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Billet de blog 29 juillet 2025

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Un État palestinien maintenant : une erreur politique de plus d’Emmanuel Macron

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L’histoire n’a cessé de démontrer, tant que sur ce territoire commun existera deux entités ethno-religieuses côte à côte, elles seront en conflit permanent de façon plus ou moins violente.

Et pourtant, l’illusion persiste, au sommet des chancelleries ou dans le confort des plateaux télévisés, qu’il existerait encore une solution diplomatique, raisonnable, équilibrée, quand la réalité, elle, s’écrit chaque jour dans le sang, la ruine et le deuil. Ce n’est pas les bombardements méthodiques de Gaza, orchestrés sous l’égide du Premier ministre israélien au nom d’une guerre prétendument nécessaire, qui feront disparaître le Hamas ni les factions du Jihad islamique. Bien au contraire : en semant le chaos et la mort parmi les civils, ils nourrissent la haine, entretiennent le ressentiment, et fécondent les terreaux de la radicalisation Islamique la plus violente, y compris en Cisjordanie, ce territoire que l’on croyait moins inflammable.

L’histoire, qu’on prétend pourtant maîtresse de sagesse, n’a cessé de le rappeler à qui veut bien l’entendre ; il ne pourra y avoir de paix durable, seulement des trêves précaires, des accalmies trompeuses, tant que deux peuples, continueront de se disputer une même terre sans partages équitables, des cycles de violence plus ou moins longs, plus ou moins féroces se poursuivront.

Ce théâtre de douleur, rappelons-le, se joue sur un territoire à peine deux fois plus vaste que la Corse, abritant moins de 0,18 % de l’humanité, une goutte de sang dans l’océan des nations.

Israël, en 2025, compte 10,094 millions d’habitants, dont 7,732 millions sont juifs (77,6 %), 2,114 millions arabes (20,9 %), et 248 000 personnes (2,5 %) appartiennent à d'autres minorités. En 1948, ils n’étaient que 806 000. En l’espace de 77 ans, la population a donc été multipliée par douze. État démocratique à structure parlementaire, Israël est dirigé par un Premier ministre nommé par le président et investi par la Knesset. Le pays s’étend sur 22 070 km², soit un peu moins que deux fois l’Îles-de-France, bordé par 273 km de côtes. Environ 93 % de sa population est urbaine, et un habitant sur dix réside à Jérusalem, cœur vibrant et disputé d’un drame aux résonances millénaires.

En face, les territoires palestiniens abritent 7,962 millions d’âmes. En Cisjordanie : 5,862 millions d’habitants pour 5 655 km². Et dans la bande de Gaza, 2,1 millions de personnes entassées sur un confetti de 365 km², une enclave devenue prison à ciel ouvert, où la densité humaine atteint des sommets vertigineux : 6 090 habitants au kilomètre carré, soit treize fois plus qu’en Israël. La ville de Gaza elle-même, peuplée de 778 000 personnes, rivalise numériquement avec Marseille, mais s’étend sur une superficie cinq fois moindre. On y vit comme dans une bouteille trop pleine, où chaque secousse fait déborder la douleur.

Et ce drame était déjà en cours avant le 13 octobre 2023, date funeste où le Hamas et le Jihad islamique, dans un assaut aussi sanglant que fanatique, ont assassiné plus de 1 200 personnes, blessé des centaines d’autres, et enlevé près de 200 otages. Ce jour-là, une ligne invisible a été franchie, et l’on a basculé dans un cycle de représailles sans fin.

Pourtant, à peine deux semaines plus tôt, au 30 septembre, la situation humanitaire à Gaza était déjà désespérante : l’électricité n’était disponible qu’une douzaine d’heures par jour, l’eau potable manquait à 800 000 personnes, et près de 60 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté. Le chômage touchait près d’un actif sur deux (46,4 %), et 1,3 million d’habitants dépendaient déjà de l’aide humanitaire. Les écoles de l’UNRWA, ces abris de fortune qui rappellent que l’ONU veille mais ne protège pas, accueillaient déjà 175 000 déplacés avant même les premières frappes massives.

La population de Gaza souffrait également d’un accès limité aux soins : la bande ne comptait qu’une moyenne de 2,71 médecins et 1,3 lits d’hôpital pour 1 000 habitants. L’espérance de vie était de 75,6 ans, ce qui place le territoire au 122e rang mondial pour cette statistique. Elle était plus élevée pour les femmes (77,5 ans) que pour les hommes (73,9 ans). Situation qui depuis s’est considérablement dégradée.

La paix par deux Etats, l’un Palestinien, l’autre Israélien, pouvant vivre côte à côte dans le respect mutuel, tel qu’il va être proposé par Emmanuel Macron à l’ONU ne peut être qu’un leurre.

L’actualité, une fois encore, se teinte de sang et de larmes dans cette région du monde où la paix semble à jamais remise à demain. Le conflit, rallumé dans sa violence la plus brutale par les attaques du Hamas et du Jihad islamique, deux factions Islamistes criminelles, dont l’idéologie fanatique instrumentalise la misère, a provoqué une riposte immédiate et implacable de l’armée israélienne. Mais ce cycle n’est pas nouveau : depuis des années, des attentatspalestiniens isolés frappent le sol israélien, comme autant de signes d’un mal plus profond, plus ancien.

À y regarder de plus près, la racine du drame qui se joue à Gaza dépasse les antagonismes religieux ou culturels. Elle est, avant tout, une tragédie démographique. Une population jeune et nombreuse, entassée dans une enclave exiguë, livrée à une promiscuité étouffante, sans véritable avenir. La foi, l’histoire, l’identité n’en sont que des catalyseurs : ils attisent une colère née d’un manque d’espace, d’air, de ressources, d’horizons.

La Cisjordanie, elle non plus, n’échappe pas à l’impasse. Les colonies israéliennes, dont l’extension semble ne connaître de frein que dans les résolutions jamais suivies d’effet, grignotent un peu plus chaque jour les terres censées appartenir à un futur État palestinien.

Dans ce contexte, il est difficile de croire encore à la promesse de deux États vivant côte à côte en paix, comme le récit diplomatique le répète depuis des décennies. Avant même de plaider la cause palestinienne devant les Nations unies, Emmanuel Macron ne peut ignorer cette évidence douloureuse : la solution dite « à deux États » n’est plus qu’un mirage, un leurre. Elle a été pensée pour un autre temps, une autre géographie, un autre rapport de forces.

Depuis plus de soixante-dix ans, les négociations internationales s’accrochent à cette chimère, refusant de voir que le temps, le territoire et la démographie ont fini par l’éroder jusqu’à l’inanité. La disproportion est trop grande. Le déséquilibre, trop criant. Israël, fort de sa technologie, de ses alliances, de sa puissance militaire, fait face à une population palestinienne enclavée, appauvrie, croissante, et sans État.

La guerre actuelle, dans sa brutalité aveugle, vient dire ce que les mots peinent à admettre : le rêve de deux nations partageant la terre à l’ouest du Jourdain s’est effondré. Les responsabilités sont multiples, inégales, mais elles existent de part et d’autre. Et si les discours internationaux s’obstinent à ressusciter ce projet mort-né, c’est peut-être parce qu’ils n’ont rien d’autre à offrir qu’une illusion diplomatique.

Même les États-Unis, allié fidèle d’Israël, continuent d’invoquer cette paix théorique, cette promesse d’un vivre-ensemble respectueux. Mais au regard des faits, ce discours sonne de plus en plus creux. Une utopie à laquelle plus personne ne croit vraiment, mais que l’on récite encore, faute de mieux.

La solution la plus rationnelle au conflit israélo-palestinien devrait passer par la création d’un État fédéral unique, laïque et démocratique, englobant l’ensemble du territoire d’Israël et de la Palestine, à l’image de ce qui existe en Europe.

La voie la plus sensée, la plus juste peut-être, serait de rompre avec les mirages de la division pour imaginer enfin une entité politique nouvelle : un État fédéral, laïque et démocratique, englobant Israël et la Palestine, sur un même territoire partagé. Non pas deux États voisins, dont l’un, la Palestine, risquerait d’être condamné à une mort prématurée faute de cohérence territoriale, de viabilité économique et de reconnaissance pleine, mais un seul État, commun, aux racines multiples, aux cultures entremêlées, aux mémoires douloureuses mais capables, un jour, de se réconcilier.

Cet État fédéral pourrait s’organiser en entités fédérées, dessinées selon un double principe : celui du peuplement majoritaire, juif ou palestinien, et celui de la continuité géographique. Jérusalem, ville-symbole et cœur blessé des deux peuples, pourrait devenir la capitale fédérale, à la fois mémoire des conflits et promesse de leur dépassement.

L’exemple européen mérite ici d’être médité. Des nations qui se firent pendant des siècles la guerre sans relâche, se sont, après les tragédies du XXe siècle, rassemblées autour d’un idéal commun, unissant leurs destins dans la recherche de la paix, de la démocratie et d’un avenir partagé. Si cela fut possible pour l’Europe, pourquoi cela serait-il à jamais hors d’atteinte en Terre de Palestine ?

Sur le modèle de la Belgique, ou dans l’esprit du fédéralisme allemand, on pourrait concevoir deux grandes Communautés culturelles : l’une juive et chrétienne, l’autre arabo-musulmane, chacune libre de gérer ses affaires culturelles, éducatives et identitaires dans ses régions respectives, au sein des États fédérés. L’État central, lui, se concentrerait sur les prérogatives régaliennes : la diplomatie, la défense, la justice, la police, l’éducation nationale, la santé publique et la politique monétaire. À lire : https://www.revuepolitique.fr/transformons-israel-palestine-en-un-etat-federal-unique/

Cette idée, longtemps jugée utopique, trouve aujourd’hui un écho grandissant. De plus en plus de Palestiniens, mais aussi d’Israéliens, commencent à ne plus rejeter l’hypothèse d’un État binational, dans lequel coexisteraient, non sans tensions, mais sur une base de droits égaux, des deux peuples que tout oppose et tout relie à la fois.

Dans ce contexte, la colonisation en Cisjordanie, loin de garantir la sécurité d’Israël, ne fait que nourrir le ressentiment, renforcer le Hamas à l’approche de la succession de Mahmoud Abbas, et anéantir les dernières chances d’un État palestinien viable. Cette politique devra cesser, de gré ou de force, si l’on veut un jour restaurer une justice territoriale et briser le cercle tragique de la revanche et de la peur.

Bien que leur nombre n’ait cessé de s’amenuiser au fil des décennies, les chrétiens des territoires israéliens et palestiniens pourraient pourtant jouer un rôle discret mais fondamental dans l’émergence d’un État unique, partagé entre deux peuples.

Difficile de dresser un portrait chiffré précis de cette communauté en constante mutation. Les chrétiens palestiniens ne font l’objet d’aucun recensement spécifique, et leur trace se devine à travers les registres paroissiaux, les données éparses des bureaux statistiques israéliens et palestiniens, ou encore les mémoires familiales qui s’effilochent au fil des générations. La plupart vivent aujourd’hui entre Jérusalem-Est et la Cisjordanie, dans les villes et villages des districts de Bethléem, Bethléem elle-même, Beit Jala, Beit Sahour, et de Ramallah, autour des localités de Taybeh, Jifna, Birzeit ou encore Zababdeh.

En Israël, c’est dans le nord, à Nazareth et à Haïfa notamment, que se concentre cette minorité discrète. À la veille de Noël 2021, le Bureau central des statistiques israélien recensait environ 182 000 chrétiens, soit à peine 1,9 % de la population totale. Mais ce chiffre exclut les populations étrangères, principalement issues des Philippines, du Sri Lanka ou d’Inde, travailleurs immigrés et aides-soignants dont le nombre avoisinerait les 150 000.

Pendant ce temps, la Cisjordanie continue de se couvrir de colonies, où afflue une population juive désormais estimée à plus de 700 000 personnes. Ce phénomène s’accompagne, pour les Palestiniens, d’un cortège de spoliations : maisons confisquées, terres arrachées, sources d’eau détournées. À chaque étape, le paysage s’effrite : infrastructures démolies, patrimoine effacé, vie quotidienne disloquée. La terre natale se fragmente en îlots disjoints, en enclaves cernées par les routes militaires et les murs de béton.

Comme ailleurs au Proche-Orient, les chrétiens de Palestine semblent voués à l’effacement. Leur déclin démographique, amorcé dès 1948, est principalement lié à l’émigration. Ils ne représentent plus aujourd’hui qu’un mince filet, 1,5 %, de la population totale en Cisjordanie, à Gaza et à Jérusalem-Est, soit quelque 52 000 âmes dans une société majoritairement musulmane sunnite. Avant la Nakba, ils formaient près d’un cinquième de la population. Certains prophétisent leur disparition prochaine du territoire palestinien et les voient se retrancher exclusivement en Israël.

La peur de l’islam, parfois invoquée pour justifier ces départs, ne suffit pourtant pas à expliquer l’exode. Le désespoir pèse plus lourd que la crainte. L’arrêt brutal du processus d’Oslo, l’érection du mur de séparation, les querelles fratricides entre le Fatah et le Hamas, ont transformé l’espoir en exil. Pour les chrétiens comme pour tant d’autres, c’est l’avenir même qui semble s’être absenté.

Le Hamas, organisation islamiste aux ramifications politiques et militaires, classée comme terroriste par de nombreux États, remportait en janvier 2006 les élections législatives dans la bande de Gaza. Dix-sept ans plus tard, le 7 octobre 2023, cette même organisation signait l’une des attaques les plus sanglantes de l’histoire récente d’Israël : plus de 1 200 morts, des centaines de blessés, quelque deux cents otages, dont plus d’une cinquantaine restent à ce jour en captivité. La barbarie se double d’un effet de souffle prolongé : celui d’un chaos qui ravage autant les chairs que les vies civiles, les espoirs que l’économie.

Dans ce climat délétère, les chrétiens palestiniens, bien qu’en nombre infime, se trouvent au croisement de toutes les fractures. Minorité parmi les minorités, ils voient dans cette instabilité un gouffre s’ouvrir sous leurs pas. Leur avenir, déjà fragile, s’émiette au fil des décennies. Leur départ massif en est le symptôme : un exode silencieux, souvent passé sous silence, mais révélateur du désespoir ambiant. Et pourtant, c’est peut-être dans cette discrétion même que se niche une force insoupçonnée.

Sur cette étroite bande de terre, à peine deux fois grande comme la Corse, vit moins de 0,18 % de l’humanité. Et pourtant, elle concentre depuis plus d’un siècle les tensions, les mythes, les blessures du monde. Deux peuples, deux récits, deux douleurs s’y font face. Comment croire encore à la pérennité d’une coexistence cloisonnée entre deux entités ethno-religieuses rivales, en état de guerre larvée ou ouverte ? Comment continuer à ériger des murs là où l’histoire, la géographie et la mémoire exigeraient des ponts ?

À cette impasse tragique, une seule issue mérite d’être pensée avec sérieux et courage : celle d’un État unique, fédéral, laïque et démocratique, Israël-Palestine commun, rassemblé non sur une logique d’identité, mais sur le socle d’un vivre-ensemble enfin partagé. Cette idée, longtemps tenue pour utopique, fut pourtant portée par des voix respectées : Noam Chomsky, le grand intellectuel dissident ; Edward Said, figure palestinienne de la critique postcoloniale ; Sami Aldeeb, juriste chrétien qui enseigne entre la Suisse, la France et l’Italie. Des penseurs qui, loin du tumulte, esquissent un horizon de justice et de paix.

Mais que peuvent les chrétiens dans un tel fracas ? Que peuvent ceux dont le nombre s’efface dans les statistiques, qu’on oublie dans les traités, qu’on marginalise dans les récits ?

Peut-être justement parce qu’ils sont en marge, ils peuvent offrir un point de fuite. Leur position singulière, ni juive ni musulmane, les expose à un double rejet : « Pour les musulmans, nous sommes des athées ; un Palestinien ne peut être que musulman. Pour les juifs, nous sommes des Arabes, donc des terroristes en puissance », confient certains d’entre eux. Dans cet entre-deux douloureux, les chrétiens portent une lucidité que d’autres ont peut-être perdue : ils savent que la paix ne pourra advenir sans un renversement des logiques identitaires.

Le mur de béton qui transperce Bethléem, haut de huit mètres, symbolise cette absurdité. Construit pour protéger Jérusalem des attentats, il scinde en deux la ville de la Nativité, coupe des quartiers chrétiens, isole des familles, fragmente les existences. Il traverse la terre et les consciences. Et pourtant, dans l’ombre de ce mur, une vérité se fait jour : les chrétiens, marginalisés, oubliés, pourraient devenir la clef de voûte d’un nouveau pacte. Parce qu’ils n’ont rien à imposer, parce qu’ils n’ont plus rien à perdre, ils peuvent tout proposer.

Pour conclure :

Le président Emmanuel Macron ne peut continuer à invoquer, comme un refrain usé, la solution des deux États, cette chimère diplomatique que le réel n’a cessé de contredire. En plus de soixante-dix ans, hormis le court moment des accords d’Oslo, jamais cette formule n’a produit autre chose qu’un sursis. Il est temps d’envisager une autre voie : celle d’un soutien franc et déterminé à celles et ceux, Israéliens comme Palestiniens, qui œuvrent, souvent au péril de leur sécurité, pour un seul État, fédéral, laïque et démocratique. Non par idéologie, mais parce qu’il n’y a désormais plus d’alternative.

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