Il fallait coûte que coûte un budget à la France, fût-il détestable et dommageable, au-delà de ses citoyens, à une vaste majorité de ses habitants. Admirable sagesse, acquise sans doute dans l'exercice du pouvoir sous Chirac ! C'est Jospin qui vint en effet au secours de Hollande pour encourager l'équipe Faure-Vallaud à défier leurs alliés du NFP et … , comme nous l'avions aisément prédit dans notre précédent blog, trahir leurs électeurs.
Les dés en sont jetés maintenant que l'après-midi du 5 février, les deux motions de censure déposées par LFI suite aux 49.3 ont été rejetées, ou plutôt n'ont été approuvées (voir sous scrutins) que par 128 députés (dont 6 PS) et 122 (aucun PS), très loin de la majorité des 289 requis. La défection prévue du PS, confirmée par la décision négative de son bureau national l'avant-veille (cf. l'inventaire des réfractaires qu'en donne Libération), rencontra encore moins d'adversaires résolus dans le rang de ses députés. De fait, n'était en jeu qu'une course à la respectabilité avec le RN pour assumer la responsabilité de … prolonger le règne par intérim du premier des macronistes historiques.
Ce choix pèsera très lourd sur l'avenir de la gauche et donc du pays. Il entérine d'évidence la fracture du NFP dont l'arc qui va des macronistes à l'extrême droite ne peut que se féliciter. Même si des soubresauts de dignité dans les rangs des fauristes peuvent encore se produire, et il ne s'agit pas du honteux simulacre de censure, spontanée et non provoquée par un 49.3, promis en protestation contre le terme de "submersion migratoire" employé le 27 janvier par le PM, auquel le RN ne saurait d'évidence souscrire. Il reste quelques autres occasions où le gouvernement anticipait d'engager sa responsabilité, ce qu'il vient de faire une troisième fois dans la journée pour la partie "recettes" du PLFSS, que la France Insoumise s'est promis de censurer dans les jours qui viennent.
Si le gouvernement n'est donc pas totalement tiré d'affaire, il est néanmoins patent que des parties essentielles du budget sont maintenant sous toit. De tradition parlementaire, c'est l'adoption du budget qui tranche entre majorité et opposition. Quand le vote du budget est rendu impossible par son adoption autoritaire mais légale par l'usage du 49.3, c'est celui de la motion de censure qui constitue cette même ligne de démarcation. Le PS ne l'a pas votée, et de fait ne se trouve plus dans l'opposition, mais dans le soutien au gouvernement, sans participation pour l'heure. C'est ce qu'Eric Coquerel avait eu l'occasion de démontrer quasi cliniquement dans l'entretien matinal de la veille du vote de la censure à RTL. La manœuvre des socialistes de proposer, pour redorer leur blason d'opposants, une motion de censure à blanc, hors budget, certaine d'être rejetée et de laisser Bayrou impavide, ne trompera personne, même si une adoption majoritaire entrainerait la chute du gouvernement. En tout état de cause, LFI a déjà acté que le NFP est réduit de fait à trois composantes, et que le PS a changé d'alliance, alors que communistes et écolos paraissent vouloir patienter jusqu'à la fin des examens budgétaires pour acter sa rupture.
Deux questions méritent d'être posées dont nous serions bien prétentieux de détenir la réponse. Cette rupture d'alliance, où le Rubicon a été franchi par les socialistes le 5 février sous les applaudissements goguenards de François Hollande, est-elle définitive , et si oui signe-t-elle l'acte de décès du NFP, accomplissant la prophétie de Manuel Valls sur les "gauches irréconciliables" ? Olivier Faure peut bien professer que le NFP existera tant que perdurera la menace de l'extrême droite au pouvoir en France et que le NFP n'est pas aux ordres de Mélenchon, il reste, malgré son expertise en revirements, peu vraisemblable qu'il rentre au bercail du NFP après le service rendu au RN par l'adoption d'un budget austéritaire et le prolongement de la ligne Retailleau-Darmanin au gouvernement. Nul doute qu'il encourrait alors les foudres de ceux qui l'attendent au congrès et l'ont accompagné dans le dernier en date de ses virages. Mais ce virage n'incarne pas l'irréconciliabilité supposée entre gauche de gouvernement ou modérée et gauche de rupture ou radicale, chère au nouveau ministre des outre mers. Une fraction hésitante et infidèle au programme de réformes ambitieuses, sans révolutionner autoritairement les institutions et dans le respect des échéances, signé devant ses électeurs aura certes quitté le bateau du NFP pour accorder un sursis au macronisme finissant happé par la droite er sa droite extrême, mais elle s'est en même temps dissociée du long fleuve turbulent de la gauche.
Le NFP a de quoi réconcilier entre elles, et unir dans l'action les gauches sociales, écologistes, citoyennes et antilibérales, dont la France a un besoin urgent. Communistes, écologistes et insoumis s'emploieront dès demain, avec l'apport de l'Après enrichi de la GdS, et de Générations, déjà en pourparlers de fusion, et vraisemblablement du NPA, voire peut-être de quelques socialistes en déshérence écœurés de la godille, à faire fructifier, parfois dans la douleur et la tension propres à l'union, la culture de gouvernement dans l'opposition claire et résolue à la variante macroniste de la chèvre et du chou que le NFP ambitionnait de mettre en œuvre. Les prochains rendez-vous présidentiels, législatifs et sur le terrain des luttes sociales ne manquent pas, même si beaucoup de temps à été perdu par le déni démocratique de l'actuel président.
Longue vie au NFP des gauches réconciliées que Bayrou et la droite présidentielle élargie pensent avoir mises au cercueil !