Paris-Genève au pas de charge
Jeudi 7 heures, le réveil me tire des images fugitives d’une brève et stimulante semaine parisienne.
Après Laurent Gaudé, sa furieuse dystopie d’une Grèce vendue à l’encan[1], une Adèle van Reeth que je ne connaissais pas si poignante[2], j’ai beaucoup appris, suivant mon épouse hors festival du Livre, de la servitude des engagés indiens en Réunion et aux Antilles, par l’hommage à un grand méconnu, l’indo-guadeloupéen Sidambarom, victorieux conquérant de leur nationalité.
Le lendemain, plus que centenaire, Edgar Morin revenait, à propos d’Ukraine[3], sur les guerres ayant hanté ses débuts en communisme malgré ses lectures de Trotski et Souvarine. Il concluait sur l’urgence du combat de la haine des deux côtés des tranchées avant de céder l’agora à Michelle Perrot[4], figure princeps de l’histoire des féminismes.
Enfin, quelle aventure d’errer le lendemain, seul, dans les couloirs déserts de l’Assemblée Nationale au terme d’une belle session de « J’y suis, j’y vote », où je pus vanter l’initiative genevoise en cours[5] avant de trouver la sortie grâce à des CRS mitraillette en bandoulière.
Me voilà assailli, devant mon café au lait, par les nouvelles à France-Inter. J’entends François-Xavier Bellamy pérorer sur les raisons des Républicains (LR) d’être mécontents de l’abandon pour des temps meilleurs, par la 1ère ministre, du projet de loi sur l’immigration concocté par son collègue de l’Intérieur. Trois chantiers moins conflictuels à étrenner d’ici le 14 juillet sous casserolades suffisent au président encore empêtré des retraites. Les LR ne décolèrent pas, l’accusent d’être esclave de son aile gauche ouvrant les vannes au flux d’immigrés que l’Europe entière voudrait endiguer, et travailleront à une loi de leur crû. Mme Borne rétorque n’avoir pas de majorité sur ce coup. Je la remercie de m’absoudre du stigmate de populiste pour avoir proclamé son mentor mal élu du second tour.
A moi le TGV pour Genève, le calme d’après tempête… et l’angoisse du 30 avril[6] après la déculottée du 2[7].
Dario CIPRUT
[1] Chien 51, Actes Sud
[2] Inconsolable, Gallimard
[3] De guerre en guerre, Editions de l’Aube
[4] Le temps des féminismes, Grasset
[6] 2ème tour de l’élection du Conseil d’Etat, gouvernement du canton de Genève, à majorité rose-verte alors menacée, défaite depuis
[7] Election du Grand Conseil, parlement du canton de Genève, où la gauche radicale, divisée, s’est vue éliminée faute du quorum fixé à 7%