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Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. Etienne de la Boétie

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Billet de blog 18 août 2016

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Outrages et Indulgences de Washington, 16 août 2016

Parfois, il semble que les officiels de Washington ont seulement des normes doubles et ambigues ou pas de normes du tout. Par exemple ils ont de l'indignation contre certains "Hommes Forts" et seulement des indulgences compréhensives pour d'autres. Comme Lawrence Davidson le décrit fort bien. (Robert Parry, Editor)

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Traduction de l'article de Lawrence Davidson du 16 août 2016.

Outrages et Indulgences de Washington

Les États-Unis ont été, et continuent d'être, sélectifs sur les chefs d'états étrangers qu'ils refusent de tolérer. Parmi ces derniers, il y a eu Saddam Hussein en Irak, Bachar al-Assad de la Syrie, Mouammar Kadhafi de la Libye, l'ayatollah Khomeini en Iran, Hugo Chavez au Venezuela (qui n'a pas été aussi autocratique que dépeint publiquement), Fidel Castro à Cuba et Vladimir Poutine en Russie. Ce ne sont que quelques-uns de ces dirigeants récents qui ont attiré la colère des personnalités "démocratiques" à Washington. Cette colère comprend souvent l'étranglement économique, l'interventionnisme de la CIA et même l'invasion militaire.

En même temps, un autre groupe d'autocrates est très bien toléré par les États-Unis. Parmi ce groupe on trouve Benjamin Netanyahu d'Israël, Recep Tayyip Erdogan, le général Abdel Fattah el-Sisi d'Egypte, et divers politiciens de droite européens tels que Viktor Orban de Hongrie. Chacun de ces hommes forts montrent peu de tolérance pour la dissidence et la volonté d'exploiter le nationalisme teinté de racisme.

Illustration 1

Qui a t-il derrière ces doubles normes de Washington, ces réactions contrastées à un ensemble de régimes plutôt qu'à un autre ? Souvent, les politiciens américains vont parler de la promotion de la démocratie et prétendent que les dictateurs qu'ils soutiennent ont une meilleure chance d'évoluer dans un sens démocratique que ceux auxquels qu'ils s'opposent. Il se pourrait que ces politiciens croient réellement que ce soit le cas, au moins au moment où ils font ces déclarations. Mais il n'y a aucune preuve historique que leurs allégations sont vraies. Cet argument sert en grande partie à voiler la face. D'autres raisons sous-jacentes existent, justifiant les choix qu'ils font.

Voici quelques-unes de ces raisons probables:

L'ami  de notre ennemi est notre ennemi / l'ami de notre ami est notre ami. Dans ce scénario , le principal ami des États-Unis est Israël et l'ennemi principal est la Russie. Les pays amis / ennemis secondaires sont l'Egypte décidément antidémocratique et la Syrie. L'Egypte est devenu un ami des États-Unis , une fois qu'Anwar Sadat eut fait un traité de paix avec Israël en Mars 1979. La Syrie, d'autre part, a toujours été hostile à Israël et elle est restée un Etat ennemi. Il n'y a aucune motivation démocratique dans ce raisonnement.

Raisonnement de guerre froide. Après la Seconde Guerre mondiale la Turquie est devenue un "atout stratégique" en raison de sa proximité avec l'Union soviétique et de la volonté des USA d'y installer des bases aériennes et des lance-missiles. L'ingérence répétée de l'armée turque dans la politique civile était sans conséquence pour Washington. Aujourd'hui les gouvernements européens de l' Est, de nature de plus en plus autocratiques, semblent être considérés par beaucoup des membres du Pentagone comme des atouts "post guerre froide" à la frontière d'une Russie qui n'a jamais cessé d'être un ennemi. Pour un grand nombre d'Américains (militaristes et néoconservateurs), la guerre froide n'a jamais vraiment prit fin.

Illustration 2

Ressource d'atouts rationnels. Autocraties comme l' Arabie Saoudite et le Koweït entrent dans cette catégorie. Les États-Unis jouent le rôle d'un allié les soutenant, en échange de prix du pétrole stables et abordables dans le monde entier. Dans ces pays l'élimination de minorités chiites et autres par les sunnites est sans importance.

Qu'est-ce qui se passe si ces régimes riches en ressources font volte-face, cessant leur coopération avec les États-Unis ? Eh bien, vous avez la réponse avec l'Iran. Il y a eut un moment où les Etats-Unis furent entièrement en faveur du Shah, mais il fut remplacé par des ayatollahs hostiles en 1979. Dès lors, la convivialité américaine a cédé la place à des tactiques d'isolement économique et de complots de la CIA. Encore une fois, la démocratie a peu à voir avec quoi que ce soit dans ces cas.

La raison classique gauche contre droite.  Il y a enfin la tradition américaine historiquement ancrée que les régimes autocratiques économiquement coopératifs sont des alliés acceptables. Coopération signifie ici que les dirigeants se livrent à un comportement capitaliste amical : tolérer l'entreprise privée et protéger la propriété des investisseurs étrangers. Cette position économique a toujours été plus importante que les libertés politiques.

Illustration 3

Ceux qui agissent de cette façon, comme le Chili sous Augusto Pinochet ou l' Argentine avec son régime militaire brutal, sont soutenus quand ils suppriment la démocratie et les droits civils. Cependant, d' autres régimes, comme ceux de Cuba sous Castro et le Venezuela sous Chavez sont traités différemment. Dans le cas du Venezuela, la démocratie a été en fait pratiquée, mais à cause de ses politiques économiques à penchant socialiste, Washington a essayé très durement de détruire le gouvernement du pays. Pour ceux qui sont intéressés par l'évolution de cette classique politique étrangère américaine, son histoire est expliquée en détail dans mon livre, Foreign Policy Inc.: Privatizing America’s National Interest.

Démocratie et les "Autres"

En privilégiant les alliances, le contrôle des ressources et l'idéologie économique traditionnelle, les États-Unis détournent leur regard d'autres aspects des comportements autocratiques, en contredisant leurs propres valeurs et en montrant ainsi clairement l'hypocrisie de leur politique étrangère. Un exemple est la question de la démocratie et de "l'Autre".

Depuis les années 1960 les États-Unis ont été aux prises avec des pulsions racistes. La majeure partie de sa population sait que la discrimination contre les "autres" est active. Ils peuvent le reconnaître dans les lois de vote du pays, dans le comportement de sa police, et dans l'attitude d'un candidat politique comme Donald Trump. Des étapes officielles, même si elles sont désespérément lentes et soumises à des inversions périodiques, sont prises pour freiner, sinon surmonter, ces préjugés publics. On pourrait penser que cette sensibilité serait poursuivie dans les affaires étrangères. Pourtant, c'est le contraire qui est vrai.

Bon nombre des dirigeants autocratiques au pouvoir ayant les faveurs des Etats-Unis ont accéléré, au moins en partie, l'instillation de la peur de "l'autre" celui qui menace les fantasmes d'un caractère national éternel, pur sang, et l'état d'un peuple élu de Dieu. Par exemple, le premier allié de Washington au Moyen-Orient, Israël, est un état qui, au mieux, peut être décrit comme une démocratie officiellement discriminatoire où les préjugés contre l ' "Autre" (dans ce cas, les Palestiniens et les autres non-juifs) sont normalement sanctionnés par la loi.

Illustration 4

Dans le cas de l'Europe, l'actuelle popularité croissante de l'aile droite et de ses dirigeants autoritaires est directement dérivée de la peur de "l'Autre". Laquelle, à son tour, a été stimulée par la crise des réfugiés que les États-Unis et ses alliés ont aidé à créer.

La destruction de l'Irak a été un catalyseur qui a laissé des forces, libres de submerger la Syrie et la Libye, et qui ont mis en mouvement ce déluge de réfugiés quittant le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord pour aller en l'Europe. Le gouvernement américain accepte les autocrates de droite anti-démocratiques qui exploitent maintenant la crainte de l'arrivée de centaines de milliers de personnes déplacées dont Washington est en grande partie, responsable.

La fin de la guerre froide n'a pas mis au repos les forces idéologiques militaristes de l'Occident. En effet, elle leur a donné un coup de pouce. Ces acteurs d'une politique étrangère "néoconservatrice" sont encore bien représentés au sein des bureaucraties du gouvernement américain. Leurs politiques sont fondées sur des fantasmes de "changement de régime" et de refaire le monde de sorte qu'il soit sous l'influence permanente des États-Unis. Toutefois, la démocratie n'est pas maintenant, et n'a jamais été, l'objectif final de ce processus.

Au lieu de cela, les affaires étrangères des États-Unis ont été conçues pour diffuser les pratiques économiques capitalistes qui facilitent la prospérité de leur propre classe "dominante". Sur ce chemin, les Etats-Unis visent la fiabilité de ses ressources et de ses partenaires commerciaux, la sécurité de ses alliés traditionnels et de garder un avantage stratégique sur les anciens ennemis.

Dans toutes ces activités, les États-Unis se sont contentés depuis longtemps de ce que Jonathan Freedland appelait autrefois l' «école de sonofabitch de la politique étrangère.» En d' autres termes, Washington ne se soucie pas si ses alliés coopérants sont des assassins, des voleurs corrompus ou des racistes. Ils pourraient être des bâtards de premier ordre, mais c'est OK tant qu'ils sont "nos bâtards". Telle est la société que nous entretenons.

Sonofabitch = fils de pute, in french.

Lawrence Davidson est professeur d'histoire à l' Université de West Chester , en Pennsylvanie. Il est l'auteur de  Foreign Policy Inc.: Privatizing America’s National Interest de  America’s Palestine: Popular and Official Perceptions from Balfour to Israeli Statehood  et de  Islamic Fundamentalism.

Souce : blog de Robert Parry, Editor

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