait envisagé. Mais en échange, l’Ukraine doit impérativement retrouver son intégrité territoriale des frontières du Donbass jusqu’à la mer Noire et garantir ainsi son accès à la mer d’Azov, aujourd’hui sous la botte russe.

Quant à la Crimée, elle incarne la plaie la plus vive. Majoritairement russe (près de 70 % de sa population), elle fut rattachée à l’Ukraine en 1954 par la volonté d’un Khrouchtchev soucieux de symboles, mais aussi pour décharger la Russie d’un fardeau économique que pouvait représenter la Crimée. République autonome au sein de l’Ukraine, elle bascula en 2014 dans le giron russe, à la suite d’un référendum contesté mais indéniablement révélateur d’une aspiration locale. Quelles que soient les irrégularités du scrutin, croire qu’on pourra réintégrer la Crimée de force dans l’Ukraine relève désormais de l’illusion dangereuse.

Ce sont ces terres de l’Est, Donbass et Crimée, qui détiennent la clé d’une paix possible. Donald Trump et ses conseillers le savent, tout comme les Européens : on ne construit pas la paix sur le déni des réalités. Mais il faut, dans le même temps, éviter de céder au piège tendu par Moscou : transformer la négociation en capitulation.

Vladimir Poutine, porté par ses rêves d’empire, ne comprend que le langage de la force. C’est pourquoi l’Ukraine doit recevoir un soutien militaire indéfectible. Mais ce soutien ne doit pas être aveugle. Il doit s’accompagner d’une stratégie : démontrer à la Russie que l’Occident ne cherche pas son humiliation, mais qu’il n’acceptera pas non plus son expansion sans limite.

En conclusion

La paix n’adviendra pas par la seule victoire militaire, ni par la seule diplomatie. Elle naîtra de la combinaison des deux : résistance ferme et dialogue exigeant. Elle naîtra le jour où Américains, Européens, Ukrainiens et Russes accepteront de bâtir un compromis solide, équitable et garanti. C’est à ce prix seulement que l’Ukraine pourra cesser d’être la terre martyrisée des empires, et redevenir ce qu’elle fut jadis : un centre vivant, ouvert et souverain au cœur de l’Europe.

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