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Billet de blog 8 juin 2023

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L'assaut sur la démocratie vient du perchoir

Il se joue aujourd'hui à l'Assemblée Nationale un énième et peut-être dernier acte de la résistance parlementaire à la réforme des retraites. La présidente Yaël Braun-Pivet y détient le pouvoir d'empêcher cette institution de voter l'abrogation de cette loi injuste, non nécessaire et mal ficelée. Un certaine forme de la démocratie française y est en jeu. La motion de censure est à l'horizon.

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La 14ème journée de manifestations contre la réforme de retraites, du mardi 6 juin, porte les marques d’une mobilisation en nette baisse par rapport à celle, historique, du 1er mai. La lassitude des grévistes comme des manifestants devant les résultats législatifs nuls de l’obstination procédurière d’un gouvernement bravant l’opinion majoritairement hostile à la réforme est parfaitement compréhensible. Laurent Berger, comme il fallait s’y attendre, s’est empressé de déclarer la page tournée pour passer à d’autres enjeux sociaux, avec un timide renvoi à la séance parlementaire du surlendemain aujourd’hui 8 juin, au risque de rompre le front uni d’une intersyndicale dont il est à la veille de prendre congé.

Aujourd’hui, jeudi 8 juin, l’Assemblée Nationale est appelée à voter le projet de loi déposé par le groupe LIOT, co-signé par la NUPES, postulant, dans son premier article, l’abrogation de la disposition de la réforme prévoyant le passage de l’âge légal de la retraite de 62 à 64 ans, cœur comme chacun sait de la réforme promise par le président et maintenue jusqu’ici sans vote autre que celui du Sénat, arrachée à coups de 49.3 après mutilation des débats parlementaires et promulgation à la hâte. Le dernier épisode avant la séance s’est joué à la commission des Affaires Sociales où une courte majorité de droite dont une poignée de commissaires LR triés sur le volet pour la circonstance a réussi à dénaturer le projet de loi, pourtant validé à deux reprises par la présidence de l’AN (la macroniste Braun-Pivet) et celle de la commission des finances (le LFI Coquerel), en retoquant son article premier revenant sur l’âge limite. C’est dans ce contexte que les médias serviles ne laissent pas de brocarder par avance la NUPES, et la France Insoumise, de vouloir faire front sans abandonner la revendication de retrait. Si la présidence de l’AN refuse le vote de tout amendement au PPL au nom de l’art. 40, qui permet de rejeter les amendements non proprement financés, ils préparent une motion de censure ou/et utiliseront leur niche parlementaire pour ressaisir l’AN par quelque biais.

Jean-Luc Mélenchon a répondu par la négative à la question qu’il se posait à lui-même de juger si la république française était encore en démocratie ou pouvait être déjà rangée dans les « démocratures » taraudant l’Europe ou le Bosphore, pour ignorer les régimes constitutivement autoritaires plus à l’Est, et avant même que ne se concrétise ici la menace d’une présidence Le Pen pour 2027. C’est bien là que se joue maintenant, dans l’Hexagone et ses Outremers, ce qui est peut-être le point d’inflexion politique que réclamait un mouvement comme celui des Gilets Jaunes et l’issue de la plus grande mobilisation populaire du dernier demi-siècle, échouant jusqu’ici à bousculer des institutions que la présidence Macron a contribué à délabrer avec le reste des solidarités.

L’inévitable démobilisation qui suivrait l’abandon de la lutte contre l’application de la réforme des retraites, dont le président s’empresse de soutenir par une rafale de décrets l’introduction dès la rentrée d’un été déjà annoncé comme le plus chaud de l’histoire, pour parler maintenant, comme Laurent Berger le suggère en syntonie avec ce que susurrent nos éditocrates, des autres sujets sociaux que sont les salaires ou l’immigration, inaugurerait à n’en pas douter la crue rampante des violences et, sur fond d’abstention lors des prochaines échéances électorales européennes et régionales, un climat propice aux illusions de changement à l’extrême-droite, vainement renvoyée à ses fondamentaux pétainistes et fascistes.

L’heure est plus grave qu’on ne l’imagine et l’unité fragile des forces de gauche, symbolisée par la réussite de la NUPES depuis les dernières législatives sur un projet clairement antilibéral rompant définitivement avec la soupe servie par les Hollande, le Drian ou Cazeneuve finissant par la danse du ventre d’un Valls, un talisman à ne pas dilapider. Attention aux divisions qu’on voit suinter pour opposer par exemple le social, en gros la lutte des classes pour l’amélioration des conditions de vie matérielles, au sociétal plus soucieux des inégalités et clivages culturels, statutaires et identitaires.  

Que fait la gauche pour condamner l’exil des SDF en province pour nettoyer la capitale avant les JO ? Pourquoi Méluche s’acharne-t-il sur une Delga, dont le rôle anti-Nupes est en effet à la fois pitoyable et dégradant pour la gauche, en lui imputant des positions qu’elle n’a pas lorsqu’elle s’oppose aussi à la législation que veut imposer Darmanin ? La VIème République avec le RIC comme horizon du projet institutionnel démocratique français couplé avec une crédible résistance au chantage à la dette et à l’austérité comme avec une stratégie énergétique comptable du dérèglement climatique, mérite beaucoup mieux que ces épisodes revanchards.

C’est dans ce contexte que devrait apparaître en pleine lumière ce à quoi joue la présidente de l’Assemblée Nationale au perchoir. Son rôle minable de supplétive du président, son attentat à la démocratie que dénonce aujourd’hui l’opposition parlementaire piétinée, est paradoxalement très attendu, puisqu’elle a annoncé et confirmé sur les ondes son intention d’employer l’estocade de l’art.40  pour empêcher le vote de tout amendement. Elle croit étouffer la résistance, y compris dans les ors du parlement, à une réforme injuste et n’ayant d’autre nécessité que de sauver du discrédit la stratégie présidentielle de coalition et l’infinie arrogance de son titulaire. En avant pour la motion de censure, dernier rempart de la dignité institutionnelle !   

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